Homélie de Mgr Laurent Ulrich - Messe de rentrée de l’établissement scolaire Stanislas à Saint-Sulpice
Samedi 14 septembre 2024 - Saint-Sulpice (6e)
– Fête de la Croix Glorieuse
- Ph 2, 6-11 ; Ps 77 (78), 3-4a.c, 34-35, 36-37, 38ab.39 ; Jn 3, 13-17
Il y a tout juste dix jours, je me trouvais en Terre Sainte avec les membres de mon conseil pour rendre visite aux communautés chrétiennes qui sont sur cette terre d’Israël, de Palestine et de Jérusalem. Il s’agissait de manifester le soutien à ces communautés et aux habitants de ces territoires face aux souffrances qu’ils endurent du fait de la guerre, situation malheureusement trop connue d’eux depuis 1948, et qui s’est aggravée, chacun le sait, il y a bientôt un an. Et au petit matin du 3 septembre, avec ceux qui m’accompagnaient, j’ai eu l’émotion de célébrer l’eucharistie sur le tombeau même du Christ. Le lieu est exigu, on n’y tient guère à plus d’une douzaine de personnes, mais l’émotion est évidemment très forte. Et ces mots que nous venons d’entendre, surtout ceux de la première lecture tirée de la lettre de saint Paul aux Philippiens, ont retenti dans mon cœur très fortement bien sûr. « Le Christ Jésus, ayant la condition de Dieu, ne retint pas jalousement le rang qui l’égalait à Dieu. Mais il s’est anéanti, prenant la condition de serviteur, devenant semblable aux hommes. Reconnu homme à son aspect, il s’est abaissé, devenant obéissant jusqu’à la mort, et la mort de la croix. C’est pourquoi Dieu l’a exalté, Il lui a donné le Nom qui surpasse tout nom afin qu’au nom de Jésus (…) toute langue proclame : « Jésus Christ est Seigneur » à la gloire de Dieu le Père. » Ces mots-là disent tout le mystère du Christ qui donne sa vie ; tout le mystère de Dieu qui donne son Fils comme nous l’avons entendu dans l’Évangile ; tout le don extraordinaire que Dieu peut faire aux hommes pour venir les chercher, les sauver, les accompagner jusque dans son royaume, en commençant maintenant.
Voilà ce que nous entendons, voilà tout le mystère du Christ, voilà ce que Jésus, Fils de Dieu, vrai homme et vrai Dieu, a voulu vivre pour nous. Il a voulu être humble en devenant homme parmi les hommes, au point même de ne pas être reconnu au milieu d’eux. Il a voulu non seulement être humble homme parmi les hommes, mais il a accepté d’être rejeté des hommes. Il a accepté d’être mis à l’écart. Il a accepté de souffrir et de mourir d’une façon infâme pour que le plus petit, le plus pauvre, le plus oublié, le plus ignoré, le plus souffrant des hommes puisse se dire : « Je ne suis pas tout seul, Dieu est là quand je souffre, Dieu est là aussi quand je donne ma vie pour les autres. Dieu inspire mon geste, ma vie, quand elle se donne aux autres. Dieu inspire le don que je suis capable de faire : il l’a vécu lui-même et, quand moi-même j’essaie de donner ma vie pour les autres, aussi petitement qu’il soit possible d’ailleurs, je sais que le Christ a vécu cela et qu’il accompagne mon geste. Et qu’il le rend capable d’être porteur de joie, de vraie joie profonde pour les autres. C’est le témoignage que je peux rendre. » Voilà le résumé, d’une certaine façon, de la vie chrétienne ; voilà ce qui est attendu de nous.
Alors, aujourd’hui, nous avons cette joie profonde, même si cela est exprimé dans une atmosphère de tristesse parce que mourir, et mourir de façon infâme, ne se fait pas de gaité de cœur. Mais nous sommes dans la joie profonde d’être avec le Christ, en ce matin et en ce début d’année scolaire, pour vous. Nous entendons ces paroles et nous nous disons qu’elles nous invitent à grandir avec lui, mystérieusement, qu’elles nous invitent à grandir dans la foi en lui, qu’elles nous appellent sur un chemin qui nous rend plus humains parce que plus proches de nos frères et de nos sœurs pour les aimer, pour les aider, pour les servir, et pour les faire grandir avec nous.
L’Enseignement catholique a tout à fait cette vocation de nous aider et de nous apprendre à grandir et à marcher sur chemin-là.
Les écoles catholiques, d’une façon générale, ont toujours été fondées par des gens qui voulaient permettre de vivre cela pour devenir un homme ou une femme au service des autres. Ce lycée n’échappe pas à cette condition première d’avoir été fondé avec cette intention-là il y a 220 ans. Et d’avoir subi un certain nombre d’événements historiques qui ont parfois contrarié sa mission, mais toujours avec ce même désir qui renaît sans cesse de faire des jeunes des hommes et des femmes à la fois accomplis, responsables et capables de se donner aux autres. C’est le premier point.
Nous nous souvenons toujours, dans la vie d’un établissement catholique d’enseignement, de la raison pour laquelle il a été fondé et par qui il l’a été, dans quelle situation il a accompli sa mission depuis les débuts de sa fondation. Et, parmi les choses qui retiennent l’attention, on voit que l’Enseignement catholique cherche toujours à accueillir les familles qui veulent lui confier leurs jeunes, il cherche à accueillir tous ceux qui se présentent : ce n’est pas seulement en vertu des lois de la République que les établissements scolaires assument cette vocation d’accueillir tous ceux qui viennent.
La troisième chose que l’Église cherche à faire vivre dans l’Enseignement catholique c’est qu’on puisse entendre les paroles de l’Évangile dans l’établissement. On sait bien, dans le contexte d’aujourd’hui, que tout le monde ne les accepte pas, ne veut pas en faire sa règle de vie. Cela on le sait, dans la société d’aujourd’hui c’est parfois difficile, mais il en va de notre mission de le faire entendre pourtant, non pas de l’imposer mais de le proposer parce que nous croyons que c’est un chemin d’humanité, un chemin qui nous rend plus humains.
Et puis enfin, à l’intérieur même d’un établissement catholique, nous pensons que des communautés, des groupes chrétiens, peuvent tout à fait trouver leur place, doivent naître et être entretenus. Encore une fois, il ne s’agit pas de l’imposer à tous mais il s’agit de l’incarner de telle sorte que cela puisse être un lieu d’exemplarité de la façon de vivre l’Évangile.
En ce début d’année, il me semblait nécessaire de rappeler ce que l’Église entend faire à travers l’Enseignement catholique. Il nous est demandé d’y être fidèles et si nous sommes croyants d’y adhérer et de le vivre avec justesse, avec respect de tous, y compris de ceux qui ne croient pas.
Que le Seigneur nous accompagne sur ce chemin tout au long de l’année, et qu’il fasse de chacun de nous, vous les jeunes et vous qui les entourez et les aidez à grandir, des signes, des signes amicaux de la présence du Christ qui se donne à tous.
+Laurent Ulrich, archevêque de Paris