Homélie de Mgr Laurent Ulrich - Messe des Cendres à Saint-Germain-des-Prés

Mercredi 14 février 2024 - Saint-Germain-des-Prés (6e)

– Cendres

- Jl 2, 12-18 ; Ps 50,3-6.12-14.17 ; 2 Co 5,20 à 6,2 ; Mt 6,1-6.16-18

L’appel que nous entendons dès la première lecture, tirée du prophète Joël, ne peut que nous rejoindre. Nous entendons, à la fin de ce passage, l’invocation que les prêtres, serviteurs du Seigneur, font dans le temple. Ils vont pleurer devant lui : « Pitié Seigneur pour ton peuple, n’expose ceux qui t’appartiennent à l’insulte et aux moqueries des païens. Faudra-t-il qu’on dise : où donc est leur Dieu ? »

Nous pouvons certes nous trouver dans une situation proche de celle-ci, aujourd’hui, alors que nous voyons la situation du monde, si douloureuse. Nous comprenons qu’il y a, dans plusieurs parties du monde, des violences et des guerres qui, d’ailleurs, ne semblent pas tenir tellement compte du droit des peuples ni du droit international, et qui se passent en toute injustice. Nous comprenons aussi que les critères de morale publique et privée auxquels nous croyons, auxquels nous sommes attachés, ne semblent plus gouverner notre société. Nous nous inquiétons au sujet du début de la vie, au sujet de la fin de la vie et nous comprenons que ce qui nous tient à cœur n’est pas mis à l’honneur et ne semble pas entendu dans notre monde. Nous savons aussi que les situations sont difficiles dans l’éducation et que la transmission de ce à quoi nous croyons n’est pas aujourd’hui simple. La société dans laquelle nous vivons nous expose à être, nous, croyants, comme des personnes un peu décalées et nous pouvons être amenés à nous lamenter sur cette situation. Il nous faut nous lamenter, bien sûr, et c’est même la raison pour laquelle nous nous préparons si longuement à recevoir la bonne nouvelle de la résurrection et de la vie que le Seigneur ne cesse d’annoncer et de proposer pour tous les hommes. Si nous vivons cela, en effet, avec douleur et difficulté, nous ne pouvons pas passer à côté de l’appel qui nous est fait de nous laisser nous-mêmes réconcilier avec Dieu, à ne pas nous laisser aller entre raideur à l’égard de ce monde et oubli de ce qui nous tient le plus à cœur. Nous sommes invités à demeurer des ambassadeurs de Dieu, des ambassadeurs qui, avec clarté, simplicité, sans vouloir faire la leçon à qui que ce soit, par leur manière de vivre, par leur parole claire et simple, sont capables de porter la voix de Dieu au milieu du monde, sans rougir.

En ce début de carême, nous entendons cet appel à demeurer fidèles, à nous laisser réconcilier avec Dieu, mais d’une façon toute intérieure - peut-être dans la lamentation et la supplication à l’égard du Seigneur pour nous faire revenir à lui - nous mettre dans une attitude de droiture et de justice à son égard, mais en le vivant de façon joyeuse. C’est l’enseignement de l’évangile que nous venons d’entendre, qui nous invite à rester dans le secret du cœur et à opérer les transformations nécessaires dans notre vie, en partant de notre propre cœur et dans un certain secret de la relation avec Dieu. Cette invitation, que le Seigneur nous fait, nous ouvre à être joyeux de la transformation qui peut s’opérer en nous au cours de ce carême. Nous nous disposons à l’aumône et nous préparons des dons de carême, soit pour les associations que j’ai indiquées dans ce début de carême en faveur du logement, de la colocation avec des personnes en difficulté, à travers le fonds insertion-logement ; soit pour les écoles du Liban à travers l’Œuvre d’Orient ; soit d’autres choix que vous faites. Nous pouvons nous préparer ainsi et préparer nos dons, nos offrandes dans ce temps de carême, en pensant à ceux à qui nous les destinons.

Nous pouvons faire effort davantage pour la prière, pour l’écoute de la Parole de Dieu et nous le vivons dans une relation intérieure avec le Seigneur. Nous pouvons vivre le temps du jeûne, aujourd’hui tout particulièrement et à d’autres moments que nous choisissons au cours de ce carême, pour nous mettre dans une attitude de disponibilité à l’égard du Seigneur en nous remettant par cette attitude de jeûne sur l’essentiel de la relation avec lui. Mais nous sommes invités à vivre tout cela dans la joie d’un cœur qui se laisse renouveler et transformer. Ne nous donnons pas en spectacle, comme dit l’évangile. Ne cherchons pas à montrer que nous faisons la leçon à qui que ce soit. C’est nous-mêmes, d’abord, qui nous laissons convertir. C’est nous-mêmes qui nous laissons débarrasser de ce qui nous encombre. Et c’est nous-mêmes qui sommes heureux et joyeux de vivre ce temps comme un temps de rencontre nouvelle avec le Seigneur ; comme un temps de redécouverte de ce qu’il nous invite à vivre ; comme un temps de redécouverte de ce monde que Dieu aime et voudrait voir disposé à accueillir son amour. C’est là la source de notre joie que nous vivrons, jour après jour, simplement.

+Laurent Ulrich, archevêque de Paris

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