« Si je n’ai pas la charité » : chronique hebdo #23 de Mgr de Sinety
« Le 8 mai à 0h35, un jeune homme afghan de 25 ans s’est noyé dans le canal Saint-Martin.(...) Il y a des morts symboliques. Mourir un 8 mai en plein Paris, noyé. Évidemment ce jeune homme ne connaissait sans doute pas la portée historique de la date qui fut son dernier jour. Mais nous nous la connaissons. Nous avons célébré cette année une fois encore la victoire. » Mgr Benoist de Sinety est vicaire général du diocèse de Paris.
Le 8 mai à 0h35, un jeune homme afghan de 25 ans s’est noyé dans le canal Saint-Martin. Il aura traversé bien des montagnes, bien des plaines, découvert de nouveaux climats, et de nouveaux paysages. Il aura sans doute appris sur la route de son exil quelques mots des langues des pays qu’il a dû traverser. Probablement avait-il commencé à apprendre quelques mots de français. Sans doute connaissait- il au moins cette expression : « au secours »… Peut-être même a-t-il eu l’idée de crier ces mots alors qu’il est tombé à l’eau sans savoir nager. Un pompier a plongé, il a été ramené sur le quai. Mais il était déjà mort. Un autre homme la veille avait déjà été repêché dans un canal près d’Aubervilliers, à quelques mètres d’un autre camp.
Il y a des morts symboliques. Mourir un 8 mai en plein Paris, noyé. Évidemment ce jeune homme ne connaissait sans doute pas la portée historique de la date qui fut son dernier jour. Mais nous nous la connaissons. Nous avons célébré cette année une fois encore la victoire. Depuis lors nous vivons dans la paix, et dans une abondance qui n’empêche certes pas la pauvreté et les difficultés du quotidien pour nombre de nos concitoyens, mais qui fait de nous l’une des nations les plus riches du monde. Que faisions-nous à 0h35, au moment de cette noyade ?
Cette mort ne doit pas être une mort pour rien. Nous ne pouvons pas, disciples de Jésus, ignorer ce drame et le résumer à la fatalité. Il y a la responsabilité de ceux qui préfèrent penser que les choses doivent pourrir, en silence imaginant qu’ainsi elles s’estomperont. Mais il y a notre devoir, au-delà de toutes considérations politiques, de ne jamais regarder l’étranger autrement que comme un frère.