Homélie de Mgr Laurent Ulrich - Messe à Notre-Dame
Dimanche 23 mars 2025 - Notre-Dame de Paris (4e)
– 3e dimanche de carême –Année C
- Ex 3,1-8a.10.13-15 ; Ps 102, 1-4.6-8.11 ; 1 Co 10,1-6.10-12 ; Lc 13, 1-9
Le récit de la vocation de Moïse au Buisson ardent est évidemment un classique de la littérature biblique. Ce texte nous est proposé en ce troisième dimanche de carême pour nous faire comprendre comment Dieu ne cesse de nous appeler, les uns après les autres et les uns avec les autres, à accueillir le don de son amour et de sa miséricorde. Il ne cesse de faire des signes et, quand je lis des lettres des catéchumènes, puisque c’est le moment dans l’année avant Pâques, je vois souvent que des personnes disent : « Je me rends compte aujourd’hui que le Seigneur m’avait fait des signes depuis longtemps dans ma vie. Il cherchait à m’associer à lui et je ne m’en aperçois que maintenant. » Dieu cherche donc sans cesse, patiemment, à nous rapprocher de lui et à nous faire goûter son amour et sa miséricorde pour nous sauver, pour nous faire vivre ce que, dans un langage plus courant, on pourrait appeler un sauvetage.
Mais je pense à un autre exemple : dans la vie d’aujourd’hui, on est très conscient qu’une personne malade, pour être guérie, a besoin bien sûr du diagnostic et des soins du médecin et des autres soignants, mais aussi de son grand désir et de sa volonté de guérir. De cette même façon, Dieu cherche à nous associer au désir de sortir de nos situations de péché, de nos situations de faiblesse, de nos fragilités, et de nos désirs de faire mieux quand en réalité nous ne faisons pas mieux. C’est bien ce que nous rappelle saint Paul dans la deuxième lecture que nous avons entendue. Il nous dit que Moïse avait rassemblé le peuple, et servi de relais de l’appel de Dieu. Il avait réussi à associer le peuple à son désir de le faire sortir d’esclavage d’Égypte. Mais voilà, ils sont tous passés par la mer, ils ont tous été entraînés à sortir, mais certains ont récriminé, certains n’étaient pas contents du sort que ce grand pèlerinage à la sortie de l’Égypte leur faisait vivre, ils trouvaient que c’était trop dur. Certains n’ont pas compris la démarche et n’ont pas vu que c’était Dieu qui les appelait. Ils sont passés à côté, comme on dit dans le langage courant, à côté de leur chance. À côté de la chance d’accueillir l’amour et la miséricorde de Dieu. Alors, dit l’apôtre, « leurs ossements ont été perdus dans le désert » : ils n’ont pas été vraiment sauvés ceux-là, ils n’ont pas voulu, ils n’ont pas eu le désir profond d’être associés au Seigneur.
Alors c’est là que nous entendons la parole de l’évangile. Jésus nous dit clairement, dans les deux premiers exemples qu’il prend, que ces gens qui sont morts à cause de la violence du roi Hérode, ou les autres qui sont morts accidentellement sous la chute d’une tour, tous ceux-là qui sont morts prématurément n’ont pas été punis par Dieu. Dieu ne punit pas, Dieu n’aime pas notre mort, Dieu ne veut pas se venger de nous, mais chaque circonstance de la vie, chaque moment, peut être, pour nous, un moment à saisir pour nous retourner vers le Seigneur et pour ne pas arriver au terme de notre vie sans avoir connu cette amour, sans avoir connu cette miséricorde. Voilà pourquoi Jésus raconte cette parabole du figuier que nous avons entendue. Le figuier qui ne veut pas donner du fruit, qu’il faudrait couper car voilà trois ans qu’il ne produit rien du tout, voilà trois ans qu’il n’a plus de fécondité. Et c’est le jardinier qui dit : « On va encore s’en occuper. » C’est-à-dire qu’il conseille à Dieu d’attendre encore une fois, et un peu plus, pour que, qui sait, il donne peut-être quelque chose la prochaine année ? Dieu ne cesse de mettre devant nous, comme cela, des circonstances, des événements, qui peuvent nous appeler, qui peuvent nous transformer, qui peuvent nous faire vivre avec lui et nous faire désirer son amour et sa miséricorde.
Alors, frères et sœurs, au milieu de ce carême, vous vous dites peut-être : « Je n’ai pas encore vécu vraiment ce temps de la conversion. Je n’ai pas encore fait quelque chose qui montre que j’ai envie d’être associé à Dieu pour être sauvé par son amour et sa miséricorde. » Ne désespérez pas ! Ne désespérez pas de vous-même, ne désespérez pas d’être réconcilié avec vous-même, ne désespérez pas non plus des autres !
Ne désespérez pas du chemin des autres et priez pour eux ! Priez pour vous, priez pour eux, priez pour le monde entier qui a tellement besoin de cette réconciliation, de ce bonheur, de cette joie d’être associé à la miséricorde de Dieu. Ne désespérez pas, le Seigneur veille patiemment : il vous attend, il nous attend, il nous invite sans cesse.
Lauren Ulrich, archevêque de Paris