« Il y a un véritable enjeu de fraternité entre prêtres »

Paris Notre-Dame du 20 juin 2024

Un an après sa nomination et à quelques jours des ordinations sacerdotales, le P. Paul Quinson, recteur du Séminaire de Paris, revient sur cette première année, les défis de la formation des prêtres diocésains et, surtout, la joie et l’espérance qui l’animent.

P. Paul Quinson, recteur du Séminaire de Paris
© Yannick Boschat

Paris Notre-Dame – Comment avez-vous vécu cette première année en tant que recteur du Séminaire de Paris ?

P. Paul Quinson – Ces premiers mois ont été, d’une certaine manière, une période d’atterrissage qui s’est relativement bien passée, en grande partie grâce à l’appui du conseil du Séminaire. Dans ce groupe de treize membres – dix prêtres, une femme consacrée, une mère de famille et moi-même – règnent une vraie liberté de parole, un sens profond du discernement et un soutien fraternel. J’ai pris le temps d’apprivoiser les lieux, les personnes, les procédures, le calendrier, de découvrir la réalité de ce que je savais… et de ce que je ne savais pas ! J’hérite, et c’est une grande chance, d’une très bonne atmosphère que ce soit entre formateurs comme entre séminaristes, mais aussi entre les formateurs et les séminaristes. Et j’en suis très heureux !

P. N.-D. – Quels ont été les moments marquants ?

P. Q. – Ils ont été nombreux ! Je retiendrai le pèlerinage de rentrée à Ars (Ain). Pendant deux jours, j’ai marché avec les soixante séminaristes… et j’en suis revenu en ayant appris les prénoms de chacun, l’un des objectifs que je m’étais fixé ! Ce temps gratuit pour faire connaissance, marcher et prier ensemble a permis de renforcer la cohésion et l’unité du Séminaire. Un autre temps fort a été le rassemblement des 600 séminaristes de France en décembre dernier. Cet événement national leur a permis de se rencontrer et surtout de tisser des liens, conscients que leur génération devra travailler ensemble. Prêtres, ils ne pourront plus rester chacun dans leur diocèse. Et ces relations fraternelles seront, à mon sens, déterminantes pour l’avenir de l’Église.

P. N.-D. – Quel regard portez-vous sur cette génération de séminaristes ?

P. Q. – Un point qui me frappe est combien la question du témoignage et de la joie de l’Évangile est importante pour eux. Ils sont animés d’une belle ardeur missionnaire, conscients qu’ils sont une minorité dans un monde déchristianisé. Un défi pour eux sera de savoir entretenir cette soif de la mission car l’évangélisation est une œuvre qui se joue sur le long terme. Une deuxième caractéristique concerne leur rapport à l’Église et à son enseignement qui est, à leurs yeux, une véritable boussole tant pour eux-mêmes que pour une humanité en quête de repères, ainsi que leur grand souci de communion malgré des sensibilités parfois diverses. Avec le défi de découvrir, dans cette diversité légitime, des options pastorales qui ne sont pas équivalentes et face auxquelles ils devront apprendre à se positionner. Une troisième caractéristique est leur conscience très vive que, s’ils sont un jour prêtres, ils auront à collaborer avec les laïcs. Et c’est plutôt heureux. Avec, à nouveau, un défi : celui de ne pas seulement déléguer des tâches mais de savoir confier aux laïcs de vraies responsabilités. J’irais même plus loin ; dans son exhortation apostolique Christi fideles laici, Jean-Paul II y souligne que les laïcs sont appelés à soutenir les prêtres au-delà de l’action ou du fonctionnel mais bien dans leur croissance spirituelle. Je crois que c’est là une clé pour l’avenir de l’Église : que les prêtres sachent se laisser « former » par le peuple de Dieu. Si c’est, bien entendu, l’imposition des mains de l’évêque qui fait le prêtre, le peuple de Dieu, d’une certaine façon, enfante et façonne les prêtres dans l’exercice de leur ministère.

P. N.-D. – Que pensez-vous de la crise des vocations que connaît l’Église ?

P. Q. – Je suis un éternel optimiste ! Les chiffres sont ce qu’ils sont. La question est de les assumer et surtout de chercher la réponse spirituelle la plus adaptée. Être peu nombreux n’est pas un problème en soi ; Jésus avait lui-même choisi seulement douze apôtres, ce n’était pas beaucoup ! On m’a récemment demandé s’il était encore raisonnable, dans le contexte actuel, de devenir prêtre. La question est, en réalité, de savoir si l’Évangile a encore quelque chose à dire à nos contemporains. La réponse est évidemment oui ! Je crois que l’avenir de l’Église se trouvera dans de petites communautés très fraternelles où prêtres et laïcs, bien situés les uns par rapport aux autres, auront de la joie à travailler ensemble et à annoncer l’Évangile à des gens qui ne le connaissent plus. Nous devons, pour cela, sortir de nos paradigmes et entrer dans de nouvelles façons de penser. Nul besoin de concevoir des actions immenses ; au contraire, ce sont les réalités modestes qui porteront du fruit. Et, surtout, faisons confiance, de nombreuses initiatives germent actuellement en France. À nous de trouver la manière de les entretenir pour les voir fructifier.

P. N.-D. – Quels chantiers souhaitez-vous engager ?

P. Q. – En septembre 2025, le Séminaire de Paris célébrera ses 40 ans. J’ai lancé, avec l’accord de Mgr Laurent Ulrich, archevêque de Paris, un groupe mixte de formateurs du Séminaire et d’enseignants, pour faire l’inventaire de ces quarante années de pratique. Que faisons-nous à Paris ? Pourquoi le faisons-nous ainsi ? Quel est notre trésor ? Sur quel socle nous appuyer pour initier un nouvel élan quarante ans après celui du cardinal Lustiger ? J’espère remettre à notre archevêque le fruit de nos travaux au début de l’année 2025 pour que la rentrée du Séminaire, en septembre, puisse être l’occasion de vivre un nouvel élan que je souhaite profitable, plus largement, à la pastorale des vocations. Pour ce qui est de la formation, il y a des murs porteurs incontournables : l’étude de la philosophie, de la théologie et de la Bible, la vie fraternelle, la prière et l’eucharistie. Mais sans doute faudrait-il être plus attentif aux questions de gouvernance qui ne sont pas suffisamment abordées, alors même que le gouvernement fait partie – avec la sanctification et l’enseignement – des trois munera [fonctions] traditionnelles du prêtre. Cette question est souvent réduite à des considérations logistiques alors que, dans l’Église, il s’agit avant tout de la conduite pastorale d’une communauté. Il me semble que le temps du séminaire pourrait inclure une première sensibilisation à ces questions de gouvernance. L’attente des laïcs sur ce point est réelle et légitime. Nos communautés chrétiennes doivent devenir les plus saines possibles sur ce sujet pour rayonner. Il en va de leur fécondité.

P. N.-D. – Dans quel état d’esprit êtes-vous à quelques jours des ordinations ?

P. Q. – C’est assez impressionnant d’être associé de près à ce cursus de formation et de le voir aboutir. Moi qui suis si sensible à l’importance de la fraternité sacerdotale, je suis habité d’une grande joie à l’idée d’accueillir de nouveaux frères dans le presbyterium de Paris. Il y a un véritable enjeu de fraternité entre prêtres, c’est une clé pour l’avenir de l’Église. Il nous faut retrouver une fraternité simple et joyeuse, non seulement pour nous-mêmes mais aussi pour la mission.

Propos recueillis par Mathilde Rambaud

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