Homélie de Mgr Laurent Ulrich - Messe à Saint-Germain l’Auxerrois

Dimanche 8 septembre 2024 - Saint-Germain l’Auxerrois (1er)

– 23e Dimanche ordinaire – Année B
- Is 35,4-7a ; Ps 145, 6-10 ; Jc 2,1-5 ; Mc 7,31-37

Pourquoi l’évangéliste saint Marc éprouve-t-il le besoin de décrire le chemin de Jésus ? Au début de l’évangile, dans le passage qui précédait, il était du côté de Tyr et Sidon : c’est aujourd’hui dans le Liban, sur la côte, un pays dans lequel il a rencontré une païenne et dont il a guéri la fille. Et puis on dit qu’il reprend le chemin, qu’il quitte ce pays au nord de la Galilée, qu’il rejoint le lac de Tibériade et qu’il va au-delà, dans le pays de la Décapole, c’est-à-dire des dix villes, ce pays, ce territoire comme dit l’évangéliste, qui se situe aujourd’hui au sud de la Syrie et au nord de la Jordanie. Et c’est aussi un pays païen : voilà pourquoi l’évangéliste souligne l’action de Jésus dans ces deux parties de territoires qui ne sont pas des territoires peuplés de Juifs. Et pourquoi le fait-il ? Pourquoi dit-il cela ?

Jésus, dans l’Évangile, est très souvent avec ses disciples, avec ses proches, avec des gens qu’il a choisis, des gens qui font partie du peuple de ceux qui ont reçu l’annonce de la première Alliance. Et là, il quitte ce pays-là. Il va en territoire où il n’y a pas ces croyants-là, auxquels on peut dire qu’il est habitué, il en trouve d’autres. Il veut aller vers ceux qui ne sont pas de la maison d’Israël. Il veut aller vers ceux qui manifestent le désir certainement de chercher Dieu, mais qui n’ont pas entendu parler du Dieu d’Abraham, et qui n’ont pas vu les signes de Salut que Jésus a fait pour les autres.

Et pourquoi va-t-il là ? Bien sûr parce qu’il veut aller vers tous, parce qu’il veut montrer qu’il n’est pas réservé à quelques-uns et à un petit peuple. Il veut montrer qu’il veut faire annonce et qu’il veut faire profiter à tous de l’annonce du Salut et donner les signes que ce Salut fait vivre. Qu’est-ce que ce Salut fait vivre ? Il fait, dit l’évangéliste, entendre les sourds et parler les muets. L’homme n’est pas tout à fait muet, il parle mal, mais il n’entend pas. C’est un signe que Jésus veut donner : la Bonne Nouvelle, toi aussi tu vas pouvoir l’entendre ! Et le témoignage de la Bonne Nouvelle, quand tu l’auras entendu, toi aussi tu vas pouvoir le donner à d’autres, cela n’est pas réservé. Jésus s’en va là-bas pour faire retentir la Bonne Nouvelle par des mots et par des signes.

On peut parfois s’étonner de ce que le Pape François ne réserve pas aux seuls Chrétiens sa parole et ses voyages. L’année dernière, avant de venir à Marseille où nous l’avons rencontré, il était parti en Mongolie. Un tout petit pays dans lequel il n’y a guère plus de 1000 catholiques. Il voulait aller là pour faire entendre la Parole à d’autres, et en faisant le signe de la proximité qu’il réservait aux habitants de Mongolie il montrait à tous – car heureusement on a eu quelques nouvelles – que l’Évangile était fait pour tous. En ce moment il est dans l’Asie extrême, dans des pays où il y a beaucoup de croyants d’autres religions, où il y a en grande partie des Musulmans, auxquels il veut aussi adresser la Parole. Non pas pour les faire tous Chrétiens ou Catholiques, mais pour leur dire que ce que nous portons, nous, de l’Évangile peut les toucher eux aussi. Et très souvent quand il va dans ces pays, il est plutôt bien accueilli par des gens qui ne sont pas faits pour changer de religion demain matin, mais faits quand même pour entendre la Bonne Nouvelle du Dieu qui sauve. Et cela retentit chez nous aussi, cela nous fait du bien de le savoir, cela nous fait du bien de le comprendre.

C’est une constante de la Parole de Dieu de vouloir s’adresser à tous. Le premier texte que nous avons entendu, tiré du livre d’Isaïe dit : « Dites à ceux qui ont peur, à ceux qui craignent, à ceux qui n’osent pas agir, à ceux qui n’osent pas bouger, à ceux qui n’osent pas avancer, qu’ils cessent d’avoir peur parce que l’avenir est devant eux, contrairement à ce qu’ils croient ». Cela en fait partie, il faut leur dire : « N’ayez pas peur » !
Les exégètes, les spécialistes de la Bible, ne savent pas très bien à quel moment ce texte a été écrit. Mais cela correspond à plusieurs moments de la situation de l’histoire du peuple de Dieu, où l’on avait peur de l’avenir, où la guerre, la déportation, la crainte des voisins trop puissants, les difficultés liées peut-être à des famines pouvaient provoquer cette peur. On se renfermait sur soi-même. On n’avait pas la facilité de penser qu’il était bon de vivre. Á eux il faut dire : à « Vous qui vous inquiétez n’ayez pas peur, la Parole de Dieu, la Parole de Salut est faite pour vous » !

La lettre de saint Jacques le dit autrement « Accueillez les pauvres, accueillez ceux qui croient qu’ils n’ont pas de place parmi vous, accueillez ceux qui n’osent pas entrer, accueillez ceux qui cherchent la Parole de Dieu mais se disent qu’elle n’est pas faite pour eux. Voilà les pauvres, voilà les lointains, voilà les apeurés, il y en a dans toute époque, il y en a dans la nôtre ». Alors il nous est demandé, d’abord à nous, de nous émerveiller. Nous le faisons assez fréquemment quand nous voyons paraître ceux qui se présentent pour le baptême, par exemple : nous émerveiller de ce que Dieu fait pour ceux à qui il manifeste le Salut par la parole qu’ils entendent, par des gestes et des signes qu’ils peuvent voir. Ils ont les oreilles ouvertes, ils ont les yeux accueillants et capables de remarquer ce qui se passe dans leur vie. Ils peuvent avoir encore de la difficulté à témoigner, ils sont comme celui-là qui avait du mal à parler, ils peuvent très bien ne pas pouvoir dire ce que le Seigneur a fait pour eux Et j’entends souvent des gens qui disent : « Je n’ose pas témoigner de ma foi, je ne sais pas parler de ce que je crois ». Nous nous émerveillons d’abord.

Et, deuxièmement, nous essayons d’accueillir ceux qui sont sur le chemin et qui n’osent pas entrer à l’église avec nous, ou simplement qui n’osent pas croire qu’ils puissent écouter la Parole de Dieu et la prendre pour eux. Nous nous émerveillons et nous essayons d’accueillir ceux qui se croient trop pauvres pour n’avoir quoi que ce soit à partager de leur vie avec les autres. Nous nous émerveillons et nous accompagnons ceux qui ont peur de dire quelque chose de leur foi.

Dans le monde d’aujourd’hui, nous voyons beaucoup de gens, beaucoup de nos frères et de nos sœurs qui n’osent pas parce que ce n’est pas très à la mode, parce qu’on nous dit qu’il ne faut pas parler de Dieu, parce que la société semble ainsi faite que les questions religieuses, qui pourtant travaillent beaucoup, ne doivent pas être évoquées. Et donc nous sommes comme ce muet, et bien d’autres sont aussi comme ce muet et n’osent pas témoigner.

Que le Seigneur fasse pour nous, que le Seigneur fasse pour beaucoup, cette joie de pouvoir être des témoins. Que le Seigneur nous donne les yeux pour voir, les oreilles pour entendre et la langue pour parler de ses merveilles.

+Mgr Laurent Ulrich, archevêque de Paris

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