Homélie de Mgr Laurent Ulrich - Messe à Saint-André de l’Europe

Dimanche 14 janvier 2024 - Saint-André de l’Europe (8e)

A l’écoute du premier appel

– 2e Dimanche Temps Ordinaire – Année B

- 1 S 3,3b-10.19 ; Ps 39,2.4.7-11 ; 1 Co 6,13c-15a.17-20 ; Jn 1,35-42

Nous sommes au deuxième dimanche du temps ordinaire de l’Église et, dès ce dimanche, la liturgie de l’Église nous fait entendre ces deux récits de vocation, d’appels adressés l’un à Samuel, l’autre aux premiers disciples, qui deviendront les premiers apôtres de Jésus. Et, parmi eux, il y a d’abord, et j’ai plaisir à le souligner aujourd’hui, André. Saint André, est un des piliers du groupe des apôtres et le premier appelé, comme la tradition en témoigne, le nommant protocletos, premier appelé. C’est lui qui fait venir auprès de Jésus son frère Simon, devenu Simon-Pierre.

Il y a une belle continuité, du Livre de Samuel à l’évangile d’aujourd’hui, sur la façon de faire divine d’appeler des hommes, des femmes, à le suivre, à l’écouter, à écouter sa Parole et ses commandements. Cette manière de faire divine nous la voyons décrite assez bien.

D’abord, pour Samuel, nous voyons cette vocation du futur prophète dans cet enfant qui est au service du temple et à côté d’un prêtre. Ce Samuel ne connaît pas encore le Seigneur, dit le texte. On ne lui en a pas encore parlé. Et voilà que pourtant il est sensible à quelque chose, que dans le monde d’aujourd’hui on appellerait un signal faible : l’appel par le prêtre Eli. Cela devait être plusieurs fois par jour que le prêtre Eli lui disait : Samuel fais ceci, Samuel fais cela ! Mais au milieu de la nuit c’était peut-être moins fréquent, et pourtant Samuel est attentif à cet appel, à ce signal. Et, tout de suite, il se lève et il va obéir à ce prêtre à côté de qui il est, pour commencer à servir celui qu’il ne connaît pas encore. Heureusement, le Seigneur, qui sait que Samuel ne le connaît pas encore, a placé auprès de lui ce prêtre comme intermédiaire, ou peut-être plus exactement comme interprète : celui qui va interpréter le signe que Samuel lui rapporte, et qui finit par comprendre la troisième fois. Je ne sais pas si c’est de la lenteur, ou si simplement le discernement de l’appel ne se fait pas toujours du premier coup. Le prêtre Eli va discerner, interpréter ce que lui rapporte Samuel, en se disant : c’est donc le Seigneur qui lui parle. Évidemment, on peut comprendre que, pour le prêtre Eli, cela va être aussi un signal de départ. Il va falloir maintenant qu’il lui apprenne qui est le Seigneur ; qu’il lui apprenne les paroles du Seigneur ; qu’il lui apprenne la façon dont le Seigneur se comporte à l’égard des hommes, dont le Seigneur cherche à attirer l’attention des humains que nous sommes, jusque dans l’appel d’un futur prophète.

Pour les futurs apôtres, cela se passe un peu de la même façon. Il leur faut un interprète et c’est Jean le Baptiste, au bord du Jourdain, qui voit celui qu’il a déjà lui-même repéré et compris comme étant envoyé spécialement par le Dieu Sauveur. Il va le comprendre peu à peu, il le sait dans sa foi, il a besoin de l’exprimer : « Voici l’Agneau de Dieu ». Il faut cet interprète devant ses propres disciples, André et un autre qu’on ne nomme pas, pour leur dire : voici ce que vous devez suivre, ce n’est plus moi mais lui que vous devez suivre. Il faut cet interprète pour que ces deux hommes, ces deux premiers disciples, se mettent en route, eux qui étaient déjà prêts à écouter la Parole du Seigneur en venant écouter Jean le Baptiste et en se laissant convertir par son baptême. Jean le Baptiste leur indique l’Agneau de Dieu et ils se mettent à le suivre. Comme Samuel qui s’est levé de son lit pour aller trouver Eli, eux aussi se mettent en route alors qu’ils ne connaissent pas encore le Christ, mais qu’ils l’attendent et qu’ils vont apprendre à le connaître. Et juste après ce tout petit dialogue - « Que cherchez-vous ? Maître où demeures-tu ? Venez et vous verrez. » - ils se mettent à le suivre.

Cette démarche que nous voyons pour Samuel, et que nous voyons pour les futurs apôtres, est très importante. Dieu se choisit un prophète mais d’abord il appelle un disciple. Il appelle quelqu’un à le suivre, à l’écouter, à l’aimer, à se faire aimer de lui. Jésus cherche des apôtres, c’est-à-dire des envoyés, des messagers, mais d’abord il a besoin de disciples. Il a besoin de personnes qui répondent à un appel pour le suivre, pour rester avec lui. C’est le mot employé dans l’Évangile. Et ils vont demeurer, ils demeurent toute la fin de la journée avec lui, et tout de suite après ils vont chercher d’autres, des compagnons, et d’abord Simon-Pierre, le frère d’André. Cela veut dire que le premier élan, comme nous l’entendons aujourd’hui en ce deuxième dimanche du temps ordinaire de l’Église, intervient avant que certains découvrent qu’il y a un appel particulier pour eux. Et c’est bien nécessaire qu’il y ait dans l’Église des ministres, des diacres, des prêtres, des évêques, qu’il y ait dans l’Église des personnes consacrées, et avant cela il faut d’abord qu’il y ait des disciples. Il faut d’abord qu’il y ait des hommes et des femmes qui désirent écouter la Parole de Dieu, qui désirent la mettre en pratique, qui désirent surtout être avec le Seigneur tous les jours. Et c’est ce que nous sommes. La vocation de baptisé, la vocation chrétienne, est d’abord une vocation à être avec le Christ, à aimer sa parole, à accueillir le don qu’il nous fait de sa vie, à le prier sans cesse pour nous-même et pour tous les autres, à conduire notre vie d’une façon telle qu’elle se mette à ressembler à celle du Christ et, en lui ressemblant davantage, à faire de nous des témoins et porteurs.

C’est ce à quoi nous sommes invités, en ce début d’année, à la suite de la célébration du mystère de Noël. Nous entendons un appel à être des disciples, des gens qui suivent, des gens qui marchent à côté, des gens qui n’ont d’autre préoccupation que d’être d’abord avec le Seigneur. C’est la première attention que Dieu nous fait. Il nous invite à être avec lui après quoi, peu à peu, sur des chemins que nous ne connaissons pas d’avance, nous saurons discerner sa volonté plus profonde pour chacun d’entre nous. « Venez et vous verrez », dit Jésus. Ils restèrent avec lui : notre vocation de baptisé est tout entière là.

Pour ceux qui se préparent au baptême, et que dans un instant je vais accueillir pour leur remettre la profession de foi de l’Église, c’est bien de cela qu’il s’agit : être avec lui, se laisser aimer par lui, l’aimer en retour et faire ce qu’il nous demande.

+Laurent Ulrich, archevêque de Paris

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