Homélie de Mgr Laurent Ulrich - Messe à Saint-Germain l’Auxerrois
Dimanche 14 janvier 2024 - Saint-Germain l’Auxerrois (1er)
– 2e Dimanche Temps Ordinaire – Année B
- 1 S 3,3b-10.19 ; Ps 39,2.4.7-11 ; 1 Co 6,13c-15a.17-20 ; Jn 1,35-42
Nous voici donc entrés dans ce temps ordinaire de la vie liturgique de l’Église. Et en ce deuxième dimanche, l’Église nous propose ces deux récits de vocation, ces deux récits d’appel, ces deux récits de reconnaissance de la présence du Seigneur au plein milieu de notre vie et de notre monde.
Il y a une belle continuité dans la façon de faire divine, telle qu’elle est racontée par le Livre de Samuel et par l’évangéliste Jean, dans ces deux récits.
Voyez d’abord Samuel : il est dit qu’il « ne connaît pas encore le Seigneur ». Mais il est déjà à son service dans le Temple de Silo, au côté d’un prêtre, le prêtre Eli. Il ne connaît pas encore le Seigneur mais il est capable de comprendre ce que l’on appelle aujourd’hui les signaux faibles. Le signal faible, ici, c’est le fait que Samuel croie que c’est le prêtre Eli qui l’appelle. Cela devait être assez fréquent dans la journée, le prêtre appelait le petit jeune : « Fais ceci, fais cela… ». Puis voilà que le prêtre Eli comprend qu’il y a quelqu’un d’autre qui est en train de parler, de se manifester à Samuel, et pour Eli ce sera le point de départ de la catéchèse qu’il va faire à Samuel pour lui faire connaître celui qui lui parle. Mais avant même de le connaître, Samuel se met en mouvement : il se lève de sa couche et va vers le prêtre Eli. Déjà il commence à suivre celui qui l’appelle et qui l’aime. Il a fallu pourtant un interprète : le prêtre Eli. Il a fallu celui qui comprend, celui qui discerne, celui qui aide à mettre sur le chemin de la vie du Seigneur et de son appel.
Dans le récit de l’Évangile que nous venons d’entendre, c’est un peu de la même façon que cela se passe. Il y a un intermédiaire et un interprète : c’est Jean le Baptiste qui montre Jésus, qu’il a déjà rencontré, on le sait dans les lignes précédentes. Il a discerné en lui celui qui est l’envoyé de Dieu et que l’on attend : l’envoyé définitif après tous les prophètes, l’Agneau de Dieu, le don de Dieu. C’est le mot qu’il utilise : le don offert par Dieu aux hommes. Et les deux disciples n’en n’ont pas besoin de plus : ils sont d’abord disciples de Jean, mais ils n’ont pas besoin de plus. Ils entendent Jean dire « Voici l’Agneau de Dieu » et ils se mettent en route. Ils se mettent à suivre celui qu’ils ne connaissent pas encore mais qu’ils vont découvrir. Il faut ce mot de Jean le Baptiste pour les mettre en relation. Et juste après ce petit dialogue - « Que cherchez-vous ? Maître où demeures-tu ? Venez et vous verrez. » - ils se mettent à rester avec lui. Donc à le suivre, puisque l’évangéliste prend le soin de dire dès la première ligne : « Jésus qui allait et venait ». Suivre Jésus, c’est aller et venir à ses côtés ; c’est aller sur des chemins où l’on ne prévoit pas forcément d’aller ; c’est aller sur une route qui n’est pas tracée d’avance. Pour chacun d’entre nous, pour les deux disciples, pour Samuel aussi, c’est de l’imprévu ou de l’imprévisible qui se présente. De Samuel, Dieu a fait un grand prophète ; de ces deux disciples, Jésus a fait des apôtres, c’est-à-dire des envoyés à leur tour.
Mais ce qui est notable et qui rapproche les deux récits que nous venons d’entendre, c’est cette façon de se mettre en route et d’avoir la joie « d’être avec » - l’évangéliste dit : « ils restèrent avec lui » - et ensuite d’aller chercher des compagnons. André va chercher son frère Simon, qui deviendra Simon-Pierre.
Être avec le Seigneur ; écouter sa parole tous les jours ; se mettre dans la disposition d’aller à la rencontre des autres, sans savoir à l’avance qui on va rencontrer ; aller sur des chemins imprévus pour, comme Lui, nous donner, donner sa vie aux autres… voilà ce qu’est profondément la vocation chrétienne, la vocation baptismale, la vocation des baptisés : être avec le Christ.
Bien sûr, parmi les disciples, certains seront un jour appelés à être prêtres, prophètes, à être davantage au service de l’Évangile et de l’Église, de l’annonce de l’Évangile. Mais d’abord il faut être disciple. Et les disciples, ce sont bien ceux qui ont choisi de suivre ; ce sont bien ceux qui sont venus recevoir, non pas le baptême de Jean Baptiste, mais le baptême du Christ dans l’Esprit. Voilà notre propre vocation ; voilà à quoi nous sommes destinés : à être avec Jésus, à l’écouter, à aller et venir avec Lui. Nous sommes à ses côtés et il est à nos côtés, nous le croyons.
Il est dit de Samuel : « Aucune des paroles du Seigneur il ne les laissa sans effet. » Que le Seigneur fasse des baptisés que nous sommes comme des catéchumènes qui sont parmi nous, ceux qui écoutent la Parole, ceux qui ont pour désir principal d’être avec Lui, Jésus.
+Laurent Ulrich, archevêque de Paris