Le sport de compétition, une louange à la création
Paris Notre-Dame du 27 février 2014
P. N.-D. – Les Jeux Olympiques d’hiver de Sotchi se sont achevés le 23 février. Quel regard chrétien peut-on porter sur la compétition de haut niveau ?
P. Emmanuel Coquet – La compétition est bonne. C’est une saine émulation, une manière d’honorer un don reçu de Dieu, de déployer ses capacités. Cela apprend aussi à rester humble dans la victoire ou à savoir perdre, à respecter des règles. Derrière cela, il y a aussi la notion du corps. Dans notre société où l’on évalue les élèves sur leurs performances intellectuelles, le sport de compétition rappelle l’importance du corps, et soulève des questions anthropologiques : est-ce que je le reçois comme un don de Dieu ? Est-ce que je le développe ? Bien sûr, on connaît aussi les excès de la compétition, mais cela reste une réalité marginale.
P. N.-D. – Certains sports de glisse paraissent extrêmes, dangereux. N’est-ce pas une recherche de démesure ?
E. C. – Goûter les sensations, c’est recevoir les bienfaits de la création qui a permis, par exemple, que les pentes existent ! L’intelligence humaine a mis des planches de glisse sous les pieds de certains : cultiver ce talent à flanc de montagne, c’est habiter la création, en tirer profit pour une joie saine. On peut aussi dire que c’est une forme d’absolu, de radicalité. Lorsque je saute d’un avion ou que je dévale une pente, cela me pousse à la louange et à l’action de grâce ! Cela apprend aussi à faire confiance à son équipe, à son matériel, à soi-même. Quant au risque physique, il est calculé, pris en compte. Ce qui est dangereux, c’est de rechercher l’ivresse pour elle-même, ou d’en profiter pour fuir le monde dans lequel on ne trouve pas son équilibre.
P. N.-D. - Il y a quelques semaines, Thomas Bach, président du Comité olympique international, a invité le monde à respecter la « trêve olympique ». Pourquoi ?
E. C. – La « trêve olympique » est une belle notion. Elle promeut la paix entre les hommes. Parce que le corps est le dénominateur commun entre les cultures, le sport est un « langage de l’humanité ». Cela me frappe beaucoup d’entendre les sportifs parler du « village olympique » dans lequel ils se retrouvent entre les compétitions. Leur engouement prouve qu’il existe un esprit de communion qui dépasse les frontières. Aux J.O., il n’y a que des médailles à gagner. Cette gratuité est aussi caractéristique de l’esprit olympique. Bien sûr, c’est compliqué à vivre : l’idéal olympique a du mal à s’affranchir des logiques politiques et financières.
P. N.-D. – Au sein du Conseil pontifical pour Les laïcs, il existe une section Église et sport. Que nous dit le sport sur la vie chrétienne ?
E. C. – On trouve dans le sport un lien avec les vertus chrétiennes de persévérance, de fidélité (dans l’entraînement). Chez les sportifs de haut niveau, il y a aussi une notion de sacrifice, à travers la discipline qu’ils s’imposent eux-mêmes. Est-ce qu’on investit autant d’énergie dans la suite du Christ ? Pourtant, il y a plus de joie et d’équilibre dans la vie avec le Christ que dans la poursuite d’une médaille. Enfin, le sport favorise l’unité intérieure, en équilibrant le corps, l’âme et l’esprit. Il offre un émerveillement qui nous rapproche de Dieu. • Propos recueillis par Agnès de Gélis