P. Brice de Malherbe : « Il me semble que la bioéthique n’a pas atteint son objectif »

Paris Notre-Dame du 1er novembre 2007

Le P. Brice de Malherbe est délégué de l’Archevêque de Paris auprès des établissements hospitaliers catholiques. Il enseigne à l’École Cathédrale et à la Faculté Notre-Dame.

PARIS NOTRE-DAME - Vous travaillez avec les hôpitaux catholiques, notamment au sein d’un comité d’éthique. Quels sont les problèmes éthiques rencontrés par le personnel, et comment les résolvent-ils ?

P. BRICE DE MALHERBE - Votre question est très vaste. Pour faire écho à mon expérience, les problèmes éthiques rencontrés par les équipes soignantes sont liés à des situations où le pronostic vital du patient est en jeu. Il n’est pas toujours facile de choisir les gestes à poser pour le bien du patient. Beaucoup de questions tournent autour de protocoles de mise en œuvre de thérapies innovantes, de recherches cliniques. La réflexion sur ces problèmes s’effectue au niveau des équipes elles-mêmes, à l’aide d’un groupe conseil, ou enfin au sein du comité consultatif d’éthique. A cela s’ajoute les questions éthiques des équipes administratives, sur le management et les options stratégiques d’activité. Personnellement, je suis préoccupé par les difficultés rencontrées dans notre pays par des soignants qui veulent faire valoir leur objection de conscience, par exemple face aux pratiques d’avortement.

P. N.-D. - Y a-t-il un besoin fort de la part des personnels d’être accompagnés sur la gestion des fins de vie ?

B. M. - La gestion des fins de vie est une préoccupation constante. Sur ce plan, la proposition de « bonnes pratiques » par certaines sociétés savantes peut s’avérer utile. Par ailleurs, la compétence des équipes mobiles de soins palliatifs est précieuse pour les différents services hospitaliers. Cette compétence est bonifiée quand l’équipe peut s’appuyer sur l’expérience permanente des unités de soins palliatifs, comme la Maison médicale Jeanne Garnier.

P. N.-D. - Des progrès ont été faits concernant la généralisation des soins palliatifs. La situation vous paraît-elle satisfaisante ?

B. M. - Mme de Hennezel a remis il y a peu au ministre de la Santé un rapport de mission sur les soins palliatifs. Elle souligne que malgré des efforts accomplis, il reste une inégalité d’accès aux soins palliatifs selon les régions ou selon les services. Par exemple les structures gériatriques manquent de lits identifiés de soins palliatifs. La Grande-Bretagne dispose de deux fois plus de lits de soins palliatifs que la France.

P. N.-D. - Vous enseignez à l’École Cathédrale, à travers un parcours d’initiation à la bioéthique. Selon vous, la bioéthique comporte actuellement des insuffisances éthiques et anthropologiques, notamment dans les cas des patients en état végétatif chronique. Pouvez-vous nous expliquer pourquoi ?

B. M. - Le parcours d’initiation consiste en deux cours semestriels le mardi soir sur les fondements de la réflexion éthique et sur la bioéthique en particulier. S’y ajoutent des journées « Ethique, santé et foi ». La prochaine aura lieu le 16 février et portera sur « agir en conscience dans la pratique soignante »). Il me semble en effet que la bioéthique, née officiellement dans les années 70 d’un souci d’humaniser les développements de la biomédecine n’a pas atteint son objectif. Rejetant une approche universelle de la morale fondée sur la dignité de l’homme en sa nature, elle s’est enfermée dans une éthique de règles et de procédures. La valeur de la personne passe au second plan. Plus encore, la dignité de la personne humaine est mise à mal au début ou à la fin de sa vie par une anthropologie dualiste qui concentre la valeur d’un être humain dans la qualité de sa vie consciente. Ainsi, les personnes dont les capacités de vie consciente ne s’expriment pas encore ou ne s’expriment plus - comme chez les patients en état végétatif chronique - sont exclus de la communauté humaine, parfois par des gestes provoquant délibérément la mort. Récemment, la Congrégation pour la doctrine de la foi a publié un document bien argumenté rappelant que ces patients très gravement handicapés devaient - sauf exception motivée - être alimentés et hydratés même par des voies artificielles.

P. N.-D. - Enfin vous faites partie d’une équipe de recherche sur les questions de bioéthique. Quels sont vos axes de travail concernant les soins palliatifs ?

B. M. - Dans le cadre du groupe, nous avons reçu une religieuse à l’origine de la mise en place d’un réseau de soins préventifs, curatifs et palliatifs autour du Centre de soins d’Epernon. Une coordination d’équipes de soignants sur un secteur géographique donné permet le suivi à domicile de patients en fin de vie. La formation permanente des équipes est assurée. Cette présentation répondait à une demande de notre archevêque de ne pas uniquement nous centrer sur les difficultés éthiques autour de la vie humaine mais de savoir promouvoir ce qui se fait de positif dans ce domaine. • Recueilli par Violaine Ricours-Dumas

Pour aller plus loin

 A lire

  • Mgr von Galen, l’évêque qui a défié Hitler, du P. Thierry Knecht, religieux de l’ordre de la Sainte Trinité, Éditions Parole et Silence.
    Cet évêque s’est opposé à la politique nazie de l’élimination des personnes improductives est un modèle de défense de la vie (cf. PND n°1206 - 11 octobre 2007)
  • Le respect de la vie humaine dans une éthique de communion, du P. Brice de Malherbe, Éditions Parole et Silence.

 Site internet de la Maison Jeanne Garnier :
www.jeanne-garnier.org

L’embryon et la recherche

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