Homélie de Mgr Laurent Ulrich - Messe pour l’ouverture du centenaire de l’église Saint-François d’Assise

Dimanche 22 décembre 2024 - Saint-François d’Assise (19e)

– 4e dimanche de l’Avent – Année C

- Mi 5, 1-4a ; Ps 79,2-3.15-16.18-19 ; He 10,5-10 ; Lc 1,39-45

Les lectures d’aujourd’hui sont toutes marquées de joie, de paix et d’espérance. La joie qui est déjà dite dès la première lecture tirée du Livre du prophète Michée. Il annonce la naissance d’un enfant - une naissance pour un avenir qui est lointain semble-t-il - qui rétablira la paix et la joie dans le peuple. C’est une nouvelle qui date de plusieurs siècles avant Jésus et c’est incroyable pour nous : on peut avoir l’impression que le prophète voit loin. Comment fait-il pour savoir ?

Dans la deuxième lecture, la Lettre aux Hébreux, nous entendons parler cette fois-ci du Christ lui-même, qui vient et qui est celui qui apporte la paix : son nom sera la paix, il apportera sa vie en offrande. Le Christ ne vient rien faire d’autre que la volonté de Dieu, et cette volonté est une volonté de bien, une volonté de paix, une volonté de joie, une volonté d’offrande de soi-même, un don de soi aux autres.

Et puis dans l’Évangile, cette rencontre très étonnante de Marie avec sa cousine Élisabeth. Élisabeth qui pressent, elle qui est trop âgée pour enfanter. Marie qui est trop jeune et trop frêle pour porter sur ses épaules le poids du salut du monde. Voilà qu’Élisabeth reconnaît dans cette visite la présence de Dieu à travers la naissance annoncée de Jean-Baptiste son fils et la naissance de celui qui est pour nous Jésus le Christ et le Sauveur. Elle le reconnaît comme tel : « Comment se fait-il que la mère de mon Seigneur vienne jusqu’à moi ? »
Dans les deux cas, de la première lecture et de l’Évangile, on peut se dire : comment se fait-il qu’il y ait une telle prescience ; comment peut-on découvrir les signes de Dieu dans ces enfants - le précurseur et le Christ – comment peut-on découvrir que c’est Dieu lui-même qui est là ? Et chez Michée, le prophète, cette annonce pour plus tard ? En fait, dans ces deux prophéties, d’une certaine façon, il ne faut pas penser qu’ils voient si loin que cela mais qu’ils voient profond dans le présent. Ils voient que Dieu est là et qu’on peut l’attendre pour tous les jours. La prophétie que l’on a devant nous ce n’est pas simplement une annonce un peu mystérieuse de quelqu’un qui a des visions et qui se dit : « Dieu un jour va venir, plus tard, et ce sera un enfant. » Mais ils voient dans la réalité présente, qu’ils sont en train de vivre, que Dieu est déjà là avec eux. C’est extraordinaire cette science qui est la foi !

Aujourd’hui nous entendons parler de l’espérance, de la foi et de la charité. L’espérance de découvrir Dieu chaque jour présent dans le cœur des hommes, capable de transformer ces cœurs. La foi que Dieu est là, présent dans nos propres existences, et que nous avons raison de lui faire confiance pour mener notre propre vie. Et la charité qui est issue de l’une et de l’autre, qui transforme nos cœurs dans le don que nous faisons aux autres de la part de Dieu. Voilà ce que nous vivons à travers cette visitation de Marie à Élisabeth sa cousine. Une foi qui n’oublie jamais que la confiance en Dieu est quelque chose qui se vit jour après jour, au continu. Nous ne pouvons pas penser que Dieu abandonne le monde qu’il aime et qu’il a créé. Nous ne pouvons pas penser, parce que nous sommes croyants, que nous sommes isolés dans une sorte de mer agitée. Mais il est là avec nous.

Alors cette foi que nous portons en nous-mêmes et que nous vivons jour après jour, elle nous donne d’espérer sans cesse la rencontre avec Lui, d’espérer sans cesse que nos cœurs peuvent être à l’unisson du sien, espérer sans cesse que nous pouvons toucher Dieu pratiquement.

Et puis la charité c’est aussi don de Dieu. Si nous sommes capables d’être tournés vers les autres à ce point, si nous sommes capables de nous donner tout entiers au service des autres par amour, eh bien, cet amour de charité, c’est Dieu lui-même qui l’entretient en nous.

Voilà ce que nous avons à redécouvrir sans cesse. Nous savons que le Seigneur est présent lorsque nous écoutons sa Parole chaque dimanche et pour beaucoup, de plus en plus, que nous essayons de la lire, de la méditer chaque jour. Nous savons que le Seigneur est présent lorsque nous nous rassemblons dans l’église et que nous prions ensemble, ou bien que nous prions seul. La prière est aussi ce lieu de la rencontre avec Dieu, nous le savons et nous l’entretenons nous-mêmes. Et Dieu lui-même change notre cœur dans la prière, il change notre cœur par la Parole de Dieu, il change notre cœur par la prière, il change notre cœur dans la charité que nous essayons d’exercer jour après jour auprès de tous nos frères et sœurs.

Il change notre cœur aussi à travers la vie dans les sacrements. Cette vie sacramentelle que nous vivons en ce moment à l’eucharistie, mais que nous vivons à l’occasion de tous les sacrements. Elle est cette présence de Dieu qui nous dit : « Dieu n’est pas loin, Dieu est avec toi aujourd’hui, Dieu est celui qui te permet de vivre ce que Marie et Élisabeth ont vécu lors de la Visitation, c’est-à-dire : « Comment se fait-il que la mère de mon Seigneur vienne à moi ? » Cela, nous pouvons nous le redire tous les jours. Ce que Marie et Élisabeth ont vécu l’une avec l’autre dans cette rencontre dont nous faisons mémoire aujourd’hui, qui est dans l’Évangile pour qu’elle nous habite. Cette rencontre-là, nous savons qu’il nous est donné de la faire dans la vie des sacrements. Lorsque nous recevons les sacrements nous découvrons que l’expérience que Marie et Élisabeth ont vécue à un moment donné de l’histoire c’est une expérience qui est la nôtre aujourd’hui.

Accueillons ce don qui nous est fait dans une église dont nous fêtons le presque centenaire, le début de sa construction, dans une église dont nous savons que déjà des générations avant nous sont venues chercher auprès du Seigneur la certitude qu’il est là, que nous pouvons faire confiance à sa Parole, sans cesse, que nous pouvons nourrir l’espérance de le découvrir à l’œuvre chaque jour dans notre propre vie, que nous pouvons être animés de sa propre charité pour nous mettre au service de tous.

Que le Seigneur nous ouvre à cela aujourd’hui, qu’il nous rappelle que sa présence est toujours proche, qu’il nous rappelle que l’histoire de Marie et d’Élisabeth n’est pas une histoire ancienne mais une histoire présente que, nous-mêmes, nous vivons.

+Laurent Ulrich, archevêque de Paris

Homélies

Homélies