Homélie de Mgr Laurent Ulrich - Messe de réparation et de réouverture de l’église Notre-Dame des Champs
Dimanche 7 septembre 2025 - Notre-Dame des Champs (6e)
– 23e Dimanche du Temps Ordinaire – Année C
- Sg 9, 13-18 ; Ps 89 ; Phm 9b-10.12-17 ; Lc 14, 25-33
Madame la Ministre, Monsieur le Maire du 6e arrondissement, Madame le Maire du 14e arrondissement, et vous tous, qui représentez des autorités publiques, vous avez tenu à venir dans cette église en ce jour où les paroissiens et tous les gens du quartier en retrouvent l’usage. Vous manifestez ainsi qu’il s’agit d’un signe bien visible dans la vie d’une ville, dans la vie du quartier que cette paroisse dessert. C’est important de montrer que, au-delà de ceux qui fréquentent cette église pour y célébrer le culte catholique, elle est faite pour tous, et que tous peuvent venir s’y recueillir et trouver la paix qui est nécessaire à la vie personnelle et à la vie civile. Nous sommes heureux de nous retrouver pour cela.
Nous sommes heureux aussi de nous retrouver pour redonner à cette église son sens profond, en demandant pardon pour ce qui s’y est passé, et en apprenant à pardonner pour celui ou ceux qui ont fait du mal à cette église et donc à ceux qui la fréquentent. Que le Seigneur nous soit tous en aide pour vivre dans une juste attention à Lui et à nos frères et sœurs. Que nous soyons dans une juste attention pour tous ceux qui désirent manifester dans leur vie un engagement au service des autres, pour tous ceux qui désirent vivre dans la paix et dans la joie d’une communauté qui est le signe de la paix et de la joie qui peuvent traverser toute la vie civile, toute la vie des citoyens et des frères et sœurs que nous sommes.
Nous avons entendu des textes qui, aujourd’hui, nous ouvrent le cœur de façon très belle, et nous avons, par exemple, entendu ce passage du Livre de la Sagesse, un livre ancien, qui précède de quelques dizaines d’années la venue du Seigneur Jésus : « Qui aurait connu la volonté si tu n’avais pas donné la sagesse et envoyé d’en-haut ton Esprit Saint ? » Parce que les hommes et les femmes que nous sommes, les humains, ont évidemment une conscience et un accès limité au secret de la nature, au secret de la Création, et surtout au secret du Créateur. Ce que dit ce texte de la Sagesse, c’est que sans Dieu qui a Lui-même désiré se faire connaître aux hommes, à la fois par leur intelligence, leur raison, mais aussi par le cœur et la foi, nous ne connaîtrions rien des mystères de l’existence. C’est Dieu Lui-même qui est à l’origine de cette révélation qu’il nous fait. Non pas simplement des procédés que nous connaissons scientifiquement, par lesquels la terre est la terre et l’univers dans lequel nous vivons est l’univers que nous apprenons à connaître, mais surtout d’apprendre à connaître quel est le projet de ce Dieu qui nous aime. De comprendre que c’est avec sa Sagesse, qu’il nous donne, que nous pouvons à la fois rationnellement, intelligemment, mais aussi par le cœur et la foi, comprendre ce qu’il veut pour nous. Il nous donne ce monde et il nous donne les uns aux autres pour que nous vivions dans la paix, que nous vivions dans le bonheur, que nous vivions dans la fraternité, que nous apprenions de la grandeur de sa miséricorde et du don qu’il nous fait. C’est un grand bonheur qui nous est fait de connaître le Seigneur, et de connaître ses intentions. Nous nous transmettons cela de génération en génération, et nous améliorons la connaissance du monde au fur et à mesure des générations, par l’inspection scientifique et aussi amoureuse de ce monde, et c’est grâce au Seigneur : c’est Lui qui a désiré nous le faire connaitre et nous ne pouvons pas ignorer cela, c’est une grande joie et une grande paix intérieure.
De telle sorte que, puisque nous pouvons connaître la volonté du Seigneur, nous pouvons connaître ce qui est bon à ses yeux. Nous entendons l’Évangile avec grande satisfaction parce que le Seigneur ne nous donne pas seulement l’intelligence et le cœur, mais il nous donne aussi la liberté de l’écouter, la liberté de lui répondre, la liberté de l’aimer, la liberté de le suivre. Évidemment, suivre le Seigneur, suivre le Christ sur le chemin de la vie, cela comporte des exigences, et l’évangile que nous venons d’entendre appelle cela la croix du Christ que nous accueillons comme le signe de son amour pour tous. Les exigences, c’est effectivement d’apprendre, comme il nous l’a montré, par sa vie, par ses paroles, par ses gestes, l’exigence de la miséricorde pour celui qui fait le mal, l’exigence de la fraternité pour qu’une vie soit possible entre nous, l’exigence du don de soi, parce que ce qui découle de l’amour du Christ, c’est le fait de laisser passer les autres avant nous, c’est de nous laisser grandir les uns avec les autres en ne cherchant pas à nous imposer les uns aux autres, mais à faire vivre les uns et les autres, et à grandir au milieu des uns et des autres pour la paix et pour la gloire de Dieu. Voilà la croix du Christ : ce qui l’a conduit jusqu’à la croix, c’est le désir de faire ce que je viens de dire, c’est le désir de montrer à tous et à chacun ce qu’ils ont à faire pour vivre comme Lui.
Nous apprenons, en effet, par les textes que nous avons entendus, qui étaient les textes de ce dimanche et non pas choisis pour cette circonstance particulière, que nous sommes invités à pardonner, à entrer en fraternité les uns avec les autres, et que c’est la grande loi d’amour et du don de soi, à la façon de Jésus, qui s’impose.
Alors nous comprenons, d’une façon très vive et concrète, ce que cela impose, en lisant la deuxième lecture, la plus petite lettre, le texte le plus court de l’apôtre Paul. Paul écrit à son ami Philémon, qui est pour lui non seulement un ami rencontré sur le chemin, mais de toute évidence un chrétien, un baptisé, un frère à l’intérieur de l’Église. Probablement que Paul a eu besoin de Philémon dans son ministère. Et voilà que Philémon avait un esclave, comme il était de coutume encore : dans cette époque, un homme libre avait un ou plusieurs esclaves à son service. Cet esclave, qui s’appelle Onésime, s’est probablement affronté à son maître Philémon, il est peut-être parti avec de l’argent, il n’a peut-être pas fait ce que son maître lui demandait, en tout cas il a fui, et il est allé rejoindre Paul, qui l’a retrouvé en captivité, il est allé le rejoindre et se mettre à son service. Et Paul a enseigné, catéchisé Onésime, et il l’a baptisé. Il en a donc fait un frère dans la foi, pas simplement dans l’humanité mais dans la foi, et il dit : « Je le considère, moi, comme un frère, et je te le renvoie, parce que je sais qu’il t’a fait du mal et je t’invite à lui pardonner. Et puisqu’il est un frère dans la foi, je t’invite à l’affranchir, et donc à faire de lui, comme toi, un homme libre parce que le Seigneur a voulu qu’il soit libéré par la mort et la résurrection de Jésus. » Mais Paul dit aussi : « Si tu le veux, tu le fais. Je ne t’oblige pas, je ne t’impose pas cela, mais si tu juges que tu es en communion avec moi, alors tu peux le faire, tu peux faire cela pour donner la liberté à celui qui a été ton esclave. »
Ceci est extraordinaire ! Dieu nous donne l’intelligence pour comprendre les mystères de l’univers, il nous donne le cœur et la foi pour comprendre quel est son projet sur l’humanité, un projet de bonheur et de don de soi. Mais il nous donne aussi la liberté de l’accueillir, d’écouter sa Parole, de le suivre, de se laisser convertir et de grandir dans l’amour avec Lui.
Aujourd’hui, que chacun de nous comprenne ce qu’il a à faire, puisque l’amour de Dieu révèle son projet pour nous et nous dit aussi la liberté que nous avons de l’accepter et de le faire vivre.
+Laurent Ulrich, archevêque de Paris