Homélie de Mgr Laurent Ulrich - Messe en la cathédrale Notre-Dame de Paris

Samedi 18 octobre 2025 – 18h - Notre-Dame de Paris

– 29e dimanche du Temps Ordinaire – Année C

- Ex 17, 8-13 ; Ps 120, 1-8 ; 2 Tm 3,14 et 4,2 ; Lc 18, 1-8

« Cependant, dit Jésus, le Fils de l’homme quand il viendra trouvera-t-il la foi sur la terre ? » Voilà une question qui nous interroge et qui nous concerne directement, qui s’adresse à nous. Quand viendra le Seigneur, nous trouvera-t-il toujours ardents dans la foi ? Et c’est bien pourquoi il demande à ses disciples d’être persévérants dans la prière. Il faut sans cesse demander, il faut sans cesse se tourner vers le Seigneur, vers Dieu notre Père, pour lui rendre grâce et pour l’implorer.

D’une certaine façon, et c’est pour cela que le texte de la première lecture a été choisi en relation avec cet évangile, nous comprenons que Moïse lui-même aurait pu être découragé de prier, parce que ses mains n’arrivaient pas à tenir tout au long de la journée dans ce combat contre l’adversaire, alors que le peuple qu’il conduisait errait à travers le désert. Il y a eu bien des occasions pour ce peuple, et peut-être pour Moïse, de se décourager, ne trouvant pas vraiment la route qui les sortait du désert et les amènerait dans la Terre promise. Il y aurait eu bien des raisons de perdre la foi, de perdre le courage, de perdre l’espérance que Dieu cherchait à mettre dans leur cœur. La vie est longue, pouvons-nous penser aujourd’hui, et nous sentons qu’il peut y avoir dans notre propre vie bien des découragements sur le chemin de la foi, sur le chemin de l’espérance, sur le chemin de la charité aussi. On peut se dire qu’il y a tellement de combats à mener pour que la justice arrive dans ce monde et que la charité puisse s’exercer vraiment au bénéfice de tous ceux qui sont dans la peine, dans la douleur, dans la misère, et qui ont besoin d’être consolés, d’être encouragés et d’être sortis de l’épreuve de la misère et de la pauvreté. Il y aurait tant de raisons de se décourager, comme Moïse, mais heureusement il a eu des aides, il n’était pas le seul à prier, il y avait autour de lui deux hommes qui étaient capables de lui tenir les mains, qui étaient capables de maintenir en lui, Moïse, puis en eux aussi, le goût de prier Dieu devant les situations délicates et difficiles.

Jésus prend aussi cette image du juge inique, du juge injuste, qui ne veut pas répondre à cette pauvre veuve qui est dans un procès et qui a besoin que ses droits soient reconnus : elle ne se décourage pas, elle ne cesse pas de demander justice, de s’approcher de ce juge pour avoir enfin raison, pour voir enfin la justice s’accomplir à son profit, à son bénéfice. Et Jésus dit que si même ce juge inique est capable de finir par donner raison à cette personne pour qu’elle ne l’ennuie plus, le Père qui sait tous vos besoins n’a pas besoin qu’on insiste beaucoup : il suffit de rester, il suffit de persévérer, il suffit d’espérer.

La vie est effectivement un combat : tenir bon dans la prière et dans la charité c’est un combat, et c’est aussi un combat de tenir bon dans l’espérance, de se dire que ce qui n’est pas résolu aujourd’hui, ce qui n’est pas arrivé aujourd’hui arrivera, parce que Dieu le veut, parce que c’est la volonté du Seigneur de faire pour les hommes et pour ce monde qu’il a créé et qu’il aime, le bien, la justice et le droit. Le travail de Dieu s’accomplit jour après jour et peut-être que nous n’en voyons pas les résultats, mais le peuple de la Bible a toujours espéré, malgré bien des tentations de se décourager, malgré bien des combats perdus, malgré bien des chemins un peu perdus aussi. Ce que nous avons à vivre est parfois long, ce que nous avons à supporter est parfois difficile et décourageant, mais Jésus nous invite à rester fidèles à la prière et à ne jamais nous désespérer de demander à Dieu d’obtenir non pas ce qui nous arrange, mais d’obtenir ce qui est bien, ce qui est juste, ce qui est bon à ses yeux. Dieu aime ce monde, Dieu a envie de le voir réussir, Dieu désire que les hommes soient fraternels entre eux, Dieu désire que les injustices soient combattues, Dieu désire que l’humanité ne cesse de grandir dans le bien, dans l’amour, dans le pardon, dans sa miséricorde.

Saint Cyprien de Carthage, un saint très ancien de notre tradition, au IIIe siècle, faisait un grand commentaire de la prière du Notre Père. Il disait que nous ne demandons pas sans cesse à Dieu de résoudre nos difficultés : ce que nous lui demandons il le connaît, les besoins que nous avons, les misères que nous traversons, les pauvretés que nous voyons, les combats intérieurs que nous devons mener, il les connaît. Le monde tout entier gémit dans les douleurs et il a besoin d’être exaucé : quand nous prions, nous ne nous adressons pas à Dieu pour lui rappeler tous nos malheurs, il les connaît mieux que nous. Quand nous prions, nous demandons à Dieu de nous aider à garder les yeux ouverts sur les difficultés de notre existence et sur l’espérance. Il nous demande non pas de lui adresser des prières pour lui rappeler ce qu’il faudrait qu’il fasse mais pour nous rappeler à nous ce qu’il faut que nous fassions et que nous lui demandions. Qu’il nous laisse en éveil, que la prière que nous faisons chaque jour soit une prière qui nous laisse toujours en éveil sur les difficultés de la vie, sur les injustices, sur les nécessités de la fraternité, sur la paix qui doit régner entre les hommes, sur la façon de vivre que nous aurons et que nous devrions avoir à l’égard de tous.

Frères et sœurs, que cet évangile nous invite à être des priants, des priants qui ne se désespèrent jamais, des priants qui demandent au Seigneur d’être fidèles à sa Parole. C’est ce que l’apôtre Paul demande à son disciple Timothée en lui disant : « Tu connais bien les Écritures, tu les écoutes, tu les lis, tu les as reçues dans ta famille depuis ton enfance, alors sois fidèle à ce que tu as découvert dans l’Écriture. Sois fidèle à la Parole de Dieu. Sois fidèle à te tourner vers Lui pour Lui rendre grâce et pour Lui dire : Seigneur, toi seul tu me rends fidèle à ton amour. »

+Laurent Ulrich, archevêque de Paris

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