Homélie de Mgr Laurent Ulrich - Messe d’envoi en mission des Baptisés en Mission Diocésaine à Saint-Paul-Saint-Louis
Mercredi 9 octobre 2024 - Saint-Paul-Saint-Louis (4e)
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– Solennité de Saint Denis
- Is 52,7-10 ; Ps 95 ; 1 Thes 2, 2b-8 ; Jn 10,11-16
Nous fêtons un apôtre, nous fêtons un évêque, nous fêtons un martyr, et le premier texte qui nous est donné d’entendre, tiré du Livre d’Isaïe, évoque la beauté, la joie, évoque le désir que la Bonne Nouvelle soit portée loin : « Comme ils sont beaux sur la montagne les pas du messager qui annonce la paix. » C’est d’abord la beauté et le désir d’annoncer loin la paix qui vient du Seigneur qui nous sont donnés comme premier message ce soir. Alors que nous fêtons saint Denis et que nous prions pour ceux que nous envoyons en mission, ils peuvent déjà entendre que ce qu’ils ont à vivre, ce qu’ils ont à faire, c’est un ministère de joie et de paix. Et un ministère, un service, une annonce, qui va même beaucoup plus loin que ce qu’ils croient. Ils ne sont pas simplement faits pour annoncer tout cela dans le cercle restreint des relations qui leur sont imparties et du territoire ou du lieu d’intérêt pour lequel ils vont travailler ou travaillent déjà. Mais l’espérance signifie que ce qu’ils pourront faire là où ils sont va les dépasser et va dépasser le lieu de leur action immédiate et probable. C’est la première leçon que nous entendons ce soir.
Elle est magnifique, elle donne une espérance, comme celle sur laquelle nous avons méditée il y a quelques instants avec quelques-uns d’entre vous. Joie, paix et immensité de la mission qui s’accomplit à travers la désignation d’un lieu pour l’accomplir, mais avec l’espérance, non pas secrète mais révélée, que ce qui se fera là ira beaucoup plus loin.
Et puis la deuxième lecture, tirée de la Première lettre aux Thessaloniciens, c’est la grande assurance du messager lui-même, de l’apôtre qui s’adresse à une communauté chrétienne. La grande assurance qu’avec la force que Dieu donne, avec la force de l’Esprit Saint, celui qui annonce l’Évangile ne le fait pas dans son intérêt, qu’il ne prétend pas en tirer un bénéfice personnel : il est désintéressé, il le fait parce qu’il a été envoyé, il ne regarde pas spécialement le résultat, et en tout cas il ne se l’attribue jamais. Il ne cherche pas à plaire ou à déplaire, il cherche à approfondir en lui ce que produit ce message, pour le transmettre. Nous aurions pu nous imposer en qualité d’apôtre et, en effet, saint Paul le dit, saint Denis aurait pu le dire aussi, mais ils ne l’ont pas fait parce que l’intérêt de l’Évangile c’était d’être annoncé avec humilité, avec assurance, mais avec le désir de ne pas paraître soi-même sinon de montrer quelqu’un d’autre. La raison d’annoncer l’Évangile c’est d’aimer le Christ et de se laisser aimer par lui. Mais le fait d’aimer le Christ et de se laisser aimer par lui crée un désir d’amitié, d’amour à l’égard de ceux à qui on s’adresse. C’est parce qu’on les aime qu’on leur adresse le message de l’Évangile. C’est plus d’une fois dit dans nos Écritures. Nous nous souvenons toujours du premier mot du Livre des Actes des Apôtres : « Cher Théophile ». Si j’annonce l’Évangile à Théophile, l’ami de Dieu, c’est parce que je l’aime, il m’est cher, c’est parce que j’ai le désir qu’il puisse entendre l’Évangile pour être transformé lui aussi par la puissance de l’amour du Christ. Cette proximité, ce désir d’annoncer, peut se justifier par l’amour que le Seigneur porte à tout homme, à toute femme, par l’amour qu’il met dans nos cœurs de serviteurs et de ministres de l’Évangile pour tout homme et toute femme que nous rencontrons. Un amour voulant respecter tout homme et toute femme dans sa dignité, voulant permettre à ce que même cette dignité soit exhaussée, dans le sens de remontée, signifiée toujours davantage par l’amour que nous portons à ceux à qui nous annonçons l’Évangile.
Le service qui nous est demandé c’est premièrement un service de l’amour. Le service qui nous est demandé à tous, parce que nous croyons, c’est un service de l’amour.
Et enfin, dans l’Évangile, la révélation pleine et entière c’est celle de celui qui aime, de celui qui aime totalement, de celui qui désire le mieux pour ceux à qui il s’adresse, celui qui donne tout, tout de ce qu’il est, tout de sa vie, pour que soit annoncée la Bonne Nouvelle. Et c’est le Christ tout seul, c’est le Christ lui-même, c’est le Christ total, c’est le Christ offert, c’est toujours lui que nous montrons, ce n’est que lui. L’évangéliste rapporte les paroles du Christ, bon pasteur, qui prend soin de ses brebis, qui ne fuit pas à l’approche du loup mais qui est là. C’est lui que nous servons, c’est lui que nous aimons, c’est lui que nous montrons toujours. Jamais nous ne le retenons et nous ne pouvons le retenir pour nous, parce que lui s’est offert totalement et qu’il nous demande d’en faire autant. Et cela est possible, dans toutes les situations qui sont les nôtres. Nous ne sommes pas tous faits pour le même destin historique, mais nous sommes tous faits, à cause de l’Évangile qui nous a saisis un jour, pour faire référence au Christ seul vrai pasteur, et pour le reconnaître agissant dans tous ceux à qui la Parole est annoncée et qui l’accueillent. C’est lui qui transforme les cœurs, c’est lui qui achemine l’humanité vers le Père qui l’a envoyé.
Que le Seigneur nous permette, au moment d’envoyer en mission un certain nombre d’entre nous, de rendre grâce à Dieu, qui, à travers la mission confiée, nous change nous-mêmes et nous fait regarder le Christ qui se donne, pour qu’à notre tour nous nous donnions.
+Laurent Ulrich, archevêque de Paris