Le Synode sur la famille approche
Paris Notre-Dame du 25 septembre 2014
P. N.-D. – Pourquoi le Synode se déroule t- il en deux temps : avec une assemblée extraordinaire du 5 au 19 octobre suivie, en 2015, d’une assemblée générale ordinaire du 4 au 25 octobre ?
Cardinal André Vingt-Trois – Le pape François a décidé d’un dispositif particulier pour deux raisons. La première est une raison générale. Il a dit et répété son intention de développer la pratique de la collégialité entre les évêques et le pape. C’est pourquoi il a voulu intensifier le rythme du travail commun en y consacrant trois étapes : le Consistoire des cardinaux en février 2014, la session extraordinaire du Synode des évêques du mois prochain et la session ordinaire d’octobre 2015. La deuxième raison vient de l’importance du sujet traité. Sur une question aussi importante, il est bon de bénéficier d’étapes qui permettent de progresser dans la réflexion et de ne pas se limiter à quelques jours de rencontres forcément très chargées. Nous comprenons bien que deux ou trois semaines ne suffisent pas à recueillir les apports de plus de 250 participants. La succession des sessions permet de faire fructifier le travail conduit à Rome par le travail régulier du Conseil du synode (six évêques élus par les Pères synodaux) et le Secrétariat général du Synode (instance permanente qui prépare les sessions).
P.N.-D. – Le questionnaire consultatif, qui a été envoyé dans le monde entier, a révélé les fortes attentes autour de ce Synode sur la famille. Quelles sont-elles ?
Cardinal André Vingt -Trois – Il est évident que le thème du Synode touche tout le monde, parce que tout le monde vit une expérience de la famille. Aucun être humain n’est venu au monde par lui-même et aucun ne subsiste sans des liens très forts entre les membres d’une famille, que ces liens soient heureux ou douloureux. La famille est l’expérience la plus commune entre les hommes. Elle est aussi la matrice de la vie sociale, le premier cadre où se font les apprentissages des relations et où se mettent en place les éléments structurants d’une société civilisée. Ainsi la famille a un rôle déterminant pour l’équilibre des personnes et pour le développement du tissu social. Enfin, dans beaucoup de pays à travers le monde, la famille est gravement fragilisée : émigration forcée, misère sociale, conditions de travail inhumaines, échecs de la vie conjugale, etc. C’est une illusion de croire que ces faiblesses de la famille expriment les aspirations de chacun. Tous aspirent à réussir leur vie de famille. L’évangile du Christ doit annoncer une espérance aux familles.
P. N.-D. – Des responsables d’Église prennent la parole ici ou là pour donner leur vision sur certains points doctrinaux. Comment les fidèles peuvent-ils comprendre ces interventions ?
Cardinal André Vingt-Trois – Comme une chance pour enrichir la réflexion et mûrir les orientations qui se dégageront du Synode. L’Église a été et demeure une famille où le débat est légitime. Elle n’est pas un parti totalitaire dans lequel s’imposerait une pensée unique que l’on devrait accepter sans réfléchir. Elle a toujours produit des « écoles » ou des thèses théologiques. Certaines sont reconnues comme légitimes, même dans leur diversité, d’autres sont jugées incompatibles avec la doctrine chrétienne. Mais toutes peuvent apporter un éclairage dans les débats. Le Synode est précisément un moment où se confrontent des interprétations de l’Écriture et de la tradition de l’Église. Il doit progresser vers un consensus et formuler des « propositions » pour les présenter au pape qui exerce son magistère en ratifiant et en promulguant certaines propositions de sorte qu’elles acquièrent une autorité pour l’ensemble de l’Église. Généralement, il le fait par une Exhortation apostolique. • Propos recueillis par Ariane Rollier