Homélie de Mgr Laurent Ulrich - Messe à Saint-Léon pour les 100 ans de la pose de la première pierre de l’église

Dimanche 15 septembre 2024 - Saint-Léon (15e)

 Voir l’album-photos de la célébration.

– 24e dimanche du temps ordinaire – Année B

- Is 50, 5-9a ; Ps 114, 1-6.8-9 ; Jc 2, 14-18 ; Mc 8, 27-35

Les oreilles chrétiennes des premiers siècles, qui entendaient ce passage du livre d’Isaïe que nous avons entendu en première lecture, n’avaient pas de mal à identifier ce serviteur qui est bafoué, cet homme qui est méprisé, qui est rejeté, insulté. Elles n’avaient pas de mal à identifier cet homme-là au Christ lui-même. Ce serviteur de Dieu qui est rejeté parce qu’il apporte l’annonce d’un Dieu qui est rempli de miséricorde. Un Dieu qui est rempli d’amour, de patience devant les injustices qui sont commises et l’injustice qui est commise à son propre égard lorsque les hommes ne sont pas ouverts à son amour, lorsque les hommes commettent eux-mêmes l’injustice à l’égard des autres, par leur violence, par leur mensonge, par leur désir de briller eux-mêmes et non pas de laisser briller la lumière de Dieu. Les premiers chrétiens n’avaient pas de mal, en lisant ce chapitre d’Isaïe et les quelques-uns qui suivent, à identifier le Christ à celui-ci.

L’apôtre Pierre, lui-même, dont la profession de foi nous est rapportée dans l’évangile d’aujourd’hui, ne manque pas de mal interpréter aussi la venue du Christ. Il lui dit : « Tu es le Christ », et il croit en le disant que le Christ va simplement libérer les hommes, ses contemporains, de l’oppression romaine. Mais Pierre oublie cette leçon tirée du livre d’Isaïe : le serviteur de Dieu, celui qui vient parler et agir au nom de Dieu, n’est jamais vraiment bien reçu à cause de l’annonce qu’il fait et à laquelle on ne croit pas. Le fait que Pierre proclame la foi que nous reconnaissons, notre foi - et dise comme nous le disons : « Tu es le Christ, je crois en toi, c’est toi le Fils de Dieu » - le fait que Pierre fasse cette profession de foi vibrante, et qui nous entraîne, ne l’exempte pas de cette méprise sur ce que la Parole de Dieu est capable de produire dans l’humanité.

Et l’autre lecture, tirée de saint Jacques, continue sur ce thème. Il ne suffit pas de dire la foi, il ne suffit pas de proclamer que le Christ est Seigneur, il ne suffit pas de dire : « Le Fils de Dieu est là au milieu de nous. » Parce qu’on peut aussi se méprendre et imaginer que le Fils de Dieu nous sauve de tous les mauvais pièges où l’humanité risque de nous tenir. Non, le Fils de Dieu nous dit : « Si vous croyez en moi, alors il faut que votre façon d’agir soit conforme à cette foi en un Dieu qui aime, qui est miséricordieux, qui passe son temps à chercher les hommes et à les amener vers lui par la bonté, par le pardon, par le refus de la violence, par la reconnaissance que le mensonge est inconséquent, par la recherche de la vérité et de la droiture, de la simplicité et de l’humilité. » Voilà ce que nous apprennent les lectures du jour : professer la foi est essentiel dans notre comportement chrétien, mais professer la foi signifie aussi vivre à la façon du Christ, vivre à la façon que Dieu aime.

Alors, c’est le moment, dans cette occasion festive du centenaire de la pose de la première pierre de cette église, de se demander : quelle trace la foi, l’espérance et la charité, laisse-t-elle dans vos vies à vous, dans nos vies de chrétiens, dans vos vies de paroissiens de cette église ? Quelle trace la foi, l’espérance et la charité ont-elles laissée dans ce quartier si bien décrit, tout à l’heure, dans le propos du premier curé de cette paroisse ? Quelle trace ? Bien sûr la trace visible de cette église au milieu d’un quartier, appelée des vœux de ces premiers paroissiens qui se sentaient trop éloignés de leur église, de l’église à laquelle ils étaient normalement attachés. Bien sûr cette église, et puis les bâtiments paroissiaux qui ont permis, pendant toutes ces années, de remplir la vocation d’une communauté chrétienne, de la rendre présente à un quartier. Ce qui reste c’est la foi de ceux qui sont venus ici pendant tout ce siècle, et, on l’espère bien, la foi de ceux qui sont là aujourd’hui pour l’avenir.

Dans quelques semaines, vous recevrez successivement deux évêques qui viendront témoigner de ce que la foi apprise ici a fait en eux, de ce que la prière, et la prière pour les vocations, a fait naître dans leur propre existence. Comment ils sont devenus ici chrétiens - certainement en partie parce qu’il y a eu d’autres influences dans leur vie je suppose –, comment ils ont grandi dans la foi et la vie chrétiennes, qui les a conduits ? Mais, bien sûr, la profession de la foi, et la prière, et la liturgie, et l’eucharistie célébrée, ne suffisent pas et il faut imaginer - je dis imaginer parce que je ne les connais pas suffisamment - qu’ils ont appris ici non seulement à proclamer la foi, mais à la mettre en pratique dans la charité. « L’ordre de la charité », aurait dit Pascal. La charité vécue auprès des habitants du quartier, ceux qui sont le plus en difficulté : les pauvres, les sans-abris peut-être, les gens ignorés, les gens isolés. La charité vécue, la charité conforme à ce que le Seigneur souhaite. Il y a un certain nombre d’organismes dans votre paroisse qui initient à la charité et qui permettent de la vivre comme quelque chose de si important et de conforme à la profession de foi. C’est parce que le Seigneur est venu sauver tout homme, toute femme, que la charité que nous exerçons est si nécessaire et en droite ligne de la profession de foi.

Et puis aussi des hommes et des femmes ont certainement été éduqués à l’espérance chrétienne et ont tâché de la pratiquer. Quand on devient un éducateur, on est formateur de l’espérance parce qu’on est formateur de la jeunesse pour l’avenir. Et l’on croit que les jeunes ont besoin d’être conduits à ne jamais désespérer mais au contraire à toujours essayer de construire ce qui est beau et bon pour l’humanité.

L’espérance encore, lorsqu’on accompagne les personnes dans des situations qui leur sont difficiles et qui leur font craindre que l’avenir n’est plus bon pour eux, que l’avenir ne leur réserve que du mauvais. Ils sont peut-être désespérés, ils ont perdu la confiance, ils se disent proches de la mort. Ils le sentent et ils sont remplis de peine et peut-être d’angoisse. Être, quel que ce soit le contexte, des accompagnateurs des situations difficiles, voilà qui est une marque de l’espérance chrétienne à laquelle nous sommes tous et toutes invités.

Voilà la foi, pas simplement proclamée mais vécue au quotidien dans les œuvres de charité et les œuvres d’espérance, les œuvres de miséricorde. Les œuvres temporelles ou spirituelles de la miséricorde, accompagnent la profession de foi. Je suis sûr que la vie d’une paroisse est faite pour entretenir la foi, la prière, la confiance en Dieu, la charité envers tous et l’espérance dans les situations les plus décourageantes de la vie. Vous êtes, nous sommes tous ensemble, des accompagnateurs de la foi, de l’espérance et de la charité. Que la fête d’aujourd’hui soit pour tous un encouragement.

+Laurent Ulrich, archevêque de Paris

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