Interventions du 2e module de formation : “Réflexion autour de nos engagements auprès des personnes isolées, démunies ou mal logées et les migrants”
Environ 350 personnes ont participé au 2e module de formation “Paroisses en Mission - Éthique et Solidarité” sur le thème “Réflexion autour de nos engagements auprès des personnes isolées, démunies ou mal logées et les migrants” à la paroisse Saint-Vincent de Paul (10e) le samedi 14 janvier 2011.
– Lire l’article de Paris Notre-Dame
Intervention du P. Matthieu Villemot
Les Stigmates
I. Introduction :
« Éthique et solidarité », les deux mots choisis comme thème de cette année pastorale, ne sont pas spécifiquement catholiques. Les catholiques ne sont heureusement pas les seuls à vouloir vivre de manière éthique et solidaire, et les catholiques ne vaincront pas les drames liés à l’immigration ou à la crise immobilière sans s’allier aux hommes de bonne volonté. Ceci étant, nos derniers papes et cardinaux ont répété que les catholiques participeront au mieux à l’effort général en vivant leur spécificité, non en en cherchant à se fondre dans un discours passe-partout. Le cœur de notre vocation catholique est l’annonce de la résurrection des corps. Nous sommes parfois tentés d’opposer l’action solidaire aujourd’hui et l’espérance en la résurrection demain. À certaines époques, on délaissait l’action sociale pour annoncer l’avenir radieux de la résurrection sensé tout réparer. C’est « l’opium du peuple » dénoncé par Marx [1] : « souffrez en paix, demain Dieu vous sauvera ». Aujourd’hui, on risque plus d’oublier la bonne nouvelle de la résurrection à force d’avoir « le nez dans le guidon » de l’action sociale immédiate, comme si le catholique était simplement un homme plus déterminé qu’un autre à faire avancer le progrès social. Au contraire, Benoit XVI, dans son encyclique sur l’espérance, nous invite à annoncer ensemble l’espérance finale de la résurrection et l’espérance d’aujourd’hui [2] comme par exemple une intégration juste et sereine des immigrés. Les deux espérances doivent être tenues ensemble. En contemplant la résurrection, nous sommes plus forts pour agir aujourd’hui ; en agissant auprès des défavorisés, nous vivons la résurrection. Parce que chaque jour nous rapproche de la victoire finale, nous avons moins peur des obstacles d’aujourd’hui. Parce que nous vivons la charité aujourd’hui, nous savons que notre espérance finale n’est pas vide. Nous allons aussi voir que l’espérance de la résurrection manifeste au frère blessé sa dignité transcendante toujours intacte et le rend plus apte à saisir les occasions d’aujourd’hui. La Bible y insiste souvent.
Unir notre action d’aujourd’hui et notre foi en la résurrection met au centre de la question le corps. La charité affirme la dignité du corps pauvre et blessé. Nous allons l’illustrer en contemplant dans l’évangile de Jean l’apparition du Christ stigmatisé à Thomas. Cet évangile révèle que le corps ressuscité n’est pas exempt de pauvreté, il porte sa pauvreté, en son sens le plus fort, et la glorifie. Dans l’exercice de la solidarité, devant un SDF défiguré par la misère, nous vivons l’épreuve de Thomas : il nous est demandé d’oser voir la résurrection à l’œuvre en ce corps jusque dans sa misère. Notre rencontre du pauvre améliore souvent moins sa situation matérielle qu’on ne le voudrait, mais elle lui rend la conscience de sa dignité : il n’est pas un rebut. Il est jusque dans son corps blessé ce signe que Jésus ressuscité nous place sous les yeux en nous intimant cet ordre : « vois, touche, lance ta main et croie ». Nous devons contempler le pauvre pour le servir au mieux et lui annoncer sa dignité qui déjà le libère. Ce qui nous renvoie à notre propre pauvreté. Souvent, nous pensons que pour servir le pauvre, il faut soi-même être ultra performant. En équipe de bénévoles, nous avons du mal à accepter la faiblesse des autres membres. Jésus nous montre nos faiblesses comme le lieu où la résurrection, déjà, opère en nous. Nous pouvons alors nous réconcilier les uns avec les autres et chacun avec soi-même, en découvrant que la charité s’adresse d’abord à notre propre corps dans sa faiblesse. La solidarité avec le pauvre s’enracine alors dans l’être et plus seulement dans l’agir.
D’abord nous lirons ce texte afin d’entendre l’appel à devenir des disciples de la résurrection en Église, puis nous en tirerons des pistes concrètes pour notre solidarité. Nous finirons par cette réconciliation avec nous-mêmes. Ma lecture de ce texte de l’évangile est intégralement façonnée par mon père et maître saint Augustin.
II. Texte :
1. Évangile :
Le soir, ce même jour, le premier de la semaine, et les portes étant closes, là où se trouvaient les disciples, par peur des Juifs, Jésus vint et se tint au milieu et il leur dit : « Paix à vous ! » Ayant dit cela, il leur montra ses mains et son côté. Les disciples furent remplis de joie à la vue du Seigneur. Il leur dit alors, de nouveau : « Paix à vous ! Comme le Père m’a envoyé, moi aussi je vous envoie. » Ayant dit cela, il souffla sur eux et leur dit : « Recevez l’Esprit Saint. Ceux à qui vous remettrez les péchés, ils leur seront remis ; ceux à qui vous les retiendrez, ils leur seront retenus. » Or Thomas, l’un des Douze, appelé Didyme, n’était pas avec eux, lorsque vint Jésus. Les autres disciples lui dirent donc : « Nous avons vu le Seigneur ! » Mais il leur dit : « Si je ne vois pas dans ses mains la marque des clous, si je ne mets pas mon doigt dans la marque des clous, et si je ne mets pas ma main dans son côté, je ne croirai pas. » Huit jours après, ses disciples étaient de nouveau à l’intérieur et Thomas avec eux. Jésus vient, les portes étant closes, et il se tint au milieu et dit : « Paix à vous. » Puis il dit à Thomas : « Porte ton doigt ici : voici mes mains ; avance ta main et mets-la dans mon côté, et ne deviens pas incrédule, mais croyant. » Thomas lui répondit : « Mon Seigneur et mon Dieu ! » Jésus lui dit : « Parce que tu me vois, tu crois. Heureux ceux qui n’ont pas vu et qui ont cru » [3].
2. Saint Augustin :
« Thomas n’était-il pas un homme ? Un des disciples, un homme de la foule pour ainsi dire ? Ses frères lui disaient : « Nous avons vu le Seigneur ». Et lui : « Si je ne touche pas, si je ne mets pas mon doigt dans son côté, je ne croirai pas. » Les évangélistes t’apportent la Nouvelle et tu ne crois pas ? Le monde a cru et le disciple n’a pas cru ? On a dit à leur sujet : « Le son de leur voix s’est répandu dans la terre entière et jusqu’aux confins du monde leurs paroles. » Leurs paroles se sont répandues, elles sont parvenues jusqu’aux confins du monde, le monde tout entier a cru ; tous ensemble les disciples portent la nouvelle à un seul et lui ne croit pas. Ce n’était pas encore ce Jour qu’a fait le Seigneur. Les ténèbres étaient encore sur l’abîme ; dans les profondeurs du cœur humain, ténèbres. Qu’il vienne, que vienne ce point du jour et qu’il dise, avec patience, avec douceur, sans colère, en médecin qu’il est : « Viens. Viens, touche ceci et crois. Tu as déclaré : “Si je ne touche pas, si je ne mets pas mon doigt, je ne croirai pas”. Viens, touche, mets ton doigt et ne sois plus incrédule mais fidèle. Viens, mets ton doigt. Je connaissais tes blessures, j’ai gardé pour toi ma cicatrice ». Mais en approchant sa main, il peut pleinement compléter sa foi. Quelle est en effet la plénitude de la foi ? De ne pas croire que le Christ est seulement homme, de ne pas croire non plus que le Christ est seulement Dieu, mais homme et Dieu. Telle est la plénitude de la foi, car « la Parole s’est faite chair et elle a habité parmi nous. » Ainsi le disciple auquel son sauveur donnait à toucher les membres de son corps et ses cicatrices... Mais dès qu’il a touché, il s’écrie : « Mon Seigneur et mon Dieu. » Il a touché l’homme, il a reconnu Dieu. Il a touché la chair, il s’est tourné vers la Parole, car « la Parole s’est faite chair et elle a habité parmi nous ».
La Parole a souffert que sa chair soit suspendue au bois,
La Parole a souffert que des clous soient fixés dans sa chair
La Parole a souffert que sa chair soit transpercée par la lance,
La Parole a souffert que sa chair soit mise au tombeau, la Parole a ressuscité sa chair, l’a tendue aux regards de ses disciples, s’est prêtée à être pressée de leurs mains.
Ils touchent, ils crient : Mon Seigneur et mon Dieu.
Voilà le Jour qu’a fait le Seigneur [4] ».
III. Commentaire :
1. Introduction :
Nous allons d’abord montrer comment ce texte appelle à la foi, puis nous soulignerons son caractère très corporel en nous attardant sur le sens des stigmates avant de montrer que Thomas a nécessairement touché les stigmates.
2. Vivre la Foi et la Charité en Église :
Les textes de la résurrection invitent à la foi. Osons-nous croire que Jésus est vraiment ressuscité dans son corps ? Cette foi passe par le témoignage de l’Église. Nous devons croire sur le témoignage des apôtres continué par celui de l’Église. La foi est une communion de cœur avec l’Église. C’est ce point précis, croire dans le témoignage des apôtres, que Thomas n’a pas accepté. Jésus apparaît à ses onze apôtres pour leur donner le pouvoir de pardonner les péchés. La résurrection est victoire sur la mort, donc aussi sur la mort spirituelle qu’est le péché. Le pouvoir des apôtres dans l’Église est un pouvoir de miséricorde. Laquelle comporte toujours la solidarité.
Le texte a une intention eucharistique : Il a été écrit par des communautés qui vivaient l’eucharistie et qui en vivant l’eucharistie ont médité le souvenir des apparitions du Ressuscité. En sens inverse le texte nous dit ce que nous vivons à chaque eucharistie où nous célébrons la Résurrection. Le texte commence le jour de Pâques et insiste sur le fait que c’est « le premier jour de la semaine ». La seconde rencontre avec le ressuscité a lieu « huit jours plus tard », donc aussi le premier jour de la semaine. Chaque messe réactualise la rencontre avec le ressuscité au sein de la communauté. En sens inverse, les évangiles ont été écrits du sein des communautés chrétiennes qui se rassemblaient pour rompre le pain et vivre la communion fraternelle [5]. Cette vie eucharistique les a aidés à méditer les événements de leur vie avec le Christ. Cela est valable aussi pour la charité fraternelle. La communauté chrétienne où Jean a écrit ce texte est pauvre et persécutée. Elle découvre chaque jour combien le frère blessé est une icône du ressuscité. Symétriquement, le souvenir des apparitions du ressuscité transmis par les apôtres aide cette communauté à servir les pauvres avec ardeur. Aujourd’hui, au sein de l’Église, nous vivons de la foi en la résurrection en servant ceux qui sont stigmatisés. Notre participation à l’eucharistie et notre charité se renforcent mutuellement. C’était notre première année de « Paroisses en mission : Eucharistie et Mission ». Vivre la solidarité suppose de laisser l’esprit du Christ nous construire en disciples de la résurrection par l’eucharistie et la miséricorde.
3. Le Corps blessé au Centre :
Venons-en au corps du Christ. Le corps ressuscité est le même que le corps terrestre, mais dans un autre état. Il ne souffre plus, n’est plus astreint aux misères de notre situation actuelle. L’évangile nous laisse avec ce paradoxe : le corps ressuscité est à la fois le même que celui qui est sorti du sein de la Vierge à Noël, que celui qu’on a vu se promener à Nazareth ; mais il est dans un autre état. Dans la Tradition de l’Église certains auteurs même parmi les saints insistent sur un aspect (ce sera le même corps) ou l’autre (il sera dans un autre état). Saint Augustin nous invite à laisser Dieu faire son travail et à ne pas trop vite dogmatiser ce que nous pensons de la résurrection [6]. Mais lui-même a consacré des livres entiers à y réfléchir. Pour ma part, depuis que j’ai l’honneur de servir les pauvres à l’hôpital Saint-Louis je vois que j’avance de plus en plus dans l’affirmation que le corps ressuscité sera véritablement et matériellement ce corps-ci que vous voyez aujourd’hui. J’attends impatiemment au jugement dernier de poser mes lèvres sur les lèvres ouvertes du cœur du Christ comme le propose la tradition du Sacré-Cœur à laquelle j’appartiens. Les récits de la résurrection sont extrêmement corporels. Il est question d’étreindre, de palper, de manger et de toucher :
« Et elles de s’approcher et d’étreindre ses pieds en se prosternant devant lui » [7]. « Voyez mes mains et mes pieds, c’est bien moi. Palpez-moi et rendez vous compte qu’un esprit n’a ni chair ni os comme vous voyez que j’en ai ». « Ils lui présentèrent un morceau de poisson grillé. Il le prit et le mangea devant eux » [8].
Notre passage ne fait pas exception. Jésus souffle l’Esprit sur les onze. Il ne prie pas pour que le Père l’envoie, comme il l’a fait avant sa mort [9], il le souffle. Alors que dans le récit que Luc fait de la Pentecôte, l’Esprit vient du ciel dans une théophanie extraordinaire [10], ici l’Esprit est donné par le corps du ressuscité dans un geste matériel.
4. Sens des Stigmates :
Il y a bien sûr le signe abyssal des stigmates. Jésus arbore ses stigmates pour se faire reconnaître. C’est bien lui, on ne l’a pas remplacé par un sosie. Il est ressuscité dans sa chair, pas réincarné dans une autre chair. Ce corps porte les traces de son histoire. La résurrection n’annule pas nos histoires, elle les assume. Notre vie d’aujourd’hui consiste à dessiner le Royaume de Dieu de demain. Jésus se fait reconnaître comme sauveur. Ressuscité, son corps est toujours ouvert. Ce corps est le nouveau temple, à jamais ouvert à tous d’où coule le fleuve de vie annoncé par Ezéchiel [11] ; l’Esprit en coule encore à flots du cœur ouvert de Jésus comme Jean l’a vu sur la croix [12]. Un psaume se réjouissait de voir l’hirondelle nicher dans une fente du mur du temple et le psalmiste se plaignait de ne pouvoir faire de même [13]. La vie chrétienne consiste à vivre en « christicoles » comme on dit d’un oiseau qui vit dans les arbres qu’il est arboricole. Notre rapport au Christ ne peut pas être seulement doctrinal, il doit être d’une folle intimité. Le corps du Ressuscité est un corps ouvert. L’Église, corps du Christ, est un corps ouvert, y compris ouverte aux incroyants puisque Thomas, quand il doit y jeter la main, de l’aveu du Christ est un incrédule. Ce passage de l’évangile est le seul qui donne des détails de la physionomie de Jésus. Et quels détails ! On ne nous dit pas, comme pour David [14] : « Il était roux, il avait de beaux yeux, et une belle tournure » [15]. L’évangile mentionne un détail prosaïque du corps du Christ, presque obscène : les plaies. Les plaies sont le seul détail de la physionomie du Christ que nous donne le Nouveau Testament et ça nous est mentionné après la résurrection. Ces plaies n’avaient pas été décrites lors de la crucifixion, sauf la plaie du cœur dans le seul évangile de Jean. Il faut attendre la résurrection pour que nous soit montrée dans sa brutalité la pauvreté du corps du Christ. Devant les plaies, Thomas célèbre la proclamation la plus claire, la plus ferme de la divinité du Christ : « mon Seigneur et mon Dieu ». Thomas adore Dieu devant un corps blessé. Il faut la résurrection pour comprendre pleinement et la divinité mais aussi l’humanité du Christ. Il faut la lumière de la résurrection pour contempler la pauvreté corporelle humaine. Il nous faut adorer les stigmates pour êtres solidaires jusqu’au bout des corps blessés.
Saint Augustin s’émerveille de voir le Christ étreindre nos pauvretés jusque dans sa Gloire. Il n’a souffert que pour un temps durant sa vie terrestre mais il porte éternellement la mémoire de nos souffrances. Le mot « stigmates » n’est pas dans l’évangile. Il a été appliqué à ce texte par les franciscains au 15ème siècle. Les stigmates étaient les marques infâmantes que les romains marquaient au fer rouge sur les esclaves. Par ce mot, la tradition affirme que Jésus qui toute sa vie a voulu être esclave et non pas maître ne ressuscite pas en empereur imposant, mais toujours en serviteur. La résurrection ne fuit pas notre petitesse, elle la Glorifie. Jésus emporte avec lui dans la Gloire du Père toutes nos souffrances ; ce qui hélas ne les supprime pas mais déjà les transfigure. Ce qui aujourd’hui est souffrance et honte sera dans la gloire signe de victoire. Voilà pourquoi Thomas s’écrie : « mon Seigneur et mon Dieu ».
5. Thomas a-t-il touché ?
Ce qui nous amène à un des points nodaux du texte : Thomas a-t-il touché ? Il y a deux traditions : il qui dit oui, une qui dit non. L’évangile ne précise pas si Thomas a effectivement touché ou non. Sur ce point, saint Augustin a hésité. Dans ses homélies sur saint Jean, Augustin adopte une interprétation fréquente aujourd’hui : Thomas s’est converti, il a cru en la résurrection, donc il a compris que sa demande de toucher le Christ était impie, en conséquence il y a renoncé [16]. Nous en avons un signe dans l’évangile : Marie-Madeleine a eu la tentation de saisir le ressuscité, c’est un manque de foi. Jésus lui a dit : « ne me touche pas » [17]. Donc la demande de toucher est scandaleuse. Mais dans le texte que vous avez reçu, saint Augustin prêche que Thomas a nécessairement touché le ressuscité, il en fait la condition de la foi. Il fallait que Thomas ait touché le Ressuscité pour croire. Il l’appuie sur la charité du Christ : il faut que nous puissions toucher la miséricorde avec laquelle le ressuscité a pris sur lui notre misère y compris dans la résurrection. Un des premiers arguments pour dire que Thomas a touché est que nos sacrements aujourd’hui qui nous unissent au corps du Christ comportent tous le toucher. Dans la vie de l’Église, voyons combien les sacrements sont corporels. Un adulte convaincu que Jésus est son sauveur a reçu une belle grâce mais n’est pas chrétien ; un nourrisson qui ne se réveille pas pendant qu’on lui verse de l’eau sur le front avec « je te baptise » est chrétien. C’est l’argument le plus décisif pour notre méditation ce matin : ordonner à Thomas de le toucher permet à Jésus de manifester que la compassion de Jésus pour notre pauvreté corporelle. Il faut que Thomas ait touché les stigmates pour que notre charité soit annonce de la Résurrection.
Plusieurs autres éléments amènent à penser que le contact a eu lieu. Il y a ce témoignage du même saint Jean dans sa première épître :
« Ce qui était dès le commencement, ce que nous avons entendu, ce que nous avons vu de nos yeux, ce que nous avons contemplé et que nos mains ont touché du Verbe de vie, (…) ce que nous avons vu et entendu, nous vous l’annonçons à vous aussi afin que vous aussi vous soyez en communion avec nous » [18].
Or, la scène des stigmates est le seul lieu où les apôtres et saint Jean ont pu toucher le Ressuscité. Jésus reproche à Thomas d’avoir voulu voir, mais pas d’avoir voulu toucher. Jésus donne à Thomas un ordre direct, très solennel, redoublé par rapport à la demande de Thomas : « avance et enfonce », « jette ta main ». Si Thomas avait désobéi à un ordre si clair, Jésus le féliciterait-il d’enfin croire ? Enfin, le parallèle en Luc est intéressant :
« Comme ils parlaient ainsi, Jésus fut présent au milieu d’eux et il leur dit : “La paix soit avec vous”. Effrayés et remplis de crainte, ils pensaient voir un esprit. Et il leur dit : “(…) Regardez mes mains et mes pieds : c’est bien moi. Palpez-moi, regardez ; un esprit n’a ni chair, ni os, comme vous voyez que j’en ai”. À ces mots, il leur montra ses mains et ses pieds. Comme, sous l’effet de la joie, ils restaient encore incrédules (…) il leur dit : “Avez-vous ici de quoi manger” ? Ils lui offrirent un morceau de poisson grillé. Il le prit et mangea sous leurs yeux » [19].
Chez Saint Jean on a l’impression que la demande de toucher de Thomas est au moins indiscrète. Chez Saint Luc, Jésus exige que ses apôtres le touchent mais eux n’osent pas, l’obligeant à manger devant eux pour manifester sa corporalité. Ingérer, c’est la manière la plus radicale de toucher. Ainsi, l’exigence de Marie-Madeleine de toucher est présentée comme manque de foi, mais en saint Luc le refus de toucher est un manque de foi. Il y a là un paradoxe : Jésus à la fois veut et ne veut pas que nous le touchions. Le toucher peut prendre deux sens inverses : maitriser ou caresser. Ce peut être saisir pour enfermer, ou bien se laisser saisir. Ce peut être la manière dont j’empoigne mon outil pour en faire strictement ce que je veux, y compris les casser mais la femme se donne à l’homme qu’elle aime. Toucher se peut être la manière dont l’esclavagiste empoigne l’esclave, l’enfant se jette dans les bras de maman. Marie-Madeleine étreint le Christ qui va lui répondre « je dois monter vers mon Père et votre Père » pour se l’approprier. Jésus demande à Thomas qu’il se jette en lui. Jésus interdit que nous l’enfermions, la résurrection brise les portes et les chaînes. Mais Jésus a exigé que nous demeurions en lui comme lui dans le Père, que nous soyons greffés sur lui comme les sarments sur la vigne [20], il a comparé son mystère pascal à un accouchement [21]. Au lieu d’enfermer le corps du ressuscité, il nous faut nous jeter en lui. En ce second sens, toucher le ressuscité est constitutif de la foi.
6. Synthèse :
Ainsi, l’évangile des stigmates nous dit que la communauté chrétienne aujourd’hui, quand elle se réunit pour vivre l’eucharistie, rencontre réellement le stigmatisé. Elle doit croire que la résurrection glorifie sans la nier notre pauvreté corporelle. Elle le vit grâce à la miséricorde du Christ. Si toucher le ressuscité au sens de l’écraser dans notre étreinte, le tenir dans la main comme un outil, est contraire la foi, la vie de la communauté chrétienne consiste à accepter d’être dans le cœur de Jésus comme l’enfant dans le sein de sa mère. Cette foi en la résurrection célébrée à l’eucharistie est la source de toute solidarité chrétienne.
IV. Notes sur la Solidarité :
1. Introduction :
Comment ce signe des stigmates éclaire-t-il notre solidarité ? Comment cet Évangile peut-il éclairer notre solidarité ? Il nous faut passer par l’épreuve de saint Thomas ; nous devons nous jeter dans le cœur ouvert de Jésus-Christ ressuscité. Nous le faisons par l’exercice de la charité fraternelle. Mais nous ne bénéficions pas, nous, d’une apparition. Où et quand pouvons-nous faire cette expérience ? Je vais proposer quelques pistes. D’abord comment le signe des stigmates bouleverse notre regard sur le corps du frère blessé, puis comment la miséricorde qui coule du cœur ouvert de Jésus nous bouleverse nous.
2. Pistes :
Nous ne devons pas chercher à saisir le pauvre, à l’enfermer, pas même dans nos méthodes pastorales. Il nous faut laisser le pauvre être libre, même quand sa liberté nous choque. C’est une de nos épreuves : les gens refusent l’aide que nous leur offrons sincèrement. À travers eux, Jésus nous dit : « ne me touche pas ». La chasteté du serviteur des pauvres consiste à respecter cette liberté. Mais nous devons nous laisser toucher par les pauvres. Nous devons laisser le pauvre nous bouleverser, nous transformer en profondeur.
En saint Matthieu, Jésus disait : « Ce que vous faites au plus petit d’entre mes frères, c’est à moi que vous le faites » [22]. Jean nous dit la même chose ici. Nous sommes invités à voir dans le pauvre la présence réelle du ressuscité devant nous au même titre que l’hostie consacrée. Devant le frère blessé, nous ne devons pas nous identifier au Sauveur qui apporte la grâce à l’homme, nous devons découvrir le Christ dans celui que nous voulons secourir. Le corps brisé qui est là devant nous est appelé à la résurrection. Ce corps (celui de l’immigré par exemple) peut être contraire à nos préjugés racistes ou à nos canons de beauté, mais ce corps ressuscitera identique. Ce qui veut dire que Jésus veut nous offrir la grâce de découvrir que tout corps humain aujourd’hui est splendide. Saint Augustin affirme qu’il désire que les corps ressuscités portent leurs cicatrices dont nous verrons la dignité [23]. Il définissait la chasteté par le fait de rendre grâce au créateur pour la splendeur des corps humains et de tout corps humain. Si le pauvre devant moi est signe du ressuscité, alors ses blessures sont déjà habitées par la Gloire. L’homme est un animal rationnel et spirituel. Il n’a pas seulement besoin de pain et d’eau, que se souffrances s’atténuent, mais il a aussi besoin qu’elles aient un sens. Nous avons tous rencontré des hommes et femmes qui trouvent au cœur de leurs blessures des réserves inattendues pour réaffirmer leur attachement aux valeurs qui les font vivre. Cette transcendance de l’homme à travers ses blessures permet d’espérer envers et contre tout. Nous devons lutter concrètement contre toute pauvreté mais cela ne suffit pas. Il nous faut aussi annoncer au pauvre que sa blessure aujourd’hui déjà est le signe de la résurrection, la porte ouverte sur de l’amour de Dieu. Elle dessine le Royaume déjà la figure finale du Royaume de Dieu, comme les contractions de la mère qui accouchent dessinent l’enfant qui va naitre. Nous devons trouver l’attitude, les gestes, sans doute plus encore que les paroles, qui fassent que dans le miroir de nos yeux, le pauvre voie sa Gloire. Affermi dans l’espérance finale, il est alors apte à affronter ses obstacles d’aujourd’hui et davantage libre pour saisir les occasions qui se présentent.
Nous insistons sur la nécessité d’actions concrètes pour la solidarité : nourrir, loger, vêtir. C’est nécessaire. « Montre-moi ta foi qui n’agit pas », disait saint Jacques [24]. Cela ne suffit pas, et ce peut être aliénant pour le frère blessé. Avoir besoin de la solidarité d’autrui est une humiliation qui mène à douter de sa dignité humaine. Nous insistons souvent pour prier avant d’aller auprès des pauvres, c’est une bonne chose. Mais il faut aller plus loin : Le pauvre ne doit pas seulement être l’objet de nos actes solidaires, il doit être un objet de foi. Je crois que ce corps, là, devant moi, rend présente la Résurrection. Il faut contempler le pauvre comme Thomas a contemplé le ressuscité. Notre rencontre du corps blessé doit devenir contemplation comme notre présence devant l’hostie consacrée. Seule la foi vécue en esprit de prière nous dit qui est cet homme devant moi : « j’étais malade et vous m’avez visité » [25]. Cela ouvre les réponses à deux questions : que faire quand on sait qu’on ne pourra rien faire ? Vous êtes à l’accueil et quelqu’un vient vous demander un logement : vous n’avez pas de réponse. Donc il va falloir mettre cet homme à la porte. Si déjà dans vos yeux il a vu sa gloire, si en ressortant il n’a toujours pas de logement, mais a vu sa dignité, alors vous avez le droit sans blessure pour vous et avec le minimum de blessure pour lui de lui dire « je ne peux rien pour ton cas ». « De l’or et de l’argent je n’en ai pas » dire Pierre au paralytique, « ce que j’ai, je te le donne », et il lui donne le nom du Christ [26].
Contempler le pauvre dans sa gloire, nous arme aussi mieux à voir justement ses faiblesses. Il y a eu une question très complexe sur les problèmes d’affectivité des handicapés. Un des problèmes de société dont on risque d’entendre parler aux élections d’ailleurs. Je ne clos pas la question, mais regarder un handicapé, ce n’est pas faire comme si la morale familiale ne s’appliquait pas à son cas, comme si lui pouvait faire ce qu’il veut. Si je sais lui rendre sa dignité d’homme, je sais lui annoncer la loi, y compris la loi en matière de morale familiale, comme à n’importe quel autre. Ce n’est pas le tour de passe-passe qui résoudra tout, mais c’est la condition de possibilité pour que la suite se passe le plus sereinement possible. Seule la foi vécue en esprit de prière nous dit qui est finalement cet homme devant moi. « J’étais malade et vous m’avez visité ».
3. Être stigmatisé :
Il me reste un point à proposer à votre méditation, le plus crucifiant. Le travail de solidarité se fait en équipe. La charité dans la vie d’équipe permet la solidarité envers le frère pauvre. Mais la vie d’équipe est difficile. Les relations entre bénévoles sont complexes, parfois elles deviennent douloureuses. Les bénévoles ne se sont pas choisis. Ils sont eux aussi pauvres. Nous disons ce matin qu’il nous faut voir la Résurrection à travers les stigmates. Non pas seulement les stigmates des pauvres que nous voulons servir, mais les stigmates des autres bénévoles. C’est plus difficile et c’est le plus fructueux.
Nous vivons à une époque de performances écrasantes. En tous les domaines il faut être plus rapides, plus productifs, couter moins cher, polluer moins et en gardant le sourire. Cette dictature est entrée dans notre charité. Pour aller vivre la solidarité avec les plus blessés, nous rêvons d’être des surhommes. Nous regardons nos faiblesses, et celle des autres bénévoles, comme des fautes. Elles portent spécialement sur le corps de l’autre. Nous exigeons du bénévole qu’il soit toujours en pleine forme, parfaitement heureux et le montre par une mine réjouie. Autrement dit nous demandons du bénévole qu’il soit tout sauf un stigmatisé. Cette attitude peut parfois s’opposer à la charité en équipe. Malheur au bénévole qui vient rejoindre son association avec sa tête des mauvais jours. J’ai vu des cas où il est purement et simplement lynché. Cette attitude peut tuer une vocation d’apôtre, elle peut aggraver dangereusement une dépression, elle peut anéantir une équipe, et elle aliène le pauvre vers qui nous allons. Si j’arrive devant un homme blessé en affichant orgueilleusement ma supériorité de surhomme, je l’enfonce dans sa honte et je le laisse croire que lui est inapte à la charité puisque seuls des surhommes peuvent vivre la solidarité. En montrant sa Gloire à travers ses plaies, Jésus nous appelle à porter nos propres blessures physiques psychiques, morales, spirituelles. Ce qui nous protège de notre sentiment de culpabilité devant celui qui n’a pas notre chance. Jésus pouvait envoyer ses archanges s’occuper de solidarité, mais il envoie des hommes de chair pécheurs comme ses apôtres. Si Jésus, le sauveur ressuscité, est stigmatisé, comment penser que seuls des hommes parfaits peuvent être ses apôtres ? Cela ouvre une réponse à une autre question : la culpabilité que nous avons à servir un pauvre, par exemple à accueillir un demandeur d’asile chez soi. Si c’est dans le 120 m² de tel paroissien richissime, ce dernier va nécessairement passer par cette honte. Il faudra qu’il apprenne à découvrir sa propre blessure pour accueillir cet Afghan en frère blessé et non pas en richissime occidental qui daigne donner quelques miettes à un Afghan. Cela ouvre à la réconciliation entre bénévoles.
Ces conflits entre apôtres, saint Jean les annonçait. Thomas ne doute pas lors de la rencontre du ressuscité, mais lors de la rencontre avec ses frères apôtres. Thomas n’arrive pas à croire dans le témoignage d’apôtres aussi pauvres et aussi apeurés que lui. Du coup, il s’oppose aux autres avec virulence. L’évangile des stigmates raconte le premier schisme de l’histoire de l’Église : pendant huit jours, enfermés chez eux dans la peur, les apôtres sont opposés à dix contre un. La division a lieu au sujet des stigmates. Face au pauvre, il est déjà difficile d’accepter les stigmates. Mais ce sont les stigmates du pauvre, il reste la possibilité de croire que nous, nous sommes des surhommes et de le lui faire sentir. Mais la faiblesse des autres bénévoles nous révèle notre faiblesse. Surtout quand sous nos yeux Jésus s’en sert pour se donner aux pauvres. Cette pauvreté-là par-dessus tout, il nous faut la porter. En montrant ses stigmates, Jésus nous remplit de son amour là où nous sommes pauvres. La solidarité envers le frère blessé détruit nos fausses conceptions de l’amour, révèle qu’aucun homme, de lui-même n’est capable d’aimer et que seules les stigmates du ressuscité peuvent nous inonder de charité. C’est la découverte la plus humiliante de l’apôtre caritatif ; pour cela même, c’est une résurrection. Il faut nous contempler les uns les autres, au sein de nos équipes, contempler nos faiblesses comme le lieu où Jésus ressuscité lui-même donne sa miséricorde. En équipe, le frère pauvre est icône du Ressuscité. L’accueillir est l’occasion d’accueillir la miséricorde du Christ. Je ne suis pas en train de dire que dans toute équipe il faut accueillir tout bénévole pour faire n’importe quoi. Il faut parfois savoir dire à l’un ou l’autre que là où il en est il n’a pas sa place dans cette équipe. Mais surtout pas en lui mettant sous les yeux ses incompétences. Mais si ce bénévole que vous devez refuser a trouvé dans vos yeux la réaffirmation de sa dignité qui lui manquait tant, il saura trouver le lieu où vivre la charité comme le Christ lui demande aujourd’hui.
C’est un approfondissement radical de la solidarité. Être solidaires n’est plus seulement une question d’actes, mais une question d’être : face à la merveille de la résurrection, nous sommes tous égaux. D’une part, nous sommes tous pauvres, mortels, pécheurs, d’autre part Jésus déjà habite nos plaies et nous propose déjà de les glorifier.
V. Conclusion :
En entrant aujourd’hui dans l’effort de solidarité des hommes de bonne volonté, les catholiques doivent être témoins de la résurrection. Témoignage rend dès maintenant au pauvre ce qui lui manque le plus : la conscience de sa dignité. Son corps blessé est non seulement appelé à la Gloire, mais déjà, aujourd’hui, signe de cette Gloire. Il est occupé à la sculpter d’avance sous nos yeux. Il devient ainsi apte à prendre en main son destin aujourd’hui, même pauvrement. Notre solidarité avec ce corps blessé suppose de le servir matériellement et de le contempler dans la foi. Cette solidarité évangélique nous déchire. Certains d’entre vous ont parlé de scandale quant à ma question sur la beauté et je sais d’expérience que certains d’entre vous vont être blessés de ce que je viens de dire. C’est normal. La rencontre du Ressuscité a blessé la communauté chrétienne d’abord. Car cette rencontre nous révèle nos pauvretés, elle nous révèle que le salut dont nous rêvons n’est pas celui que Jésus veut pour nous. Si Jésus s’identifie au plus pauvre, alors nos performances, aussi techniquement utiles qu’elles soient, ne sont pas le lieu du salut. Cette révélation est pour nous une crucifixion. Mais en acceptant cette crucifixion, en nous réconciliant avec nos faiblesses, nous entrons dans la miséricorde du Christ, nous devenons les apôtres que Jésus veut. Nous vivons une solidarité qui va jusqu’à la racine de l’être. Nous brisons la discrimination ultime entre celui qui aide et celui qui est aidé pour ouvrir à une fraternité d’hommes pauvres tous ensemble promis à la Gloire. Cela se vit spécialement en accueillant la pauvreté du frère dans l’équipe. Alors nous pouvons crier ensemble fraternellement : « Mon Seigneur et mon Dieu ».
[1] Karl Marx, Critique de la Philosophie du Droit de Hegel, Introduction, Œuvres III, Philosophie, Gallimard coll. « Pléiade » n° 298, p. 383.
[2] Benoît XVI, Spe Salvi, 30/11/20007, § 31 et al.
[3] Jn 20, 19-29.
[4] Saint Augustin, Sermon 258, § 3, in Sermons pour la Pâques, trad. Suzanne POQUE, CERF, coll. « Sources chrétiennes » n° 116, Paris, 1966, p. 349-351.
[5] Ac 2, 42.
[6] Par ex. : Saint Augustin, De Civitate Dei, (La Cité de Dieu), XXII, XXIX, 1, DDB, coll. « Bibliothèque Augustinienne » n° 37, trad. COMBES G., Paris 1960, p. 689.
[7] Mt 28, 9.
[8] Lc 24, 39 & 42.
[9] Jn 14,16.
[10] Ac 2.
[11] Ez 47.
[12] Jn 19, 31 sq.
[13] Ps 84, 4.
[14] 1 Sm 16, 1 à 12.
[15] Je traduis ce verset selon le texte liturgique et la Bible Bayard.
[16] Saint Augustin, Homélies sur l’Évangile de Jean, CXXI, 5, trad. M.-F. BERROUARD, IEA n°75, Paris, 2003, p. 365.
[17] Jn 20, 17, raison pour laquelle on traduit souvent « ne me retiens pas ».
[18] I Jn 1,1&3.
[19] Lc 24, 36-43.
[20] Jn 15.
[21] Jn 16,21 sq.
[22] Mt 25.
[23] Saint Augustin, De Civitate Dei, (La Cité de Dieu), XXII, XIX, 3, op. cit., p. 635.
[24] Jc 2, 14 sq.
[25] Mt 25,36.
[26] Ac 3,6.