Homélie de Mgr Laurent Ulrich - Messe à l’occasion de la retraite sacerdotale des prêtres de Paris à Sainte-Garde

– 4e Dimanche temps Ordinaire – Année B
- Dt 18,15-20 ; Ps 94, 1-2.6-9 ; 1 Co 7,32-35 ; Mc 1, 21-28

Aujourd’hui écouterez-vous sa parole ? Ne fermez pas votre cœur comme au désert, comme au jour de tentation et de défi… Cet « aujourd’hui », que nous disons ou chantons chaque matin au premier office du jour, résonne fort à nos oreilles. Pas moins qu’au temps de l’errance du peuple d’Israël au désert, pas moins qu’au temps de Jésus, la Parole de Dieu est, dans notre monde, dans notre temps, soumise à bien des incompréhensions, à des malversations, ou tout simplement à l’indifférence.

Ici et là, des gens abusent de la crédulité d’autres pour vendre du bonheur et des solutions aux inquiétudes quotidiennes ou aux angoisses paralysantes. Ailleurs, des sociétés opaques ou des projets sociaux, sociétaux, ruinent la confiance que peuvent s’accorder les humains entre eux pour construire des sociétés plus justes et fraternelles. Et même notre parole d’Église, quand elle ne produit des comportements conformes, désoriente ceux qui cherchent sincèrement Dieu.

Qui sont donc les prophètes qui parlent au nom du Seigneur ? Il y a, autour de nous, dans notre monde d’aujourd’hui, beaucoup de nos frères et sœurs qui n’arrivent plus à faire confiance à quelque parole que ce soit. Mais, étonnamment aussi, des personnes se tournent vers nous, vers l’Église, vers le Seigneur à travers nous et son Église, l’Église qu’Il bâtit avec nous.

Imaginons-nous dans la scène que l’évangile de Marc nous décrit en ce jour : devant l’homme tourmenté, c’est la Parole de Jésus qui fait autorité, c’est cette parole à laquelle on doit pouvoir faire confiance. Les membres de l’assemblée sont interrogatifs, c’est normal : nous sommes au tout début de l’évangile. La question de la vérité du témoignage de Jésus est appelée : peut-on lui faire confiance ? Oui il parle avec autorité, il commande à l’esprit impur. Mais la réponse à cette question est encore en suspens, et elle le sera tout au long de l’évangile. Jésus appelle, enseigne, guérit, fait du bien, il rassemble, annonce et préfigure l’humanité nouvelle à l’image de Dieu. Et c’est son combat contre le mal sous toutes ses formes et pour la vie qui est don de Dieu qui le fera reconnaître comme véridique, comme croyable et digne de confiance aux yeux de ses disciples, de ses apôtres, des évangélistes qui donneront leur témoignage pour qu’à notre tour nous croyions.

Dans l’incertitude où sont beaucoup de nos contemporains, il n’y a réellement qu’un seul chemin pour nous : c’est celui de la confiance résolue et fidèle dans le travail constant du Christ auquel il nous demande de participer. C’est Lui qui agit, c’est Lui qui nous appelle et nous invite, c’est son Esprit qui nous inspire. Notre sagesse, ce n’est pas de penser qu’il vient couronner nos entreprises et nos façons de voir, mais au contraire de regarder comment, à travers nos paroles et nos actions plus ou moins bien ajustées, Il se fait reconnaître sur les chemins de l’humanité. Écoutons Paul aux Corinthiens : il y a manifestement des discussions dans la communauté sur la valeur, aux yeux de Dieu, du mariage et sur celle du célibat ; le débat n’est pas clos, manifestement. En tout cas, le célibat n’a pas l’air d’être tenu en grande estime, Paul essaie de le valoriser, et peut-être de soutenir le choix de quelques-uns qui veulent se mettre complétement au service du Seigneur. Mais Paul ajoute : pas d’ordre, pas de piège, mais un conseil. Et une ligne directrice : vous tous, que vous soyez attachés au Seigneur, sans partage.

C’est un beau travail de pasteur, qui connaît son peuple, qui cherche à le guider sur le chemin du Seigneur dont la parole est libre et rend libre. Un beau travail de pasteur qui, patiemment, éduque les communautés à la confiance dans la Parole engagée, dans la Parole incarnée du Seigneur. En ces temps d’incertitude, nous n’avons pas fini d’encourager à la confiance dans le Seigneur et sa Parole.

+Laurent Ulrich, archevêque de Paris