Homélie de Mgr Laurent Ulrich - Messe chez les sœurs Franciscaines Réparatrice de Jésus-Hostie (17e) pour les 130 ans de la fondation de la Congrégation

Samedi 7 septembre 2024 - Chapelle des sœurs Franciscaines Réparatrice de Jésus-Hostie (17e)

– Nativité de la Vierge Marie

- Mi 5,1-4a ; Ps 12 (13) ; Rm 8,28-30 ; Mt 1, 18-23

Cette longue généalogie que nous entendons en cette fête de la nativité de la Vierge est nécessaire pour ancrer l’humanité de Jésus, pour lui donner sa force, pour le mettre vraiment dans la lignée humaine qui est ainsi décrite. Mais l’évangéliste ne s’en tient pas à cette longue histoire. Il explique que le nom de Jésus signifie « Dieu sauve » et qu’on l’appellera aussi « Emmanuel » : « Dieu est là au milieu de nous ».
Pour le dire et pour comprendre pourquoi l’Église fait lire ce récit de l’Annonciation au jour de la fête de la nativité de la Vierge, nous saisissons en effet que ce long récit - avec ces deux explications sur les noms donnés à Jésus : « Dieu Sauve » et « l’Emmanuel » - signifie que l’œuvre de Dieu s’accomplit par la Vierge Marie. Elle n’est pas simplement dans l’ascendance de Jésus, elle est aussi sauvée par lui. Nous le célébrerons - et c’est pour cela que j’ai évoqué de façon incongrue l’Immaculée Conception - lorsque nous rentrerons à Notre-Dame, mais elle est sauvée par lui, déjà : le salut qu’il apporte la met dans une position tout à fait particulière de notre histoire.

Dieu sauve. Nous comprenons que, dans le monde où nous sommes, il est tellement nécessaire de dire que c’est Dieu qui sauve. Et dans le monde où votre congrégation a été créée il était aussi nécessaire de le dire. 1894, c’est quarante ans après la proclamation du dogme de l’Immaculée Conception. Mais, dans l’histoire de France, c’est aussi le début de l’affaire Dreyfus qui a divisé le pays. Et c’est en plein milieu de l’anticléricalisme le plus fort, le moment d’une société où l’on croit que l’on va pouvoir assurer le bonheur de l’humanité, de la société, en se passant de Dieu, que l’on va pouvoir créer une société d’égalité ou de paix en oubliant jusqu’à son Nom. Le moment où l’on croit que la science, par les techniques qui commencent à améliorer bien sûr la vie quotidienne des hommes, est source d’un bonheur définitif et d’une paix durable dans l’existence des hommes. Évidemment c’est pure illusion. Il fallait donc – cela est arrivé dès 1820 et jusqu’à la fin du 19 XIXe siècle et encore un peu après – que tant de congrégations soient créées pour manifester la vitalité d’un renouveau de l’Église dans notre pays. Elle qui ne se satisfaisait pas de ce qui commençait à être proposé dans la société tout en la reconnaissant telle qu’elle était, puisque 1894 c’est aussi le moment où le Saint-Père Léon XIII, deux après le fameux « toast d’Alger » prononcé par le cardinal Lavigerie, énonce que la République est maintenant le régime dans lequel la France va vivre et cherche à réconcilier le peuple français autour de cela. C’est très important de situer dans l’histoire la naissance de cette congrégation et de bien d’autres. Et de se souvenir que ce qui se passe à travers cette vitalité de l’Église en France à ce moment c’est simplement la foi qui dit ce qui se passe dans notre monde. Les efforts qui sont faits pour le bien d’une société, ce n’est pas négligeable, c’est le sens de cette généalogie que nous avons lue. Mais au milieu de cette société il faut pouvoir dire que c’est Dieu seul qui sauve.

C’est le don du Christ qui nous réconcilie avec Lui, avec Dieu, et avec nos frères et nos sœurs ; c’est la force de l’Esprit qui est donnée à chaque homme et aux croyants pour animer la vie du monde et lui porter cette Bonne Nouvelle du Salut qui est fait pour tous. Sans désemparer et sans forcément entrer dans des polémiques incroyables mais avec l’assurance que Dieu sauve, avec l’assurance d’une foi sûre d’elle-même, d’une foi donnée et reçue, avec l’assurance d’une espérance tout à fait vivante et capable d’animer la vie du monde, avec l’assurance d’une charité de plus en plus répandue à travers le don de la vie des religieuses, à travers le don dans la vie religieuse d’une façon générale et dans votre charisme propre.

Voilà ce qui se passe quand naissent des congrégations, et surtout quand elles continuent d’exister, alors que beaucoup de groupes humains et même des petites sociétés chrétiennes ont un temps de vie bien limité. Il faut que se manifeste à travers elles cette vitalité de la foi, de l’espérance et de la charité chrétiennes.

Alors vous continuez à le vivre, vous l’avez dit au début de cette célébration, à travers des œuvres qui sont adaptées au monde d’aujourd’hui, à travers la pastorale des jeunes à laquelle vous pensez beaucoup, à la pastorale des vocations, dans les paroisses du voisinage et dans les lieux où vous êtes implantées comme vous l’avez rappelé tout à l’heure, des Ardennes, de la Normandie et de l’Oise.

Tout cela signifie fortement que nous pouvons rendre grâce à Dieu pour cela.

Et puis c’est en ce 8 septembre que vous avez vécu ce moment de la fondation et que vous le rappelez. Et tout ce qui est donc attribué à la Vierge Marie, comme première à être sauvée par la naissance de son fils, par le oui qu’elle a dit, tout cela nous invite à une action de grâce très forte et très belle. Nous avons raison de nous encourager mutuellement et de nous souvenir qu’avec le témoignage que nous portons nous sommes les porteurs de Bonne Nouvelle pour un monde qui, parfois, ne sait plus bien où il va, pour une société qui croit réussir par elle-même. Heureusement que nous pouvons lui dire que bien au-delà de ses propres efforts pour instituer le meilleur possible dans la vie des hommes, il y a d’abord le don de Dieu pour tous.

Que la Vierge Marie soit votre inspiratrice. Que l’eucharistie devant laquelle vous vous retrouvez pour adorer le Seigneur et le remercier de sa présence soit votre force chaque jour de votre vie, chaque jour de la vie de cette congrégation, chaque jour de la vie des amis qui sont là et qui continuent de la porter avec vous et qui se sentent animés par la force de votre foi. Que ce moment soit pour vous un moment de grâce et un moment où vous pouvez dire et montrer ce qui anime le fond de votre don de vie.
Rendons grâce au Seigneur.

+Laurent Ulrich, archevêque de Paris

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