Homélie de Mgr Laurent Ulrich – Messe durant la Rencontre fraternelle du Presbyterium

– Voir le compte-rendu de la Rencontre fraternelle du presbyterium de Paris.

– mercredi, 32e semaine du Temps Ordinaire — Année Impaire
– Sg 6, 1-11 ; Ps 81 (82), 3-4, 6-7 ; Lc 17, 11-19

Chacun d’entre vous, ayant lu préalablement la lecture du Livre de la Sagesse dans son for intérieur ce matin, s’attendait bien à ce que je puisse commenter « les petits comme les grands, c’est Lui qui les a faits. Il prend soin de tous pareillement ». Dans la lecture du Livre de la Sagesse, il est clair que cette injonction, cette indication de l’auteur, vise l’orgueil des grands qui croient détenir la puissance mais qui sont fragiles comme tous les autres.

Aujourd’hui, permettez que je torde un peu cette lecture et que je la prenne dans l’autre sens : les petits comme les grands, il prend soin d’eux pareillement. C’est-à-dire aujourd’hui, tout précisément, ceux qui sont en bonne santé et ceux qui éprouvent la fatigue et l’inquiétude de la maladie ou de l’âge, Il en prend soin comme de ceux qui vont bien.

Nous entendons cette parole comme une parole d’espérance – comme une parole d’inclusion comme on dit aujourd’hui – une parole qui nous fait du bien et qui nous redit toujours comment, dans la fragilité, la faiblesse, la maladie, le handicap, le Seigneur cherche sans cesse à encourager, à transformer, à aider. Tout simplement à cause de Son amour pour tous, puisqu’Il nous a tous faits, et que – comme l’avait dit le pape Benoît XVI au début de son ministère pétrinien – nous sommes tous le fruit d’une pensée de Dieu. Nous sommes tous aimés, nous sommes tous, ou plus exactement, chacun est aimé, chacun est nécessaire.

Nous entendons donc cette parole avec la force de l’espérance. Et justement, aujourd’hui, l’Évangile nous invite à considérer la façon dont Jésus guérit et sauve ceux qui sont retranchés, mis de côté à cause de leur faiblesse, de leur maladie, ou de toute autre raison qui ne les intègre plus dans le groupe, dans la société, dans le monde des vivants. Il le fait, comme le note l’évangéliste, y compris dans ce no man’s land entre la Galilée des nations, cosmopolite, et la Samarie mal-aimée, ce territoire indéfini semble-t-il, entre la Galilée et la Samarie.
Y compris sur ce territoire-là, Jésus agit, Jésus marche, et Il est capable de rencontrer ceux qui sont justement là parce qu’ils ne peuvent plus être dans l’une et l’autre des contrées. Ils ne peuvent plus être au milieu de la société des gens bien intégrés. Jésus les appelle, Jésus les écoute, Jésus les fait bénéficier de Sa présence, de Son action qui transforme chacun – quelle que soit sa situation – qui le fait être vivant et capable de vivre avec l’épreuve qu’il traverse. Puis nous comprenons que Jésus le fait au vu et au su de tout le monde : quand Il réintègre, Il demande que ce soit acté devant tous par les prêtres, eux qui détiennent l’autorité d’inclure ou d’exclure.

Et voilà qu’aujourd’hui ce sont des prêtres d’une autre façon, des prêtres du Christ Lui-même, qui demandent cette aide au Seigneur de pouvoir affronter avec Sa force qui les transforme, qui nous transforme tous, l’épreuve de la fragilité, de la maladie plus ou moins visible, plus ou moins connue mais connue d’eux au moins. De pouvoir affronter ce moment, de pouvoir accueillir le don que Dieu leur fait de la vie, y compris dans l’étape de la maladie ou de l’âge.

Nous sommes reconnaissants à ces prêtres qui sont devant nous, qui ont fait cette demande sachant bien ce qu’ils font puisqu’il est dans leur ministère de donner ce sacrement aux malades, de l’éprouver pour eux-mêmes et d’attendre de la miséricorde du Seigneur que leur fragilité ne soit pas, comme il était dit dans l’oraison du début de cette messe, un obstacle pour être vivants dans ce moment de leur vie.

Nous rendons grâce pour eux, nous rendons grâce avec eux, et nous demandons pour eux – nous demandons aussi pour nous et pour tous les autres qui sont éprouvés d’une façon ou d’une autre – de sentir cette force qui transforme et qui vient du Seigneur Lui-même. De sorte qu’à l’intérieur de ce que nous vivons ces jours-ci, à l’intérieur de ce moment, de ce temps fraternel entre prêtres du même diocèse de Paris, dans la grâce de Lourdes qui nous a été si bellement décrite hier par le P. Brito, nous soyons sensibles à ce que Dieu opère, de façon très intime, dans le cœur de chacun, pour être toujours dans l’action de grâce de ce qu’Il nous permet de vivre en toutes circonstances. De sorte que nous puissions entendre la dernière phrase de cet Évangile, devant celui qui est venu rendre grâce : « Relève-toi et va, ta foi t’a sauvé ».

C’est le motif le plus profond de notre action de grâce, jour après jour, quand nous savons que nous transportons avec nous des souffrances, des difficultés qui risquent de nous cacher la vue du Christ : savoir qu’Il est là, qu’Il agit au plus intime, que le sacrement que vous allez recevoir, que l’Eucharistie que nous célébrons agissent au plus intime de nous et au plus intime du monde, tout entier, parce que la grâce de Lourdes n’est pas réservée à quelques-uns qui ont, par exemple, été guéris ou se sont sentis guéris. Cette grâce-là, elle touche et elle transforme beaucoup de réalités de notre monde, bien au-delà de ce que nous voyons.

Que le Seigneur nous permette de demeurer dans cette action de grâce pour ce sacrement demandé et bientôt reçu, pour ce temps fraternel vécu entre nous, pour cette découverte ou redécouverte de Lourdes, et de ce que l’accueil de ce qui y est arrivé par Bernadette inonde toujours le cœur de beaucoup.

Mgr Laurent Ulrich, archevêque de Paris