« Les chrétiens d’Orient sont garants de l’altérité sociale »
Paris Notre-Dame du 31 janvier 2019
Charles Personnaz, chargé de mission à l’Œuvre d’Orient, a présenté le 3 janvier, à la demande d’Emmanuel Macron, trente-cinq propositions sur les moyens de renforcer l’action de la France dans la protection du patrimoine et du réseau éducatif chrétien au Moyen-Orient. Il promeut désormais leur mise en œuvre.
Paris Notre-Dame – Comment avez-vous réalisé ce rapport ? Quelles chances a-t-il d’aboutir concrètement ?
Charles Personnaz – Je suis parti en Irak, au Liban, à Jérusalem, en Égypte et dans les Territoires palestiniens, et j’ai rencontré plus de cent trente personnes impliquées dans la sauvegarde du patrimoine chrétien oriental et le développe¬ment du réseau éducatif. Mon rapport délivre trente-cinq recommandations aux priorités différentes, dont la plupart sont susceptibles d’être mises en œuvre. Le défi actuel est de coordonner le travail collaboratif entre acteurs privés et publics en France. Cela permettra, dans un premier temps, la constitution d’un fonds pour que les écoles chrétiennes du Moyen-Orient puissent investir dans la formation des professeurs et dans l’envoi de volontaires francophones, très demandés sur place. Ce fonds doit être alimenté par des crédits publics français (État, collectivités territoriales, Agence française de développement…) mais aussi par des mécènes privés, comme l’Œuvre d’Orient.
Les chances qu’a ce rapport d’aboutir dépendent maintenant d’une volonté politique forte. Les prochains déplacements d’Emmanuel Macron, notamment en Égypte et en Irak, et la tenue, à Paris, fin 2019, d’une conférence internationale sur les minorités victimes de violences au Moyen-Orient, sont des signes favorables.
P.N.-D. – Dans ce rapport, le patrimoine chrétien jouxte la problématique de l’éducation. Pourquoi ?
C.P. – La sauvegarde du patrimoine des chrétiens d’Orient et le développement de leurs moyens d’éducation posent la question de leur citoyenneté dans les sociétés arabes. Par la sauvegarde de leur patrimoine, ils affirment leur présence bimillénaire sur leur terre native et la place importante qu’ils peuvent encore y jouer. Dans les écoles chrétiennes, ils préparent les jeunes à la construction de la société pluraliste de de¬main et rendent ainsi un service public. Car ces écoles accueillent tous les enfants indifféremment de leurs origines ou cultures propres.
Dans ces zones où les populations sont profondément meurtries par la violence interethnique ou interreligieuse, les chrétiens sont garants d’une conscience collective et de l’altérité au sein de leurs sociétés.
P.N.-D. – Quelle est l’urgence concernant le patrimoine chrétien au Moyen-Orient ?
C.P. – Il faut considérer les nombreux vestiges archéologiques et édifices religieux, les objets liturgiques, etc, mais il y a aussi le patrimoine « immatériel », les rites, les manières de vivre… Comment, aujourd’hui, les communautés locales s’en saisissent-elles ? Tout ce patrimoine est encore bien vivant et suscite, sur place, beaucoup d’attention. L’idée n’est pas de le protéger dans une optique de muséification mais d’en faire un socle vivant d’initiatives locales. La première urgence est la restauration des édifices détruits par les guerres et d’en réaliser un inventaire précis et inexistant à ce jour, avec l’aide de la coopération internationale. Une recommandation consiste à créer un institut de formation à la restauration à Beyrouth (Liban). L’objectif de fond étant d’encourager les populations chrétiennes menacées à rester dans leur pays.
Propos recueillis par Laurence Faure
– Retrouvez le dossier complet sur Les chrétiens d’Orient.
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