« Les Arméniens désirent la paix »

Paris Notre-Dame du 27 janvier 2022

Soeur Haguinta Mouradian est membre de la congrégation catholique des Sœurs arméniennes de l’Immaculée conception à Tashir (Arménie). Invitée de la Nuit des Témoins, elle témoigne de la situation de la population majoritairement chrétienne d’Arménie face à une paix fragile avec l’Azerbaïdjan.

Sr Haguinta Mouradian est membre de la congrégation catholique des Sœurs arméniennes de l’Immaculée conception, responsable d’un centre éducatif à Tashir (Arménie).
© Laurence Faure

Paris Notre-Dame – Pouvez-vous décrire votre mission en Arménie ?
Sr Haguinta Mouradian – Nous sommes huit Sœurs de notre congrégation, de l’Église catholique arménienne [1], réparties à Erevan, Tashir et Gyumri. L’Église catholique arménienne et l’Église apostolique arménienne ont des liens fraternels. La visite du pape François en juin 2016 (il s’était arrêté dans un des centres éducatifs de notre congrégation à Gyumri), a aussi permis de rapprocher nos Églises. Nos œuvres sont liées à l’éducation et au soutien des familles défavorisées – sans distinction religieuse. Nous nous occupons également d’enfants orphelins ou abandonnés. Parmi ces familles, un certain nombre de pères sont absents, travaillant en Russie... Nous essayons d’aider chacun, adultes et adolescents, à se rapprocher de Dieu. Depuis la dernière guerre du Haut-Karabagh [du 27 septembre au 9 novembre 2020, NDLR], beaucoup de pères sont également revenus des combats sans travail.

P.N.-D. – Quel est l’impact de la dernière guerre du Haut-Karabagh ?

H.-M. - Les gens sont inquiets. Certes, il y a eu un cessez-le-feu entre l’Arménie et l’Azerbaïdjan (voir encadré). Mais on sent que ce n’est pas encore terminé, que cela peut recommencer. Pour les jeunes de 18-19 ans qui font leur service militaire, et leurs mères, c’est très dur. Trois jeunes de notre centre éducatif de Tashir font actuellement leur service militaire. Un autre, jeune soldat, a été tué dans les combats de 2020. Passer de villages en villages, devant nos cimetières où reposent nos 3 809 soldats morts durant ce conflit de 44 jours, nous fait encore frissonner. Sur les quelque 90 000 déplacés de l’Artsakh [nom donné au Haut-Karabagh par les Arméniens, NDLR], nous avons accueilli et soutenu environ 200 personnes dans nos missions, surtout des mères et des enfants.

P.N-D. – Quelle est l’importance du témoignage de votre foi dans la région ?

H.-M. – L’Arménie est historiquement le premier État chrétien, créé au IVe siècle. La transmission de la foi continue dans les familles, mais avec une peur de ne pas pouvoir la vivre en paix sur notre Terre. On a observé une augmentation de la pratique religieuse depuis la guerre. Tous ensemble, comme une grande famille, nous avons prié pour la paix et pour notre patrie. Les Arméniens désirent la paix, même s’il y a aussi de la rancune héritée de l’histoire de notre peuple. Les mères se demandent : pourquoi cette guerre ? Pourquoi nos enfants meurent-ils au combat ? Malgré tout, Jésus lui-même a pardonné à ses ennemis sur la croix. C’est le témoignage que nous devons porter, pour semer l’amour, dans nos vies et dans nos relations : faire la paix en soi-même puis autour de soi, même si c’est très difficile. Nous encourageons nos enfants à prier pour que des chaînes de pardon et de paix se forment jusqu’aux gouvernants. Pour que les générations futures connaissent la paix.

Malgré le cessez-le-feu signé le 9 novembre 2020 entre l’Arménie et l’Azerbaïdjan, qui revendique le territoire de la république autoproclamée du Haut-Karabagh, peuplée majoritairement d’Arméniens, la paix reste menacée.
La Nuit des Témoins, organisée par l’Aide à l’Église en détresse, a invité en France, du 22 au 28 janvier, trois témoins issus du Sri Lanka, du Nigéria et de l’Arménie. La dernière soirée aura lieu le 28 janvier à 20h, au Sacré-Cœur de Montmartre (18e).

Propos recueillis par Laurence Faure

Plus d’informations  : aed-france.org

[1En Arménie, 90 % de la population appartient à l’Église apostolique arménienne. L’Église catholique arménienne représente, elle, 4,4 % de la population.

Les chrétiens d’Orient

Moyen-Orient