Homélie de Mgr Laurent Ulrich - Messe de l’Épiphanie aux Missions Étrangères de Paris
Dimanche 7 janvier 2024 - Missions Étrangères de Paris (7e)
– Épiphanie du Seigneur
- Is 60,1-6 ; Ps 71,1-2.7-8.10-13 ; Ep 3,2-3a.5-6 ; Mt 2,1-12
Les mages ont évidemment beaucoup impressionné l’histoire chrétienne de toutes sortes de façons, et notamment dans la représentation artistique. Aujourd’hui, je voudrais attirer l’attention sur leurs conversions, au pluriel : les conversions que ces mages ont dû faire dans leur cœur, dans leur tête, pour entreprendre ce voyage, pour reconnaître le roi des Juifs et pour avancer dans leur vie avec cette découverte qu’ils venaient de faire.
On les présente en général savants, comme des gens qui savent, comme des gens qui cherchent à connaître davantage. Et l’évangile d’aujourd’hui les présente exactement comme des chercheurs d’un chemin, comme des gens capables de se laisser toucher. L’étoile qu’ils ont découverte n’est pas seulement une connaissance supplémentaire qui s’ajoute à leur encyclopédie. Mais c’est d’abord un signe, c’est d’abord pour eux une parole. Cette étoile est déjà dans leur cœur comme la parole qui leur est adressée et à laquelle ils répondent. C’est une vraie conversion qui se passe dans la vie de ces hommes tel que l’évangéliste nous la raconte. Nous avons un contre-exemple de ce que la parole est capable de ne pas faire. Il y a de bons spécialistes de la parole à Jérusalem, pour qui la parole est un objet de connaissance. Ils la connaissent bien, et ils connaissent la promesse que Dieu fait à son peuple, puisqu’ils sont capables de découvrir que Bethléem sera ce lieu où se passe ce mystère. Mais on peut dire que probablement ils ne l’interprètent pas, cette parole, dans leur présent. Ils ne la comprennent pas comme s’adressant à eux aujourd’hui. Elle est pour eux un objet de science mais ils s’arrêtent là. Pour les mages c’est tout le contraire. L’objet de science est devenu une parole. L’objet de science est devenu significatif pour leur vie. De telle sorte qu’ils se mettent en route. Et la parole qui a été énoncée par les chefs des prêtres et les scribes va être la parole qui les guide de nouveau et qui les conduit jusque devant ce roi auquel ils font hommage.
Première conversion : la parole de Dieu n’est pas d’abord un objet de science, mais elle est une parole qui s’adresse dans le présent de chacun. Les mages le vivent et ils nous invitent à le vivre avec eux.
La deuxième conversion est aussi forte. Ils sont à la recherche d’un roi. Ils auraient pu imaginer - bien sûr ils savent que c’est un roi qui vient de naître - mais ils auraient pu imaginer tout un apparat autour de lui. Et c’est pour cela qu’ils s’étaient rendus à Jérusalem : pour que, certainement, on leur indique une voie royale pour aller vers cet enfant. Mais non, ils acceptent d’aller dans une maison. Il ne s’agit plus d’être simplement à l’écart comme la crèche nous le signifie : « il n’y avait plus de place pour eux dans la salle commune. » Ils sont dans une maison et ils découvrent l’enfant et sa mère. Sa mère, tellement prise par le mystère qu’elle contemple qu’elle ne dit rien dans cet évangile d’aujourd’hui. Elle est tout entière tournée vers le service de ce fils que Dieu lui a donné et qui se présente comme un roi sans entourage, un roi sans apparat et sans grandeur extérieure. C’est une deuxième conversion à laquelle sont invités les mages, et à laquelle ils nous invitent.
La troisième conversion c’est celle de leur retour. Ayant rencontré ce roi, ils ne sont plus sous l’attrait de la puissance d’Hérode. Ils ne sont plus sous l’attrait de la puissance politique. Ils ne sont pas partis non plus en guerre contre cette puissance-là. Ils sont simplement repartis sur un autre chemin. Et ils nous invitent aussi à repartir sur un autre chemin. La gloire de Dieu qu’ils viennent servir est une gloire toute intérieure, une gloire toute différente, une gloire qui se laisse découvrir peu à peu dans l’existence et au long d’un chemin qui n’est pas tracé d’avance.
Voilà ces conversions auxquelles l’évangéliste fait allusion dans son récit. Elles sont faites pour nous. Nous sommes effectivement invités sans cesse à chercher dans l’Écriture et dans les événements que nous traversons, la parole que le Seigneur veut nous dire pour nous entraîner sur des chemins, parfois imprévus, et en tout cas des chemins où nous le rencontrerons au quotidien de nos jours et dans la banalité, y compris de nos épreuves.
Dernière note : ces hommes viennent de l’Orient. L’Orient nous est cher ; l’Orient nous angoisse ; l’Orient nous inquiète. Et nous sommes émus, touchés, bouleversés des violences et des guerres - des guerres civiles et des guerres entre les nations - qui se déroulent partout sur la terre et particulièrement dans l’Orient aujourd’hui. Mais l’Orient nous attire : l’Orient d’où vient la lumière, d’où vient cette étoile. L’Orient nous attire et vous attire tout particulièrement, vous, frères des Missions Étrangères de Paris, amis des Missions Étrangères de Paris. Il vous attire parce que de là vient la lumière, parce que vous vous êtes connus comme étant attirés par la mission en Orient, pour aller retrouver ceux que probablement déjà le Seigneur avait rejoints avant que vous alliez les rencontrer. De sorte que vous puissiez mettre en lumière que cette rencontre avec le Seigneur est toujours possible, que cette rencontre avec le Seigneur est déjà en chemin de beaucoup de façons qui ne sont pas prévues par nous, que cette rencontre avec le Seigneur a besoin d’être signifiée, montrée. Les mages viennent montrer le Seigneur là où il est, dans la simplicité de son existence quotidienne, au milieu des hommes. Que cette lumière-là, qui vient de l’Orient, demeure pour vous, frères, sœurs, qui êtes là dans cette église, qui êtes là dans le monde de l’Orient. Qu’elle soit votre vraie force jour après jour. Que la grâce du Seigneur vous en soit donnée au milieu de la banalité des jours, au milieu des épreuves, et au milieu des joies que le Seigneur nous donne.
+Laurent Ulrich, archevêque de Paris