Homélie de Mgr Laurent Ulrich - Messe à Saint-Jean Bosco
Dimanche 17 décembre 2023 - Saint-Jean Bosco (20e)
« Prophète de l’humilité joyeuse »
– 3e Dimanche de l’Avent, de Gaudete — Année B
- Is 61, 1-2a.10-11 ; Lc 1, 46b-48, 49-50, 53-54 ; 1 Th 5, 16-24 ; Jn 1, 6-8.19-28
De quoi Jean-Baptiste est-il le signe, d’après les lectures que l’Église nous propose aujourd’hui : la lecture tirée d’Isaïe, la lecture tirée de la Lettre aux Thessaloniciens et la lecture de l’Évangile ? De la lecture du prophète Isaïe, nous comprenons d’abord que Jean Baptiste, le dernier des prophètes, est porteur de la joie de servir les pauvres. Nous l’avons entendu : « il m’a envoyé annoncer la Bonne Nouvelle aux humbles, guérir ceux qui ont le cœur brisé, proclamer aux captifs leur délivrance, aux prisonniers leur libération et proclamer une année de bienfaits par le Seigneur ». Apporter de la consolation et de la compassion auprès de tous ceux qui sont les plus en difficultés dans la vie, le prophète l’annonce et il dit que c’est une action de Dieu qui se fait à travers nous : à travers les hommes et les femmes que nous sommes, à travers le prophète qu’il est, à travers Jean Baptiste aujourd’hui mais à travers nous, capables d’apporter à tous ceux qui sont dans quelques situations de précarité, de détresse, de douleur, d’éloignement des autres, de mise à l’écart : les captifs. Et aujourd’hui, on dirait tous ceux qui sont « addicts » d’une façon ou d’une autre de quelque chose qui ne leur fait pas du bien, de quelque chose qui les trouble, de quelque chose qui les empêche d’être réellement sur le chemin d’une vie bonne. Cela, l’Église cherche à le faire et vous le faites. Nous sommes témoins, les uns et les autres, de ce que l’engagement de l’Église, et l’engagement de nombreuses autres personnes, en-dehors même de l’Église et en-dehors de la foi, apportent de la compassion, apportent de la consolation. Ce passage du Livre d’Isaïe est exactement situé dans ce que l’on appelle le Livre de la Consolation d’Israël. De la part du Seigneur, apporter de la bonté, apporter de la miséricorde, apporter de l’entraide, apporter de la fraternité : voilà de quoi Jean Baptiste est d’abord le signe. Mais il est le signe non pas d’une sorte d’obligation pesante d’aller au secours des plus en difficultés, mais d’une joie de le faire, parce que cela lui est confié par le Seigneur. « L’Esprit du Seigneur est sur moi », dit le Prophète, et Jean Baptiste le comprend pour lui-même. Mais il le fait avec joie, parce que ce service des plus humbles, des plus pauvres, des plus oubliés, des plus en détresse est un service qui procure à ceux qui le rendent une joie infinie. Tous ceux d’entre nous qui sont ainsi dans le contact avec ceux qui en ont le plus besoin savent que cela leur apporte énormément, que cela est bon et beau pour eux, que cela est source d’une vraie joie.
Dans la Lettre aux Thessaloniciens, saint Paul souligne cela, et il dit : « Soyez toujours dans la joie. » C’est pour cela que ce texte est là aujourd’hui et que ce dimanche, 3e dimanche de l’avent, est une ouverture à la joie de la naissance du Christ qui vient à notre rencontre. « Soyez toujours dans la joie, priez sans relâche, et rendez grâce en toute circonstance » : Jean Baptiste est le signe de cela. On a souvent de lui l’image d’un homme austère, d’un homme qui fait un peu la leçon, d’un homme qui implore la pitié, et d’un homme qui demande à chacun de faire pénitence. Mais, on oublie cet aspect de son existence qui est d’être joyeux de servir, joyeux de servir le Seigneur, joyeux d’accueillir celui qui est plus grand que lui au milieu de notre monde. Nous ne pouvons pas oublier cette joie. Nous ne pouvons pas oublier cette action de grâce que le Seigneur donne à Jean Baptiste de faire jour après jour : il est heureux et il remercie Dieu d’être placé là où il est. C’est une invitation pour chacun d’entre nous aussi, à travers les circonstances de nos existences, d’être ainsi portés à l’action de grâce pour tout ce que Dieu fait dans notre monde. Et il le fait à travers nous et à travers tant d’hommes et de femmes dévoués au service des autres, capables d’apporter une lumière d’espérance dans des vies parfois difficiles et compliquées.
Et puis, enfin, Jean Baptiste est le signe, j’allais dire le prophète, de l’humilité, de la simplicité du service qui lui est donné. Il reconnait, dans l’évangile que nous venons d’entendre, qu’il n’est pas le Christ. Chacun d’entre nous est capables de reconnaître qu’il n’est pas le Christ. Et pourtant nous sommes dans son corps, nous sommes membres de son corps, mais le Christ est la tête et ce n’est pas nous. Jean Baptiste reconnaît qu’il n’est pas non plus le grand prophète Élie, celui dont on attend le retour. Il n’est pas non plus le prophète, c’est-à-dire le modèle même de ceux qui parlent au nom de Dieu. Il est simplement la voix, il est le porte-voix, le porte-Parole du Seigneur. Il dit simplement : « Avancez vers Lui ! ». Il n’est rien d’autre que cela, ce prophète de l’humilité joyeuse qui reconnaît qu’il est placé là pour donner un signe de Dieu. Il nous inspire lui aussi et il nous invite à vivre ce temps : le temps qui est le nôtre, le temps qui n’est pas, semble-t-il, bien favorable à écouter la Parole de Dieu, le temps qui semble éloigner un certain nombre d’hommes et de femmes dans notre société de la référence au Seigneur, de la référence à Dieu, de la référence peut-être à une certaine transcendance dans la vie. Le prophète Jean-Baptiste nous dit : moi je ne suis qu’un humble, je ne suis qu’un serviteur parmi les autres. Et cela nous inspire d’une autre façon. Nous aussi nous ne sommes que des humbles. Nous ne sommes que des serviteurs au milieu du monde dans lequel nous vivons.
Le Concile Vatican II nous l’a rappelé et nous invite depuis 60 ans à vivre cela ensemble, comme peuple de Dieu. Il nous dit : l’œuvre du Christ s’accomplit à travers l’Église, et de bien d’autres façons. Non seulement par le ministère des évêques, des prêtres et des diacres qui ont été consacrés au service du Seigneur, mais aussi par le service de tout le peuple de Dieu, des laïcs qui sont capables profondément, par le témoignage de leur vie, de se savoir touchés par l’Esprit de Dieu pour vivre ce que je viens de rappeler. Qui sont capables aussi de parler de leur foi et d’en témoigner. Et parfois, parmi le peuple de Dieu, on a quelques préventions en se disant : je ne suis pas capable de parler de ma foi, je ne suis pas capable de dire à des incroyants, ou même à des jeunes, à des enfants, à des personnes qui sont en chemin, ce que je crois et en qui je crois. Le Concile Vatican II nous invite très fortement, tous ensemble, peuple de Dieu, ministres ordonnés et laïcs, à être de ces témoins qui ensemble portent, comme Jean Baptiste, la voix du Seigneur au milieu du monde d’aujourd’hui, avec simplicité, sans chercher à avoir un porte-voix, mais dans la vie quotidienne, dans la vie sociale, dans la vie familiale, être capables de montrer le Christ vivant au milieu des hommes. Aujourd’hui on emploie un autre mot, on dit : synodalement. Cela veut dire en Église, et non pas simplement individuellement. Nous sommes des témoins du service des plus pauvres, de la joie, de l’espérance en permanence, et du témoignage de la foi qui est humble.
Que le Seigneur nous donne d’être ainsi porteurs avec humilité de tout cela. Nous serons à l’image de saint Jean Baptiste et à l’image aussi, je le crois, comme je l’ai dit au début de cette célébration, de saint Jean Bosco.
+Laurent Ulrich, archevêque de Paris