Homélie de Mgr Laurent Ulrich - Messe en la chapelle Sainte-Thérèse des Apprentis d’Auteuil à l’occasion du centenaire de l’arrivée des Spiritains à l’Œuvre des Apprentis d’Auteuil
Mardi 1er octobre 2024 - Chapelle Sainte-Thérèse des Apprentis d’Auteuil (16e)
– fête de Sainte-Thérèse de Lisieux
- Rm 8,14-17 ; Ps 130 ; Mt 18, 1-5
La tonalité des lectures que nous venons d’entendre nous oriente vers la relation filiale des baptisés, la relation filiale de tous ceux qui veulent suivre le Christ, la relation filiale à Dieu le Père.
La lettre aux Romains insiste beaucoup sur cet aspect. Nous sommes fils et filles de Dieu, nous sommes invités à le devenir davantage, nous sommes faits pour devenir davantage des fils et des filles de Dieu chaque jour à travers notre parcours personnel, notre parcours ensemble dans l’Église que nous formons. Saint Paul continue en disant : « Puisque vous êtes des fils et des filles vous devenez des héritiers. » Voilà quelque chose qui peut peut-être nous surprendre. Comme si être des fils et des filles était d’abord fait pour nous rendre dignes d’un héritage : d’un héritage matériel comme aussi d’un héritage culturel que l’on se transmet de génération en génération. Et on est heureux de le faire. C’est cela que saint Paul exprime : « Nous devenons héritiers avec le Christ ». C’est une grande joie et un grand mystère de pouvoir dire cela : ce que le Christ a vécu, ce qu’il a reçu du Père, nous le recevons avec lui. Nous grandissons avec le Christ pour devenir vraiment capables de recevoir tous les dons que Dieu veut faire aux hommes.
L’évangile insiste en prenant l’image, cette fois-ci, des « petits enfants » qui font complétement confiance à l’amour de Dieu. Les petits enfants qui savent qu’ils doivent tout à ceux dont ils dépendent. Les petits enfants qui savent qu’ils peuvent se réfugier auprès de ceux qui veulent les éduquer, qui cherchent à les faire grandir pour, comme vous dites, « devenir des hommes et des femmes debout ». C’est l’itinéraire que, dans l’éducation, vous cherchez à vivre et à faire vivre aux jeunes qui sont accueillis dans cette fondation.
Mais c’est d’abord l’itinéraire que sainte Thérèse de l’Enfant-Jésus et de la Sainte-Face a vécu pour elle-même. Quand elle a voulu devenir carmélite, au mépris de son jeune âge, elle a bien sûr commencé à demander à son père, sa mère n’étant plus là. Et son père en a été joyeux et il lui a dit : « Tu es comme une fleur au milieu du jardin de Dieu. » Il l’a invitée à grandir et à s’épanouir sous le soleil de Dieu, à devenir une fille de Dieu vraiment, par la consécration à laquelle elle aspirait dans le carmel. On sait aussi qu’elle s’est tournée vers le Saint-Père, le pape, pour obtenir de lui cette autorisation d’entrer au carmel si jeune. Elle s’est confiée à cet autre père qu’est le pape dans l’Église catholique. Elle a cherché à se laisser tout simplement attirer par la lumière du Seigneur.
Dans la belle lettre que le Saint-Père François a donnée il y a quelques mois, au sujet de sainte Thérèse, il cite cette parole de Thérèse qui dit : « attirez-moi comme celui qui m’aime » et elle continue « ô Jésus, il n’est même pas la peine de dire attirez avec moi et vers vous ceux que j’aime. Il suffit de dire : attirez-moi ». Elle veut donc se laisser attirer par ce Jésus qu’elle aime, ce Jésus dont elle se sait aimée comme une sœur de Jésus, comme une fille du Père. Et il se trouve que cet amour dont elle a bénéficié, cet amour qu’elle a ressenti, cet amour qu’elle a voulu faire grandir chez les autres, cet amour-là a vraiment attiré. Le Christ par elle a attiré tant de monde. Ainsi le Père Brottier s’est laissé attirer par le Christ et par l’intermédiaire et l’intercession de sainte Thérèse, de sorte qu’il a construit cette chapelle, comme vous l’avez rappelé tout à l’heure, comme premier signe de la confiance que lui faisait l’archevêque de Paris en confiant aux Spiritains cette œuvre pour l’accompagner, la faire grandir, et faire découvrir comment le Christ est capable d’attirer sans cesse à lui.
Vous savez, si le Père Brottier a été attiré par sainte Thérèse, il n’était pas le seul. Ils ont été si nombreux ! Par exemple les soldats de la guerre de 1914 qui ont fait confiance à la petite Thérèse, avant même qu’elle soit béatifiée et canonisée. On peut même dire que, probablement, cette attirance qu’ils ont eue pour elle, qui est l’œuvre du Christ, cette attirance a hâté la béatification et la canonisation de Thérèse Martin. C’est extraordinaire comment cette attirance de Jésus a produit tant de fruits, et, ici, cette œuvre qui a prospéré sous son regard, sous sa protection, sous son patronage.
Alors que nous fêtons le centenaire de la présence spiritaine ici, bientôt le centenaire de la canonisation de Thérèse, et puis les 160 ans de la fondation de l’Œuvre d’Auteuil, nous pouvons simplement rendre grâce pour tout ce que le Christ a fait par l’intercession de sainte Thérèse et par le travail du Père Daniel Brottier, de tous les spiritains et de tous ceux qui avec eux ont travaillé et ont cru que l’on pouvait sens cesse faire confiance à l’œuvre d’éducation pour faire grandir des jeunes, pour les faire devenir des hommes et des femmes debout.
J’ai personnellement beaucoup de bons souvenirs avec cette Œuvre d’Auteuil. Dans mon diocèse d’origine, je me souviens de Domois qui a été un lieu important. Dans le diocèse de Savoie, dont j’ai été l’évêque, il y a une petite vingtaines d’années, j’ai pu confier le collège de Saint-Paul-sur-Isère à la tutelle d’Auteuil et de l’Ordre des Spiritains. Et puis dans le Nord j’ai vu la profusion des œuvres qui se sont multipliées à partir de Fournes-en-Weppes. Et je suis heureux d’être là au cœur de cette fondation, de la remercier pour le travail accompli, de l’encourager pour la suite et de la faire persévérer dans cette fidélité : se laisser attirer par le regard du Christ comme sainte Thérèse l’a été et qu’elle nous permet de l’être aujourd’hui encore.
+Laurent Ulrich, archevêque de Paris