Les carmélites de Compiègne, exécutées pour leurs « sottes pratiques de religion »

Paris Notre-Dame du 14 juillet 2022

Le 20 janvier dernier, le pape François a donné son accord pour l’ouverture du procès de canonisation équipollente (sans nécessité de miracles) des seize bienheureuses carmélites de Compiègne, guillotinées à Paris en juillet 1794. À quelques jours de leur fête, le 17 juillet, le P. Étienne Givelet a accepté de nous parler de ces religieuses, enterrées à quelques mètres de sa paroisse.

Le P. Étienne Givelet est curé de la paroisse de l’Immaculée Conception (12e)
© Céline Marcon

Propos recueillis par Charlotte Reynaud

Paris Notre-Dame – Qui sont ces carmélites de Compiègne, déclarées bienheureuses et fêtées le 17 juillet ?

P. Étienne Givelet – Il s’agit d’une communauté de seize carmélites, originaires du Carmel de Compiègne, qui ont été guillotinées le 17 juillet 1794, lors de la Terreur, sur la place dite du Trône-Renversé, qu’on appelle désormais place de la Nation (12e). Elles ont été jugées par le tribunal révolutionnaire, qui a prononcé la sentence de mort le matin même. Elles avaient été expulsées de leur couvent de Compiègne (Oise) un an avant leur exécution, mais elles étaient parvenues à maintenir une vie de prières et communautaire en se réfugiant, par petits groupes, dans quatre maisons de particuliers de Compiègne. Suite à une perquisition du Comité de surveillance en juin 1794, elles ont été arrêtées et condamnées pour fanatisme. L’une des carmélites a fait préciser à Fouquier-Tinville, procureur général lors du procès, ce qu’il entendait par « fanatisme » ; lequel répond : « J’entends votre attachement à des croyances puériles, à vos sottes pratiques de religion. » Une phrase qui, paradoxalement, satisfait les carmélites qui n’étaient prêtes à mourir que pour leur Dieu, en martyres, et non pour des raisons politiques. Quant à leur mort, les différents récits rapportent le très grand silence, inhabituel, de la foule lorsqu’elles sont montées sur l’échafaud. Jusqu’au bout elles sont restées en prière, chantant le Veni Creator. La scène a été immortalisée ensuite dans Dialogues des carmélites de Georges Bernanos et dans l’opéra du même nom de Francis Poulenc. Coïncidence ? Dix jours après leur exécution, Robespierre et son régime de terreur tombaient. C’est comme si elles avaient fait don de leur vie pour la paix.

P. N.-D. – Quel est le lien entre elles et la paroisse de l’Immaculée Conception ?

É. G. – C’est un lien de voisinage. Les corps guillotinés étaient jetés dans des fosses communes creusées dans le jardin de l’ancien couvent des religieuses chanoinesses de Saint-Augustin, chassées des lieux par la Révolution en 1792, qui se trouvent à quelques centaines de mètres de notre église. 1306 personnes ont été ainsi exécutées, parmi lesquelles quelques nobles, des gens du clergé et beaucoup de gens du peuple. Au début du XIXe siècle, les descendants des aristocrates guillotinés ont acheté le terrain des fosses communes pour en faire un lieu de mémoire, géré aujourd’hui par la Fondation de l’oratoire et du cimetière de Picpus. Ils ont fait construire une église sous le patronage de saint Michel, avec les noms des 1306 guillotinés gravés sur le mur, et un cimetière destiné exclusivement aux descendants des guillotinés.

P. N.-D. – J’imagine que cette proximité et cette histoire donnent une coloration spéciale à votre paroisse et à votre ministère ?

É. G. – Notre histoire paroissiale est marquée par des saintes femmes ! Nous honorons sainte Bernadette de Lourdes, à qui a été révélé le mystère de l’Immaculée Conception, mais aussi sainte Catherine Labouré qui vivait dans ce quartier, à quelques mètres de l’église. C’est même elle qui a convaincu le curé de l’époque de donner le nom de « l’Immaculée Conception » à la paroisse. À titre personnel, comme prêtre, je suis très attaché à sainte Thérèse de l’Enfant-Jésus, à qui je dois ma vocation, et à la spiritualité du Carmel. Je porte le prénom « Étienne », du nom du premier martyr, et j’ai toujours été marqué, et inspiré, par la spiritualité du martyre et sa fécondité spirituelle en terme de témoignage ; cette force, donnée par le Seigneur, de rester fidèle à Dieu et à sa foi jusqu’à donner sa vie.

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