« Si je n’ai pas la charité » : chronique hebdo #25 de Mgr de Sinety
« Une quinzaine de personnes réunies autour d’une table du côté de la porte de Clichy. Lundi soir comme les autres… “Le pont” : c’est le nom de l’association que je découvre. Ils viennent de vivre ensemble un temps partagé autour de la Bible. Il y a des hommes et des femmes qui ont eu des vies difficiles, des épreuves, mais qui ont réussi aussi à ne pas être submergés par elles. » Mgr Benoist de Sinety est vicaire général du diocèse de Paris.
Une quinzaine de personnes réunies autour d’une table du côté de la porte de Clichy. Lundi soir comme les autres… « Le pont » : c’est le nom de l’association que je découvre. Ils viennent de vivre ensemble un temps partagé autour de la Bible. Il y a des hommes et des femmes qui ont eu des vies difficiles, des épreuves, mais qui ont réussi aussi à ne pas être submergés par elles. Ils se retrouvent, avec des vies blessées, dont la trace est parfois encore bien visible sur le visage, dans les mots.
Mais il y a cette parole de Dieu autour de laquelle ils méditent chaque semaine. Cette parole qui prend chair dans leur chair, qui illumine nos intelligences et qui permet à nos bouches de trouver des mots pour dire notre espérance. Il y a quelques jours lors d’un temps de retraite dans un monastère, ils ont ensemble lu, écouter, accueilli, interpréter, l’Évangile des pèlerins d’Emmaüs. Ils ont pris conscience qu’ils étaient eux aussi des Cléophas auxquels Jésus demande : « de quoi discutiez-vous en chemin ? ».
Oui dans l’amitié, le repas partagé, la parole du Christ les touche et les éclaire. Elle les provoque à être dans le monde désormais des disciples, soucieux de leurs frères, attentifs à leurs besoins, le cœur ouvert comme Jésus. Ils m’interrogent sur l’église à Paris et je vois leurs yeux se troubler lorsque j’évoque des situations douloureuses de pauvreté et de misère. Pauvres, ils ne renoncent pas à se laisser toucher par le cri de leurs frères, par le cri du plus pauvre. Parfois dans nos discours nous pouvons être tentés d’opposer la misère à la misère et de défendre le droit de certains pauvres au détriment des autres. Eux, ils savent bien que la vérité de nos vies, que la vérité de notre foi, ne se traduit pas ainsi. Créer des ponts, les bâtir, et les franchir, voilà ce à quoi le Christ ne cesse d’appeler ses disciples. Oui, autour de cette table, en ce lundi comme les autres, l’Esprit Saint dessine dans le cœur des pauvres l’esquisse du royaume de Dieu.