« Si je n’ai pas la charité » : chronique hebdo #21 de Mgr de Sinety

« Rencontrer, échanger, partager non pas d’abord son argent, mais son temps et son cœur. L’eau coule le long du canal de La Villette : que son courant ne nous entraîne pas à passer loin de nos frères qui ont besoin de nous. » Mgr Benoist de Sinety est vicaire général du diocèse de Paris.

« Si je n’ai pas la charité » : chronique hebdo #21 de Mgr de Sinety

Le soleil brille à La Villette. L’eau coule le long du canal, le village de tentes augmentent jour après jour… Au cours d’une visite, des jeunes se regroupent. Ils viennent dire bonjour, tendre la main, se présenter. Chacun bien sûr à une histoire, certains ont fui la guerre, la persécution religieuse, la révolution… Mais ils sont bien sûr plus nombreux encore à avoir quitté leur pays dans l’espoir simplement d’une vie meilleure, plus riche, un peu somme toute comme chacun d’entre nous.

Alors que chacun se présente, tout sourire, des frères jumeaux s’avancent : ils disent leur passion de la musique et leur désir d’enregistrer leurs chansons pour faire « un album » !. Monseigneur Aupetit, Archevêque de Paris, les invite alors à chanter quelque chose. Les deux frères obtempèrent immédiatement, trop heureux de cette proposition. Leur voix, les mélodies qui évoquent leur Côte d’Ivoire natale, et l’eau qui coule dans le canal, tout cela provoque sur les visages un changement radical. Les sourires fatigués deviennent plus joyeux, les corps frémissent, quelques instants de joie et de partage. Puis la musique s’arrête mais les sourires résistent.

Il y a eu dans ces deux ou trois minutes quelque chose de la grâce qui s’est révélée. Dans ce partage, se dit quelque chose pour chacun d’entre nous. Nul ne sait ce qui arrivera à ces garçons et à ceux qui étaient autour deux : leurs demandes seront-elles rejetées ? Devront-ils repartir dans leur pays ? Pourront-ils demeurer en France ou ailleurs en Europe ? Mais ce que nous savons, c’est qu’il est toujours temps pour chacun de nous, sans préjuger des lois, d’aller vers celui qui est nu, pauvre, étranger, et de lui tendre la main.

Rencontrer, échanger, partager non pas d’abord son argent, mais son temps et son cœur. L’eau coule le long du canal de La Villette : que son courant ne nous entraîne pas à passer loin de nos frères qui ont besoin de nous.

Mission 2015-2018

Chroniques “Si je n’ai pas la charité” de Mgr Benoît de Sinety