Homélie de Mgr Laurent Ulrich - Messe à Saint-Bernard de la Chapelle à l’occasion de la fête des Nations

Dimanche 23 juin 2024 - Saint-Bernard de la Chapelle (18e)

« Affronter les peurs qui sont dans notre cœur »

– 12e dimanche du Temps Ordinaire — Année B

- Jb 38, 1.8-11 ; Ps 106 (107), 21a.22a.24, 25-26a.27b, 28-29, 30-31 ; 2 Co 5, 14-17 ; Mc 4, 35-41

Le petit passage du Livre de Job que nous avons lu, au chapitre 38 de ce Livre de Job, se présente comme un autre récit de la Création du monde. Et on voit Dieu fixer les limites de la mer et de la terre : la mer ici, la terre ferme là-bas. Dieu est présenté comme celui qui dirige bien ce monde et la Création qu’il a faite, qu’il aime. Et il a envie que les hommes qui vivent sur cette terre vivent dans le bonheur et la paix. Il veut que chacun soit à sa place.

Aujourd’hui, on comprend, non pas les choses autrement, mais avec plus de profondeur. Parce que la terre est à tous, et faite pour être bien partagée entre nous. Et donc il y a des tempêtes dans le monde, des événements météorologiques bien difficiles. Mais aussi des tempêtes dans le cœur des hommes qui se battent les uns contre les autres ou qui font du mal à la terre. Nous comprenons que Dieu nous appelle à participer à son œuvre avec lui et à être des collaborateurs pour lui, de sorte que la vie sur cette terre soit bonne pour tous.
Si ce petit texte a été proposé, c’était en référence à l’évangile du jour bien sûr. Évangile du jour qui rapporte cette tempête apaisée par Jésus, cette tempête qui est sur le lac que Jésus a dit vouloir traverser avec ses disciples, mais une tempête qui est aussi probablement dans le cœur des hommes : tempête qui les fait craindre ce qui va arriver, qui fait qu’ils ont peur d’être ensemble, qu’ils ont peur de l’avenir, qu’ils ont peur des autres. Et, aussi bien, il faut que Jésus se montre à l’égal de Dieu, capable de fixer à chacun sa place. Jésus, qui va apaiser la tempête sur le lac, va aussi apaiser la tempête dans les cœurs : c’est montrer que Jésus est bien l’égal de Dieu. L’évangéliste, dès ce début d’évangile - parce que le récit que nous venons d’entendre est tout au début de l’évangile de saint Marc, au chapitre 4ème - nous invite à être comme les disciples et à nous demander : est-ce que Jésus est un homme comme nous ? Ou est-ce que Jésus est davantage ? Est-ce que Jésus ne serait pas venu de la part de Dieu avec non seulement un message pour nous, un message de paix, mais aussi avec une autorité qui est l’autorité de Dieu ? Dans cet évangile, déjà, on voit que les disciples s’interrogent sur l’identité de Jésus : qui est-il vraiment celui-ci à qui les vents et la mer obéissent ? Il est plus que nous, il vient habiter chez nous, il est au milieu de nous et nous voyons qu’il fait du bien, mais il est plus que nous et nous devons avoir confiance en lui. Et même nous apprenons quelque chose de très beau dans ce passage d’évangile : Jésus dort dans la barque, on le réveille et il manifeste qui il est vraiment. Cela nous fait penser, par avance, et l’évangéliste est très habile à nous le faire comprendre, que Jésus va s’endormir aussi dans le sommeil de la mort quelque temps plus tard. Il va être condamné à mort et il va mourir vraiment, mais réveillé des morts il commande à la mort, il commande à la vie. Ressuscité après un moment où il a disparu à nos yeux et où nous l’avons vu mourir, il est celui qui vient vraiment calmer la peur, l’angoisse de la vie. C’est très important pour nous aussi.

Je me souviens et vous vous souvenez probablement comme moi des événements qui ont marqué cette paroisse et que vous avez rappelés au début de cette messe, comme de ce moment, au tout début, il y a 4 ans, du temps de l’épidémie de COVID : nous étions presque tous les pays du monde, voués à être confinés chacun chez soi avec la peur qui nous habitait. Et le 27 mars 2020, vous vous souvenez peut-être du pape tout seul, sur la place Saint-Pierre, où il pleuvait : la place était vide mais pourtant on sentait qu’elle était remplie du monde entier. Tout le monde avait les yeux tournés vers le pape et le pape méditait sur ce texte. Et il a médité longuement pour nous faire comprendre que cette parole de Jésus nous était adressée aujourd’hui, le 27 mars 2020, mais encore en ce moment. « Pourquoi êtes-vous si craintifs ? N’avez-vous pas encore la foi ? » Le pape a répété plusieurs fois cette phrase et il nous a invités à entrer dans une démarche de foi et de confiance au Seigneur ressuscité : Il est là avec nous.

Bien sûr, les événements sont difficiles et ils étaient difficiles à vivre il y a 4 ans. On s’en souvient, cela nous a beaucoup choqués, il y a un temps avant le COVID et un temps après, mais cette phrase demeure vraie aujourd’hui. Dans les tempêtes du monde, dans les tempêtes de nos cœurs, dans les tempêtes de l’actualité sociale, dans les tempêtes de l’actualité internationale, dans les tempêtes qui agitent notre peuple, le Seigneur nous invite à garder cette confiance et à devenir ses collaborateurs pour pacifier le monde dans lequel nous sommes, avec lui, pour montrer l’espérance qui peut nous habiter, qui nous habite, pour montrer que nous ne sommes pas tout seuls et que le monde ne va pas à sa perte.

Le monde, en effet, n’est pas facile, nous comprenons bien tous les conflits qui l’agitent, nous comprenons bien toutes les angoisses qui nous étreignent, nous comprenons bien toutes les peurs que nous avons les uns des autres. Mais aujourd’hui, dans cette fête des Nations, vous montrez que la fraternité est possible, vous montrez que l’accueil mutuel est nécessaire, vous montrez que la résolution des conflits – les conflits sont naturels dans la vie des hommes – se fait avec l’assurance de vouloir aboutir à la paix, de vouloir aboutir au bonheur et à la justice pour tous. Ceci s’est vécu non pas seulement une fois dans votre paroisse, mais au long des jours. Chaque jour vous comprenez qu’il faut affronter les peurs qui sont dans notre cœur, que nous pouvons le faire avec l’assurance que le Christ veut cela avec nous et qu’il nous donne la force de la charité, la lumière de l’espérance, et le dynamisme d’une foi confiante en lui. Nous ne pouvons pas déserter nos engagements pour le service des autres et pour le service de notre monde, nous ne pouvons pas nous laisser décourager par les difficultés, nous croyons en ce Jésus qui a fait des choses merveilleuses pour les hommes et les femmes de son temps avant de mourir sur la croix. Et nous croyons encore plus, comme nous le dit saint Paul dans la deuxième lecture que nous avons entendue, que le Christ est mort pour tous afin que les vivants n’aient plus leur vie centrée sur eux-mêmes mais sur lui qui est mort et ressuscité pour eux. Nous ne connaissons plus, continue à dire saint Paul, Jésus comme un homme, seulement, mais nous le connaissons comme doué de cette puissance qui nous transforme et qui change les cœurs.

Gardons confiance, avançons, et que la célébration de l’Eucharistie d’aujourd’hui, et à chaque fois que nous y participons, renouvelle en nous cette espérance qui vient de lui.

+Laurent Ulrich, archevêque de Paris

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