Homélie de Mgr Laurent Ulrich – Messe de la Toussaint
Mercredi 1er novembre 2023 – Saint-Sulpice
– Fête de la Toussaint – Année A
– Ap 7, 2-4.9-14 ; Ps 23 (24), 1-2, 3-4ab, 5-6 ; 1 Jn 3, 1-3 ; Mt 5, 1-12a
Dans l’Apocalypse, on croit souvent qu’il y a des choses mystérieuses - dans le sens d’incompréhensibles - et des phénomènes que l’on ne sait interpréter et qui par conséquent sont loin de nous. Mais détrompons-nous : ce livre a été écrit à un moment où déjà, dès le 1er siècle, les communautés chrétiennes étaient affrontées au monde dans lequel elles se trouvaient, qui ne les comprenait pas, et affrontées même à des persécutions.
Ce livre a été écrit pour leur donner courage au milieu de l’épreuve. Nous l’avons entendu très clairement dans la 1re lecture : ceux qui portent une robe blanche, qui a été purifiée dans le sang de l’Agneau, viennent de la grande épreuve. Ce livre a donc été écrit pour donner courage aux premiers chrétiens et à toutes les générations suivantes de chrétiens qui se trouvent affrontés à l’épreuve de l’incompréhension de leur témoignage, à l’épreuve du combat contre le mal, qu’ils viennent accomplir avec le Christ.
Alors regardons ces signes qui nous sont donnés, aujourd’hui, en cette fête de Toussaint. D’abord cet ange qui monte comme le soleil, le soleil qui éclaire toute vie, annonçant la venue du Seigneur. Le Seigneur Jésus est déjà venu en Palestine dans le temps que nous connaissons, annoncer la Bonne Nouvelle du Salut et l’Évangile que nous sommes encore chargés d’annoncer, avec lui, aujourd’hui. Mais il viendra de nouveau pour un jour qui ne finira pas, pour un jour avec Dieu son Père, pour un jour où toute larme sera essuyée des yeux et où toute haine entre les hommes aura disparu.
Voilà cet ange que nous recevons comme le messager, c’est-à-dire l’Evangéliste, vraiment, celui qui nous évangélise et qui nous dit : n’ayez pas peur dans le monde dans lequel vous êtes ! N’ayez pas peur et soyez capables comme le Christ, et avec lui, de combattre tout ce qui s’oppose à l’esprit des Béatitudes, de combattre en vous-même déjà le mal qui vous guette, de combattre toute haine ! Et aujourd’hui, alors que nous sentons tellement revenir les inquiétudes de la guerre, le combat contre la haine entre les hommes, de quelque bord qu’ils soient, est un combat nécessaire. Notre vie, notre témoignage, celui pour lequel nous sommes faits est effectivement, dans la foi, un combat. Un combat spirituel qui se mène à l’intérieur de nous-mêmes et un combat qui lutte contre toute forme de domination, contre toute forme de jalousie, conte toute forme de haine entre les hommes, contre toute forme de mensonge. C’est le combat contre le Malin, contre celui qui, malignement, veut nous faire croire que le bonheur se trouve dans la puissance et dans la destruction des autres, dans le contentement de soi et dans la vanité : toutes sortes de choses qui sont vraiment le contraire des Béatitudes que nous venons d’entendre.
Entrer dans ce combat nous expose de façon certaine. Entrer dans ce combat a des exigences fortes. C’est un combat spirituel, comme je l’ai déjà dit ; c’est un combat qui nous oblige ; c’est le combat de la foi ; c’est le combat de Dieu ; c’est le combat de Jésus qui va jusqu’à vaincre la mort en nous, qui va jusqu’à vaincre la mort universelle et définitive pour nous donner vie, pour nous donner joie, pour nous donner le goût de la paix, pour nous donner le goût de la réconciliation et le désir de la réconciliation. Voilà ce à quoi nous sommes conviés en ce jour. Et pour cela nous avons des armes, des armes pacifiques qui nous sont offertes : bien sûr la prière permanente pour que, dans notre monde, ce soit effectivement le goût de la paix qui gagne, le refus de la haine, le refus de la violence de toutes les façons. La prière permanente, dis-je, mais aussi l’écoute de la Parole de Dieu. L’écoute de la Parole de Dieu est le vrai instrument du combat que le Seigneur nous donne. Tout ce que nous entendons, jour après jour, et qui vient de l’Évangile est capable de nous transformer et, comme une petite graine, de grandir au milieu du monde.
Nous avons, tout aussi sûrement, la communauté chrétienne, celle que nous formons ce matin, heureusement. Nous avons le sentiment qu’elle est en diminution depuis des années mais elle est toujours là. Et elle est faite - comme les 144 000 dont il était question dans l’Apocalypse - pour tenir bon au milieu des épreuves, ne pas se décourager et continuer d’avancer pour le témoignage de la foi. Nous avons également les sacrements qui ne sont pas simplement des remèdes individuels mais une force qui est capable de grandir, de rayonner et de rejoindre quiconque a envie d’être associé au Christ dans son combat contre le mal et contre la mort. Nous avons la liturgie que nous célébrons régulièrement comme un jour de fête et qui nous introduit déjà dans le ciel avec le Seigneur, comme si nous y étions déjà, même si nous savons qu’en sortant de cette église, il nous faudra continuer de lutter. Heureusement que nous avons la liturgie pour nous entretenir dans ce goût du bien, de la paix, de la joie.
Et nous avons les saints, ceux qui ont été déclarés saints et qui nous sont proposés comme des modèles et des intercesseurs. Mais ceux aussi que nous voyons autour de nous remplis de zèle pour l’Évangile, remplis de zèle pour le service des plus pauvres, remplis de zèle pour annoncer par la prière et la liturgie, dans la simplicité et dans l’humilité, la foi qui nous illumine. Tout cela est à notre disposition, tout cela : les instruments que Dieu met à notre service pour que nous grandissions dans l’espérance qu’il met dans nos cœurs. N’ayons pas peur ! Sachons qu’il faut combattre le mal en nous et autour de nous. Faisons grandir par le témoignage de notre foi ce goût que le Seigneur met en nous d’être un jour avec lui pour toujours.
Mgr Laurent Ulrich,
archevêque de Paris