Homélie de Mgr Michel Aupetit - Veillée de prière pour la vie en présence des évêques de la Région Île-de-France

Saint-Sulpice (6e) - Lundi 12 avril 2021

 à huis-clos

 Jn 3, 1-8

Voilà un dialogue étonnant entre Jésus et Nicodème, ce savant versé dans les Écritures. Nicodème parle de renaître, c’est-à-dire de naître une deuxième fois. Ce qu’il comprend concerne la gestation, c’est-à-dire le retour dans le ventre de sa mère pour renaître. Or, Jésus n’a pas parlé d’une réitération mais d’une naissance d’en haut ce qui est sensiblement différent.

Nous le savons, naître veut dire apparaître au monde comme nous le disons communément : « Il est venu au monde. » Mais chacun sait que l’existence ne commence pas quand le monde nous voit mais au moment même de la conception, ce qui est connu depuis toujours et que confirme l’imagerie médicale d’aujourd’hui.

Ce que Jésus veut signifier c’est que la vie est davantage que la biologie. Bio logos veut dire une parole sur la vie. C’est une description du fonctionnement d’un être vivant mais ce n’est pas la vie. Il est important pour nous de connaître le fonctionnement d’un être vivant pour pouvoir l’accompagner, le nourrir, le soigner. Quand on parle de la vie d’un homme, nous songeons à bien autre chose qu’au fonctionnement mécanique de ses cellules. Nous songeons à tout ce qui l’a construit, aux relations qui se sont tissées, aux rencontres qui lui ont donné envie de vivre, bref à tout ce que notre esprit, habité par les sentiments heureux qui nous portent, nous permet de dire : « J’ai eu une belle vie. » Nous avons à réfléchir à ce qui est notre priorité. Est-ce une préservation du bon fonctionnement biologique qui nous donne seulement une survie ? Est-ce la qualité de nos relations interpersonnelles fondées sur l’amour qui nous permet de comprendre la valeur d’une vie humaine ? Dans la pandémie qui nous touche, nos relations se sont distanciées. Pour certains, il n’a plus été possible d’embrasser ou de serrer dans leurs bras les personnes qu’ils aimaient le plus. Certains sont morts dans une affreuse solitude sans au revoir. On nous a dit qu’il fallait préserver la vie à tout prix. Mais de quelle vie parle-t-on ? S’il s’agit de la vie biologique, elle est incontestablement le support de toute vie humaine mais ne suffit pas à faire d’une existence une vie qui vaille la peine d’être vécue.

La mort est venue rôder à nouveau. Et c’est dans ce contexte que certains parlent de liberté pour réclamer la mort. La mort exerce, en effet, une fascination. Mais la vie, elle, doit provoquer l’admiration. Quand nous parlons de la vie, nous parlons bien de ce qui nous habite au plus profond. Personne aujourd’hui n’est capable de donner une définition intégrale de la vie. Même son apparition est un mystère improbable étant donné les réglages physico-chimiques inouïs qu’il a fallu pour qu’elle émergeât.

La contemplation de la vie doit nous conduire à l’action de grâce et non au vertige mortifère.

Cependant, malgré cette reconnaissance fabuleuse, nous sentons bien que la vie déborde ses frontières naturelles et ceci depuis les temps préhistoriques. L’espérance d’une vie au-delà de la mort, d’une vie éternelle a parcouru toutes les civilisations humaines.

Quand Jésus nous parle de naissance d’en haut, il s’agit d’entrer dans une vie qui dépasse l’expression biologique pour rejoindre sa source. Sa source ? C’est l’Être par lui-même existant, Celui qui communique sa vie. Dans le livre de la Genèse, Dieu insuffle son haleine de vie, ce souffle divin qui fait de l’homme un être vivant. Mais il ne suffit pas d’exister, il faut encore entrer dans la vie. Le Christ Jésus en assumant notre humanité la fait passer de la mort à la vie, à cette vie divine qui dépasse toute expression organique. Il suffit pour chacun d’entre nous de l’accueillir et de passer avec le Christ de la mort à la vie par le baptême comme le dit saint Paul quand il écrit aux Romains : « Baptisés dans la mort du Christ, vous êtes ressuscités avec le Christ » (Rm 6,4). Oui, aujourd’hui encore, comme au temps de Moïse, Dieu nous place devant ce choix fondamental : « Je mets devant toi la vie et la mort, le bonheur et le malheur : tu choisiras la vie ! » (Dt 30,15).

+Michel Aupetit, archevêque de Paris.

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