Homélie de Mgr Laurent Ulrich - Messe à Saint-Germain l’Auxerrois
Dimanche 18 février 2024 - Saint-Germain l’Auxerrois (1er)
– 1er dimanche de Carême – Année B
- Gn 9,8-15 ; Ps 24,4-9 ; 1 P 3,18-22 ; Mc 1,12-15
L’Évangile d’aujourd’hui fait deux allusions à Jean-Baptiste. D’abord au moment du baptême de Jésus, dans la première phrase de l’Évangile que nous venons d’entendre, et puis secondement quand Jésus part au désert, après l’arrestation de Jean-Baptiste. Ces deux allusions discrètes nous mettent dans la continuité entre la prédication de Jean-Baptiste et de Jésus qui sont liées l’une à l’autre, se poursuivent, se complètent.
Ce que Jean-Baptiste disait c’était : « convertissez-vous et produisez des œuvres qui correspondent à cette conversion de votre cœur », et il proclamait un baptême de conversion. Ce que Jésus dit, nous l’apprenons aussi, c’est que « le règne de Dieu est tout proche, convertissez-vous et croyez à l’Évangile ». La prédication de Jésus est dans la continuité de celle de Jean-Baptiste, mais elle la développe. Celle de Jean-Baptiste invitait à la pénitence, à la reconnaissance du péché dans nos propres vies. Celle de Jésus nous conduit à le regarder, Lui, à accueillir le Christ et à le regarder nous conduire vers le règne de Dieu. Il nous l’annonce, il nous le dit proche dans le temps, mais aussi proche de là où nous sommes, chacun d’entre nous.
C’est une belle invitation qui nous est adressée : il ne s’agit pas de rester enfermé dans notre péché, mais d’être illuminé par la grâce du Christ. C’est ce que nous attendons, c’est ce qui nous est offert tout au cours de ce carême, d’être illuminé par la grâce du Christ qui annonce que le Seigneur Dieu est déjà là au milieu de nous et que son règne est tout proche de nous, qu’il nous faut le regarder : il nous faut le rechercher au milieu de ce monde tel que nous le voyons, au milieu de ce monde dans lequel nous sommes baignés.
Il nous est dit ensuite qu’après l’arrestation de Jean, Jésus est conduit par l’Esprit au désert. Et nous voyons que le désert est un lieu de solitude, bien sûr, un lien dans lequel Jésus s’enfonce pour quarante jours, à l’image des quarante ans de désert du peuple hébreu à la sortie d’Égypte, de l’esclavage. Nous comprenons ce temps de la solitude mais nous devons retenir que c’est d’abord un temps de combat pour Jésus. Jésus combat et il se trouve dans une tension permanente pour que l’annonce du règne de Dieu ne soit pas l’annonce de lui-même. Il ne se ferme pas sur lui, il nous invite à le regarder mais pour être conduits vers le Père. Il doit toujours être là pour accueillir, dire une bonne nouvelle, faire du bien, soigner, guérir, ramener à la vie, briser les liens mauvais qui peuvent enfermer toute personne, mais il ne le fait pas simplement de façon passagère, il le fait pour annoncer que le règne de Dieu commence.
C’est un vrai combat qui concerne chacun d’entre nous et qui concerne même le monde tout entier. Vous l’avez entendu dans la première lecture : Dieu promet qu’il n’y aura plus de déluge, qu’il n’y aura plus de disharmonie entre la nature, les bêtes sauvages, et nous. Ce sera un signe que le règne de Dieu commence. Et, en effet, dans l’Évangile, le règne de Dieu commence avec Jésus : il vit au milieu des bêtes sauvages et les anges le servaient. C’est déjà ce premier signe : quand Jésus est là, les bêtes sauvages ne sont plus à craindre, ce qui nous terrifie dans notre existence et ce qui semble être une disharmonie du monde n’existera plus et n’existe déjà plus avec lui et autour de lui. Le combat que Jésus mène, c’est un combat pour la justice, pour la vérité, pour la joie, mais c’est aussi un combat contre tout ce qui nous referme sur nous-même et nous fait croire que nous pouvons nous sauver nous-même. Un combat qui nous fait croire que seul le respect de règles extérieures pourrait nous rendre conforme à ce que le Seigneur désire. Mais non, ce que le Seigneur désire, c’est réellement la présence de son amour, de sa miséricorde, de son pardon.
Alors laissons-nous aller à regarder le Christ qui nous conduit. Laissons-nous aller à vivre dans sa compagnie jour après jour. Le temps du Carême nous offre cela, nous redit que c’est la proximité de Jésus, le regard porté sur lui, qui finalement nous transforment vraiment. Nous sommes entrés en Carême mercredi, et nous avons, pour beaucoup d’entre nous, reçus les cendres grâce auxquelles nous avons reconnu notre péché, notre faiblesse, notre incapacité à suivre vraiment le Christ. Mais nous lui avons promis, au fond de notre cœur, certainement, de vouloir le suivre, le regarder, lui ressembler, et vivre avec lui et comme lui.
Hier, les plus de cinq cents catéchumènes qui ont été appelés pour se préparer, dans la dernière ligne droite, à recevoir le baptême dans la nuit de Pâques, ont désiré, eux aussi, manifester qu’ils étaient prêts à suivre celui dont ils ont entendu la Parole. Et, au début de cette célébration, nous avons chanté « Que le Seigneur lui-même nous apprenne à prier ». Ainsi soyons fidèles, comme le recommande l’apôtre Pierre dans la deuxième lecture que nous avons entendue. Il nous dit que si nous avons été baptisés, le baptême est pour nous la source de vie qui vient du Christ mort et ressuscité, et que c’est l’engagement d’une conscience droite à le suivre, à le regarder, et à tout attendre de lui pour que nous soyons vraiment conduits sur le chemin du Salut, sur le chemin où Dieu manifeste sa présence et son règne actif au milieu de nous.
Que ce temps du Carême soit, pour nous, un temps de renforcement de notre fidélité à suivre le Christ, à écouter sa Parole, à nous laisser enseigner la prière et le service fraternel. Que le Seigneur nous écoute en ce moment et nous permette de vivre ainsi qu’il nous appelle à le faire.
+Laurent Ulrich, archevêque de Paris