Homélie de Mgr Laurent Ulrich - Messe pour la Journée mondiale de la vie consacrée à Saint-Germain l’Auxerrois

Vendredi 2 février 2024 - Saint-Germain l’Auxerrois (1er)

– Présentation du Seigneur

- He 2,14-18 ; Ps 23,7-10 ; Lc 2,22-40
D’après transcription

L’habitude de garder la crèche jusqu’à ce jour, comme si le temps de Noël n’était donc pas encore fini, est une habitude qui persiste. Qu’après la fête du baptême du Seigneur, après avoir refermé ce temps de Noël, nous y revenions en ce jour, indique que c’est dans le milieu des jours ordinaires que devait se réaliser ce geste de la présentation de Jésus au temple : consécration du premier né au Seigneur, et donc du don de sa vie ; signe de sa vocation particulière, de ce qu’il allait entreprendre, de sa façon d’être, de sa façon de se comporter, de sa façon de vivre au milieu des hommes. Ce signe-là devait encore être donné visiblement, publiquement et au temple lui-même. Il fallait qu’il y ait ce moment pour que la lumière que le Christ apporte en venant dans le monde soit ainsi révélée de façon subtile, mais aussi de façon grandiose dans le temple, avec des témoins : les deux témoins qui nous sont présentés, outre les parents ou ceux qui se trouvaient là dans le temple, tout particulièrement le vieillard Syméon et la prophétesse Anne. Et célébrant ainsi, aujourd’hui, la présentation du Seigneur au temple, nous sommes invités ensemble à regarder la lumière mais aussi la beauté qui se dégagent de l’œuvre de Dieu tout entière dans notre monde.

Nous sommes invités à regarder ensemble la beauté de Dieu qui se manifeste à travers la force qui nous sauve dans la venue de Dieu Sauveur au milieu de nous. Je reprends ainsi non seulement les expressions du Cantique de Syméon que nous venons d’entendre, mais aussi celles du Cantique de Zacharie : cette force qui nous sauve et dont nous voyons la lumière tout particulièrement aujourd’hui.

La permanence de la vie consacrée au long de l’histoire de l’Église nous procure la joie de voir la fidélité de Dieu qui nous donne sa lumière et nous fait découvrir sans cesse la beauté de son projet, de ses intentions. En instituant cette fête de la vie consacrée à la date de celle de la présentation du Seigneur, le pape Jean-Paul II, dans son exhortation apostolique Vita consecrata, écrivait ceci que je retiens et que je voudrais méditer ce soir devant vous, je cite :

« Avec une pénétrante intuition, les Pères de l’Église ont qualifié ce chemin spirituel de philocalie, d’amour pour la beauté divine, qui est un resplendissement de la bonté divine. La personne, amenée progressivement par la puissance de l’Esprit Saint jusqu’à la pleine configuration avec le Christ, reflète en elle un rayon de la lumière inaccessible et, dans son pèlerinage terrestre, elle chemine jusqu’à la Source inépuisable de la lumière. Ainsi la vie consacrée devient-elle une expression particulièrement forte de l’Église-Épouse qui, conduite par l’Esprit à reproduire en elle les traits de l’Époux, apparaît devant lui « toute resplendissante, sans tache ni ride ni rien de tel, mais sainte et immaculée » (Ep 5, 27).

Dans ce passage de Vita consecrata, le pape Jean-Paul II nous invitait à regarder cette amour de la beauté divine en le déclinant de plusieurs façons. L’amour de la beauté divine, c’est d’abord l’amour de la bonté de Dieu. Tout ce qu’il fait est bon, comme nous le lisons dès le premier chapitre de la Genèse : il vit que cela était bon. Nous le voyons aussi, et nous pouvons l’expérimenter, dans ce que nous appelons la Providence de Dieu, qui parfois nous surprend, que nous ne comprenons pas toujours mais qui est capable de nous émerveiller parce que cette Providence de Dieu nous donne - nous le comprenons peu à peu - les ressources nécessaires pour vivre, pour réagir au mal, pour lutter contre les injustices mais aussi contre le péché qui est en nous - avec cette force que Dieu donne, cette force qui nous sauve - et ne pas se décourager, avancer au milieu des obstacles.

Voilà ce que nous comprenons et constatons en suivant avec amour la Providence de Dieu qui se donne à voir dans cette lumière que nous célébrons aujourd’hui.

L’amour de la beauté divine, c’est aussi l’amour de l’Esprit Saint qui nous conduit à reconnaître, dans le Fils, le Christ, le révélateur du Père. Il est celui qui nous le fait connaître, qui nous le fait aimer, qui nous permet, lui l’Esprit Saint, de discerner, d’identifier notre propre vocation de frère et de sœur du Christ. Nous sommes ainsi conduits, jour après jour, à approfondir, avec la force que donne l’Esprit, avec la lumière qu’il entretient en nous, à comprendre où nous en sommes de notre propre existence de baptisés, à comprendre où il nous mène sur les chemins de l’existence quotidienne, à le découvrir, lui le Fils qui nous conduit vers le Père dans la force et la lumière de l’Esprit.

Mais l’amour de la beauté divine, c’est évidemment principalement l’amour du Christ dans sa beauté, dans sa beauté-même qui est capable de nous attirer. Lui-même fait naître en nous le désir de le suivre, le désir de lui ressembler. Je me permets de citer sainte Élisabeth de la Trinité dans sa grande prière de novembre 1904 : « Fascinez-moi pour que je ne puisse plus sortir de Votre rayonnement. » Nous voici dans la lumière et la beauté du Christ que nous sommes invités à contempler, à aimer. Dans cette lumière, nous grandissons, parce que cette lumière, avec l’amour de la lumière qui est dans le Christ et qui rejaillit sur nous, il la projette sur nous, désirant faire de nous quelques reflets de sa propre gloire.

Voilà quelque chose d’inimaginable peut-être : comment en nous, à travers notre vie baptismale, la vie de consacré, nous grandissons dans l’amour du Christ, dans l’amour de la beauté divine, dans l’amour de la force de l’Esprit et de sa lumière ?

Et enfin, cela nous conduit à l’amour de l’Église, qui malgré la faiblesse de ses membres que nous sommes, est capable notamment à travers les sacrements et notre participation à la vie sacramentelle, d’apparaître de siècle en siècle non pas uniquement noircie par le péché de ses membres, mais surtout éclairée par la miséricorde de Dieu. C’est pour cela que l’Église continue d’attirer les fidèles, d’attirer les catéchumènes, d’attirer les chercheurs de Dieu, de convertir les fidèles jour après jour dans leur vie de baptisé, et souvent d’attirer des incroyants, des incrédules et des agnostiques, et de leur parler, de les transformer, parce que c’est cette lumière qui vient de Dieu, cette beauté qui vient de lui : la force de l’Esprit et le rayonnement de la lumière du Christ qui ne cesse de venir sur le visage de l’Église.

La première phrase de la constitution Lumen gentium le dit de façon si belle, que nous gardons en mémoire :
« Le Christ est la lumière des peuples ; réuni dans l’Esprit Saint, le saint Concile souhaite donc ardemment, en annonçant à toutes les créatures la bonne nouvelle de l’Évangile répandre sur tous les hommes la clarté du Christ qui resplendit sur le visage de l’Église. »

Nous ne pouvons pas oublier cette lumière qui resplendit sur le visage de l’Église et qui n’est autre que la lumière de Dieu lui-même, la lumière du Christ et la force de l’Esprit.

Cette beauté, cet amour de la beauté de Dieu que révèle la vie consacrée nous sont si précieux, surtout dans les temps de tristesse, de guerres, de conflits non résolus partout sur la terre. Cultivons ensemble, frères et sœurs, et vous particulièrement consacrés, cet amour de la beauté de Dieu. Que Dieu veuille bien nous attirer toujours plus, en sa bonté, vers lui seul.

+Laurent Ulrich, archevêque de Paris

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