Homélie de Mgr Laurent Ulrich - Messe à Notre-Dame à l’occasion des 25 ans de la Faculté Notre-Dame et des 40 ans du Séminaire de Paris et de la Maison Saint-Augustin
Mardi 25 mars 2025 - Notre-Dame (4e)
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– Annonciation du Seigneur
– Is 7,10-14 et 8,10 ; Ps 39, 7-11 ; He 10,4-10 ; Lc 1, 26-38
Nous venons d’entendre ce récit de l’Annonciation dans l’évangile de saint Luc, et nous nous laissons surprendre, je l’espère, à chaque fois que nous l’entendons, comme la Vierge Marie elle-même : « À cette parole Marie fut toute bouleversée et elle se demandait ce que signifiait cette salutation. »
Il y a quelques jours, dans cette cathédrale, la philosophe Laurence Devillairs commentait ce mystère en disant que la Vierge Marie était bouleversée parce qu’elle n’était pas préparée à cet événement. Puisque, bien sûr, elle était préparée dans sa foi et qu’elle était certainement dans la méditation, dans la prière, dans l’écoute de la Parole de Dieu, à quoi n’était-elle donc pas préparée ? À voir Dieu lui-même entrer chez elle, dans sa maison. Et l’évangéliste, commente encore Laurence Devillairs, insiste pour dire que c’est à un moment très concret de la vie, situé dans un temps qui est daté, le sixième mois de la grossesse de sa cousine Elisabeth. Que Dieu entre ainsi dans la vie des hommes, que Dieu puisse être si présent, a de quoi surprendre plus d’un dans le monde, et même peut-être chacun d’entre nous à certains moments de son histoire, à certains moments de sa vie plus qu’à d’autres peut-être. Et je continue de rapporter le commentaire de Laurence Devillairs, parce qu’il me paraît extrêmement suggestif et important. Elle dit : « Voilà la raison pour laquelle il n’est pas juste de penser que la religion puisse être l’opium du peuple. Au contraire, la religion - elle parle de notre foi catholique, de notre foi chrétienne - est à l’inverse de ce qui nous fait habiter le monde, ce qui nous renvoie au monde. » Lorsque nous sommes croyants à la façon de l’Évangile, nous ne pouvons pas nous fermer, nous ne pouvons pas fuir le monde dans lequel nous sommes. « Nous ne pouvons le fuir par peur, par paresse, par lâcheté, par endormissement de la conscience. » La foi dans laquelle nous baignons est au contraire une foi qui nous emmène toujours, qui doit nous emmener toujours à la rencontre de nos frères et de nos sœurs, à la rencontre des joies et des espoirs, des détresses et des angoisses, des hommes et des femmes de ce temps et de tous les temps. Nous devons être nourris de cela, et avec le sentiment que nous ne pouvons pas vivre en croyants sans être des serviteurs de ce monde en lui annonçant l’Évangile.
Voilà pourquoi il est important aujourd’hui que nous ayons associé ce mystère de l’Annonciation, première annonce de l’Évangile, aux anniversaires de ces trois institutions diocésaines importantes que sont la Maison Saint-Augustin, le Séminaire de Paris et la Faculté Notre-Dame. Parce que lorsqu’on se prépare à quelque vocation que ce soit, dans l’Église, et particulièrement à la vocation sacerdotale, on ne peut pas imaginer de le faire sans se laisser envahir par la Parole de Dieu. Ceux qui discernent une vocation, ceux qui se forment à un ministère ou à un service dans l’Église, se laissent un peu envahir par cette parole qui les habite sans cesse et à laquelle sans cesse ils se réfèrent parce qu’elle les envoie en mission, elle nous envoie en mission. Elle nous envoie auprès de nos frères et de nos sœurs, et particulièrement ceux qui sont le plus dans la détresse, la pauvreté, l’éloignement des relations, la mise à l’écart, la difficulté de trouver son chemin.
Lorsque l’on se prépare à servir dans l’Église, on sait qu’il est besoin d’une vie fraternelle, et elle s’expérimente à la Maison Saint-Augustin, elle s’expérimente au Séminaire, elle s’expérimente aussi à la Faculté. Il est besoin d’une vie priante en même temps que fraternelle. Et il est besoin, aussi, d’une vie de service, d’une vie de service des plus pauvres, des malades, qui se vit dans le temps de la formation.
La formation ecclésiastique, quelle qu’elle soit, n’est pas une formation comme une autre. Elle est bien sûr une formation qui cherche l’excellence, qui cherche à être la meilleure possible, la plus adaptée, la plus fine et la plus capable de répondre aux nécessités d’une époque, à ses connaissances, mais elle n’est pas une formation destinée à faire carrière. Elle est faite pour apprendre à discerner la présence de Dieu dans la vie la plus ordinaire et la plus quotidienne du monde et de ceux qui nous entourent. Elle est faite pour annoncer qu’il est dans le monde une parole qui fait vivre, qu’il est dans le monde une entrée de Dieu dans la vie des hommes. Il existe dans la vie des hommes cette découverte de cette présence si aimable, si proche de notre vie quotidienne.
Une formation à un ministère, à un service dans l’Église, une formation chrétienne d’une façon générale, c’est fait aussi pour apprendre la vie fraternelle, la vie de service des plus humbles, des plus pauvres et des plus oubliés. Comme la Vierge Marie, nous nous sentons bouleversés par cette présence du Seigneur, nous nous laissons envahir peu à peu par cette assurance qu’il nous donne d’être là. Nous nous laissons grandir dans la joie de le connaître et de le faire connaître, nous nous laissons transformer par la prière et par l’écoute de sa Parole pour devenir de simples serviteurs.
À la suite de Marie qui est toute bouleversée, laissons-nous transformer, laissons-nous aller à l’amour du Seigneur qui se partage tout autour de nous et qui est capable de faire, autour du monde, du monde bouleversé, du monde divisé, un filet de joie, de lumière et de fraternité.
+Laurent Ulrich, archevêque de Paris