La question de l’avortement pour le cardinal Marty

Extraits de l’ouvrage Le cardinal Marty d’Olivier Landron parue aux Éditions du Cerf en 2017.

Au début des années 1970 (...) conscient que l’attitude des évêques français est plus libérale que celle du pape Paul VI dans ce domaine, le cardinal Marty a obtenu que la commission épiscopale française de la famille publie une note doctrinale sur l’avortement. Elle contenait ceci :

« La science ne connait pas de seuil qualitatif qui ferait passer l’embryon du non-humain à l’humain[...] Être humain l’est déjà en vertu de l’acte humain qui l’engendre. » [1]

L’archevêque de Paris, toujours aussi respectueux de la position du Vatican sur le sujet (...) tout en prenant en compte la détresse des femmes dans des situations difficiles, affirme en 1972, lors d’une allocution que toute vie humaine doit être “respectée dès sa conception” » [2]. (...) Après la promulgation de la loi Veil pour cinq ans initialement, le cardinal Marty fait une intervention à la télévision, le 19 janvier 1975 :

« L’avortement est objectivement un mal. Même légalisé, il demeure une atteinte radicale à la vie humaine, une œuvre de mort. Aucun artifice de langage, aucun texte législatif ne peuvent voiler cette terrible réalité. Certains pensent que cette loi, inspirée par la situation des mœurs dans notre société, aura un effet dissuasif. Tel est, je le crois, la pensée des auteurs de ce texte [...] » [3]

Dans le cadre de son intervention, l’archevêque de Paris appelait à créer, dans les meilleurs délais, des centres d’accueil, de consultation et d’entraide pour les futures mères tentées par l’avortement. (...)

Face à la loi Veil, le cardinal Marty a tenté la recherche d’explications. Il s’exprimait ainsi :

« Au-delà de la rupture juridique et politique entre l’Église et L’État s’affirmait jusqu’à ce jour une certaine reconnaissance commune de valeurs humaines fondamentales. Le prêtre qui enseignait le catéchisme et l’instituteur de l’école publique s’efforçaient d’inculquer aux enfants de principes moraux identiques. Aujourd’hui, la morale devient affaire de consciences individuelles. (...) Nous ne pouvons pas être les seuls garants de la morale, laissant à l’État le souci du légal. Notre mission n’est pas d’abord l’organisation des mœurs et la sauvegarde de la moralité publique. Pourtant nous ne pouvons nous en désintéresser : il est urgent dans ce domaine de bien nous situer » [4]

À la fin de l’année 1979, l’archevêque est revenu sur la question de l’avortement à travers un articles dans Présence et dialogue avec l’article suivant : « Avortement : la vie en échec ».

« Le fait est certain. Dès sa conception, il s’agit bien d’un être humain entièrement programmé. La femme est devenue mère : elle porte en elle non pas quelque chose mais quelqu’un. L’homme responsable de cette future naissance, est devenu père. La communauté sociale a des droits et des devoirs vis-à-vis de l’enfant à naître. L’Église prend position, non pour écraser mais pour libérer, éclairer et pacifier les consciences. ce qu’elle désire, c’est le bonheur de la femme et de l’enfant [...] » [5]

[1Note doctrinale sur l’avortement, La Documentation française, n°182, 21 mars 1971

[2Allocution du cardinal Marty à l’occasion de la Saint-François de Sales, Archives du diocèse de Rodez, 28 janvier 1972

[3Cité par Martine Sevegrand, “Avortement, retour sur le débat catholique (1970-1979)”, Revue d’éthique et de théologie morale, n°285, septembre 2015.

[4Introduction du cardinal Marty au Conseil de l’épiscopat français, Archives du diocèse de Rodez, 11 au 13 mars 1975.

[5Présence et dialogue, n°264, 17 novembre 1979.

L’avortement

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