Homélie de Mgr Laurent Ulrich - Messe à Notre-Dame des Foyers à l’occasion des 30 ans de la paroisse

Dimanche 1er décembre 2024 - Notre-Dame des Foyers (19e)

– 1er dimanche de l’Avent – Année C

- Jr 33, 14-16 ; Ps 24 4-5.8-10.14 ; 1 Th 3,12 à 4,2 ; Lc 21,25-28.34-36

Nous ne lisons pas très souvent des extraits du prophète Jérémie, mais son nom vous est bien connu. Dans l’histoire de ce prophète et dans le temps de sa mission qui a duré assez longtemps, on ne sait pas exactement quand ce texte a été écrit, mais peu importe. C’était avant la grande catastrophe du début du VIe siècle avant Jésus : la grande catastrophe de la prise de Jérusalem, ou plus exactement de l’envoi en déportation d’une grande partie du peuple vers les rives du fleuve lointain à Babylone. Et quand le prophète Jérémie parle - probablement une quinzaine d’années avant, peut-on imaginer - il prévoit déjà les moments de grande détresse, car il sent autour du petit peuple qui est à Jérusalem beaucoup de pression étrangère. Il y a des empires, des royaumes, qui sont prêts à fondre sur ce petit royaume, des puissances qui vont envoyer sa population en déportation.

C’est au milieu de cela que Jérémie dit au peuple : « Il ne faut pas avoir peur. Le Seigneur est notre justice. » Nous voyons bien qu’il y a de l’injustice dans le monde où nous vivons ; nous voyons bien qu’il y a des gens qui ne respectent pas le droit. Il y a des gens qui ne comptent que sur la force et la violence. Nous voyons cela tout le temps, dans le monde d’aujourd’hui encore. Mais Jérémie dit : « Ce qui se passe dans votre cœur, à vous les croyants, c’est que vous croyez que Dieu est notre justice. Que Dieu met dans notre cœur un germe de droit et de justice, d’amour des autres, de respect : voilà ce qui compte pour vous. Bien sûr que vous êtes maltraités et que vous risquez de l’être encore. Mais vous savez que le Seigneur met en vous un germe, il plante dans votre vie, dans notre peuple, un germe qui grandira et portera du fruit. » Voilà ce que nous apprenons souvent de la parole des prophètes et de celui-ci très exactement : Dieu est notre justice ; Dieu est la source en nous du respect des autres, du respect de tout homme, de l’amitié portée à tous ; Dieu est là pour nous faire ce bien-là. Et nous attendons qu’en effet ce germe de justice grandisse dans notre cœur et dans le peuple des croyants.

C’est une première question qui nous est posée par la liturgie du premier dimanche de l’avent : où en sommes-nous du désir de justice et de paix ? Où en sommes-nous de l’attente que le Seigneur met dans notre cœur pour que la justice et la paix grandissent dans le monde et que nous en soyons des acteurs ?

Jésus, dans l’Évangile, nous pousse un peu plus loin. Il dit non seulement qu’il y a des catastrophes dans la vie des hommes - non seulement qu’il y a des tremblements de terre et d’immenses bouleversements qui peuvent arriver à toutes les générations - mais qu’au milieu de ces grands phénomènes extérieurs, climatiques, comme aussi des événements guerriers et violents de la vie de l’humanité en général, on voit le Fils de l’Homme venir dans une nuée avec puissance et grande gloire. Il ne vient pas comme un chef humain ; il ne vient pas comme un puissant dans ce monde. Mais il vient avec la lumière, dans une nuée. Il vient éclairer le sens de notre chemin. Il vient donner à notre vie, qui est soumise à tant d’aléas et à tant de violence et de souffrance, le signe de sa lumière, la lumière de sa parole, la lumière de son amour qui est pour tous. La lumière de la miséricorde de Dieu qui est pour tous. Et il nous invite à rester éveillés pour découvrir cela dans le cœur de nos frères et de nos sœurs, pour découvrir ce besoin d’amour et de miséricorde pour tous.

Il veut que nous restions éveillés à cela parce que tout contredit cela. Tout semble aller, bien souvent, de mal en pis dans la vie des hommes. Et ce n’est pas l’époque d’aujourd’hui qui va contredire ce sentiment. Mais il fait en sorte que, dans le cœur des croyants, demeure l’espérance d’un monde où la miséricorde de Dieu sera connue, désirée et aimée.

Alors il dit : « veillez et priez. » C’est la deuxième question que nous entendons ce matin. Où en sommes-nous de cette attente, de cette veille dans la prière ? Chaque jour nous devons espérer, et nous pouvons espérer avec la force que Dieu donne, que ce germe de justice, la lumière que dirige sur nous le Fils de l’Homme, le Fils de Dieu, le Seigneur Jésus, grandisse en nous et se propage.

Et troisième interrogation, elle nous vient de la deuxième lecture, la lettre de saint Paul apôtre aux chrétiens de Thessalonique, dans le nord de la Grèce. Voilà que Paul a créé là une première communauté chrétienne. À vrai dire, il a commencé à Thessalonique, puis juste à côté, à quelques kilomètres, à Philippe. Vous connaissez la lettre aux Philippiens. Et puis ensuite les événements de sa vie étant un peu mouvementés et bousculés, il a dû quitter cette région et descendre jusqu’à Athènes, à 400 kilomètres de là. Et puis il s’inquiète pour cette communauté toute jeune, il se dit : « est-ce qu’ils restent fidèles ? Est-ce qu’ils ont bien entendu mes enseignements ? J’ai dû les quitter un peu rapidement et peut-être qu’ils sont en train de perdre courage et d’oublier la foi que je leur ai enseignée ? » Alors il envoie son disciple Timothée aux nouvelles. Et Timothée revient au bout de quelque temps et dit : « ça va, ils ont gardé courage, confiance. Ils ont des questions, ils vont te les poser, tu répondras, mais ça va ils tiennent bon. » Et Paul leur dit : « je découvre que vos cœurs sont déjà dans le Seigneur et je prie qu’il affermisse vos cœurs, les rendant irréprochables dans la sainteté. Et il les encourage : « faites de nouveaux progrès. » C’est beau : « faites de nouveaux progrès. » Cela veut dire : vous en faites depuis que je vous ai quittés, vous n’avez pas perdu, mais continuez. Continuez à faire des progrès, continuez à croire que le Seigneur est là au milieu de vous, continuez à le chercher, continuez à l’attendre, continuez à parler de lui. Faites donc de nouveaux progrès. Ils sont en attente.

Paul attendait des nouvelles d’eux, elles sont bonnes. Eux peut-être attendaient-ils des nouvelles de Paul ? Et Timothée a dû les rassurer aussi sur le grand dynamisme de Paul. Tous, eux et lui, sont en prière. Ils sont en attente d’entendre le Seigneur ; ils sont en attente de voir les résultats de sa présence dans leurs cœurs ; ils désirent que cela progresse. Eh bien, c’est ce qui se passe dans notre vie, comme dans votre vie de communauté chrétienne, on peut dire jeune : 30 ans sur les 2000 ans de l’histoire de l’Église c’est peu ! Vous étiez chrétiens avant et dans une autre église, mais votre communauté comme telle est jeune. Elle est nouvelle, et les nouvelles qu’on m’a données de vous, avant que je vienne, m’incitent à vous dire comme Paul aux chrétiens de Thessalonique : « faites de nouveaux progrès. » Cela veut dire : vous êtes sur la route, vous êtes sur un chemin d’attente du Seigneur. Vous êtes désireux que sa parole soit davantage aimée et connue dans ce quartier. Vous cherchez à rejoindre les uns et les autres, ceux que vous ne connaissez pas, ceux qui ne sont pas encore dans la communauté. Vous avez le souci des plus jeunes, vous désirez que l’Évangile leur parvienne. Et la communauté que je vois devant moi est une communauté dans laquelle il y a, vous l’avez dit au début de cette célébration, des gens de tous âges, ce qui est un bon signe.

Que le Seigneur vous entretienne donc dans l’attente de sa venue au milieu des hommes, dans l’attente de sa venue permanente dans votre cœur et dans l’attente finale de ce que nous appelons son retour. C’est l’espérance profonde, c’est le moment où toute l’humanité reconnaîtra tout simplement que la miséricorde, la bienveillance, l’amour fraternel, le respect mutuel, se gagnent à la mesure de l’amour que Dieu a pour tous. C’est cela que nous attendons ; c’est cela que vous aimez vivre dans votre communauté. Continuez et faites de nouveaux progrès.

+Laurent Ulrich, archevêque de Paris

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