Homélie de Mgr Laurent Ulrich - Messe à Notre-Dame de la Gare pour le 50e anniversaire de l’association Le Lien (Mission Ouvrière)

Samedi 16 novembre 2024 - Notre-Dame de la Gare (13e)

- Dn 12,1-3 ; Ps 15,5.8-11 ; He 10,11-14.18 ; Mc 13,24-32 – 32e dimanche du temps ordinaire – Année B

Dans ces dimanches de la fin de l’année liturgique, Jésus évoque la fin du monde. D’abord pour dire, parce qu’on ne sait pas grand-chose de tout cela, qu’il ne sait pas quand cela arrivera. Lui-même ne le sait pas, vous venez de l’entendre. C’est important de retenir cela : ce qui arrivera à la fin nous ne savons pas quand ce sera. Le monde dans lequel nous sommes est toujours un peu en train de faire des projections, des perspectives et de la prospective, mais comment le fait-il ? Aujourd’hui on a l’habitude des statistiques et des courbes, par le prolongement des courbes que l’on voit depuis quelques années on dit : dans dix ans, dans vingt ans… ce sera comme cela. Rien n’est sûr de cela parce que beaucoup de choses peuvent changer d’ici-là. Il y a des tendances dans l’histoire du monde, bien sûr, mais il y a aussi des retournements de situation qui peuvent arriver. Souvenez-vous, il n’y a ne serait-ce que 5 ou 6 ans, nous n’avions prévu ni le COVID, ni la guerre en Ukraine, et cela a changé beaucoup de choses dans la vie du monde. Donc Jésus dit : « Je ne sais pas quand cela arrivera. » Et nous, nous sommes invités à ne pas chercher d’abord notre sécurité dans une annonce de ce qui pourrait arriver, parce que Jésus nous invite à autre chose. Il nous fait une description des moments de détresse, des moments qui inquiètent la vie des hommes, qui nous angoissent, mais ce sont des moments qui arrivent tout au long de l’histoire des hommes, en permanence. C’est tous les jours qu’il y a des situations de détresse, de peine et d’angoisse dans le monde ; tous les jours qu’il y a des situations difficiles à supporter pour les hommes, des situations d’injustice, d’irrespect de l’homme, de mépris même, de violence. Jésus dit : « Il faut bien comprendre que c’est cela qui arrive et il n’y a pas besoin d’imaginer la fin des temps pour savoir que ce qui arrive a toujours la possibilité d’être tragique pour la vie de certains, même si ce n’est pas pour la vie de tous. » Il y a des gens qui vivent dans la pauvreté, la détresse, l’absence de relation, l’absence d’amour, dans l’inquiétude du strict lendemain.

Cet après-midi, je sais qu’on a choisi le signe du figuier : « Laissez-vous instruire par la parabole du figuier. » Jésus dit : « Vous savez lire les signes des temps. Vous savez bien lire les signes des saisons. » Alors il prend une saison qui est plutôt remplie d’espérance : le printemps qui annonce l’été. Mais il aurait pu prendre aussi l’automne qui annonce l’hiver. Vous savez qu’il y a des cycles dans la vie des hommes et vous savez donc ce qui va se passer, vous êtes capables de voir, de discerner ce qui dans la vie des hommes d’aujourd’hui mérite attention. Voilà à quoi Jésus nous invite : discerner ce qui dans la vie des hommes mérite attention pour qu’ils soient respectés, pour qu’ils soient aimés, pour qu’il y ait plus de justice, plus de paix, plus de bonheur, plus de partage.

Alors c’est la troisième chose que Jésus nous dit : « Tout cela arrivera. Ne vous inquiétez pas de quand cela finira, mais tout cela arrivera. Ce qui ne passera pas c’est ma parole. » Nous avons entendu cela dans l’Évangile. Et qu’est-ce que la parole de Jésus ? Vous la connaissez bien, c’est : « Je suis avec vous tous les jours jusqu’à la fin du monde. » C’est une parole de promesse. Nous pouvons la garder très fort cette parole : Jésus ne nous abandonne pas. Vous avez dit tout à l’heure, au début de cette eucharistie, 50 ans de fidélité de Dieu. Jésus n’abandonne pas.

C’est aussi une parole de paix et de joie. Jésus dit à ses disciples dans l’évangile de Jean : « Je vous ai dit tout cela (et le « tout cela » c’était les événements tragiques de sa passion qui arrivaient) pour que ma joie soit en vous, même au milieu de la détresse. Je vous ai dit tout cela, dit-il aussi, pour que quand ces événements arriveront vous ne soyez pas perturbés et découragés. »

La parole de Jésus, la parole de Dieu, est une parole de promesse, une parole de joie, de courage et d’encouragement pour que vous ne soyez pas perturbés par ces évènements qui arrivent. Mais que vous sachiez discerner ce qui est bon, ce qui est juste, ce qui fait du bien, ce qui encourage, ce qui permet de vivre vraiment, ce qui rend la vie en société plus fraternelle.

Je suis sûr qu’à travers ces 50 années d’une communauté qui s’appelle le Lien, ce que l’on a cherché le plus sûrement c’est que les liens s’établissent au milieu de la vie d’un quartier, pour que la vie soit moins dure à ceux qui traversent des épreuves, pour que la justice soit mieux vécue dans notre monde, pour que la fraternité soit une réalité, pour témoigner de l’espérance du Seigneur qui vient à la rencontre de chacun.

J’ai lu, dans la feuille qui présente cette journée, que si on avait créé cette communauté il y a 50 ans c’est parce qu’on était sûr que, dans le monde qui nous entoure, il y a des personnes qui cherchent le vrai, le beau, le bien, qui cherchent la paix, la fraternité, et qu’il faut donc les accueillir, les conforter, les accompagner.

Le pape François, quand il parle des situations du monde, décline souvent trois ou quatre verbes pour dire comment il faut vivre. Être capable d’accueillir, ce mot revient souvent dans sa façon de parler. Il s’agit aussi, dit-il, d’accompagner. Car il ne s’agit pas simplement de donner la main, il s’agit de la garder et de marcher avec. Il s’agit aussi souvent de protéger : protéger les enfants, les jeunes qui grandissent et qui ont besoin d’être aimés et d’être aidés pour grandir dans la vie et devenir des hommes et des femmes responsables, capables d’aimer ; protéger l’étranger qui se trouve mal accueilli ailleurs et lui permettre de vivre vraiment une vie humaine et digne. Le dernier verbe c’est souvent intégrer : intégrer dans la vie de la société pour que demain soit possible pour chacun.

Donc nous ne savons pas quand la fin du monde arrivera, mais nous savons qu’il y a ces besoins-là à aider, à découvrir, à prendre en charge ensemble avec d’autres, croyants ou non-croyants.

Que le Seigneur nous donne chaque jour cette force-là de ne pas nous reporter à un avenir qu’on ne connaît pas mais de regarder le présent avec son regard à lui, qui est un regard de promesse, d’amitié de confiance, d’encouragement, pour que nous vivions tous et que chacun puisse trouver sa place. C’est ce que vous avez cherché à vivre, que vous ne cesserez pas de chercher dans les jours, les mois et les années qui viennent.

+Laurent Ulrich, archevêque de Paris

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