Une réponse historique à “Nostra ætate”
Paris Notre-Dame du 3 décembre 2015
À l’occasion du cinquantième anniversaire de Nostra ætate, des personnalités représentant divers courants du judaïsme français ont signé un texte sur la fraternité avec les chrétiens et l’ont remis au cardinal André Vingt-Trois au Collège des Bernardins, le lundi 23 novembre. Récit d’une soirée historique et émouvante.
Dans la nef du Collège des Bernardins, ce lundi 23 novembre, juifs, catholiques et protestants discutent et plaisantent ensemble. Parmi les quatre cents invités, un bon nombre d’entre eux se connaissent et se fréquentent régulièrement. Cette soirée de dialogue judéo-chrétien s’inscrit dans la continuité d’un rapprochement amorcé depuis plusieurs années. Elle marque le dévoilement public de la « Déclaration pour le Jubilé de fraternité à venir », rédigée par cinq personnalités du judaïsme français [1] , issues des courants orthodoxe, massorti et libéral, et signée par une centaine de juifs, dont Haïm Korsia, le Grand Rabbin de France. Ce document est un acte symboliquement fort. C’est la première réponse officielle et collective de la communauté juive française à Nostra Aetate – une déclaration décisive du concile Vatican II qui a redéfini les relations de l’Église catholique avec les religions non chrétiennes –. Non seulement ses auteurs remercient les chrétiens pour leur main tendue, mais ils invitent aussi à poursuivre plus intensément la construction de ponts entre les religions : « Nous devons apprendre à nous défaire des préjugés […] La fraternité entre juifs et chrétiens constitue un premier jalon et une invitation à faire du dialogue entre toutes les religions et les spiritualités la pierre angulaire d’une humanité réconciliée et pacifiée. »
Une mission commune
Au cours de la soirée, rythmée par des chants, les discours de responsables des diverses confessions s’enchaînent. À chaque fois, leurs paroles sur les racines communes et la fraternité sont fortes et engageantes. Elles résonnent avec d’autant plus de force qu’elles s’accompagnent d’une lucidité sur les « écueils » de part et d’autre et les « différences théologiques » persistantes. Avant de remettre la Déclaration pour le Jubilé au cardinal André Vingt-Trois et au pasteur François Clavairoly, président de la Fédération protestante de France, Haïm Korsia souligne l’essentiel : « Le monde a besoin de nos déclarations communes. […] Dieu est vraiment heureux lorsque tous ses enfants sont réunis. » Le cardinal André Vingt-Trois renchérit : « Il ne s’agit plus seulement d’entrer dans un dialogue en miroir ou en vis-à-vis mais d’assumer ensemble, chacun pour sa part, une responsabilité et une mission communes pour l’humanité face aux grands défis du monde contemporain. » Vers la fin de la soirée, tous les invités se lèvent pour écouter la Prière pour la République française, récitée lors des offices juifs. Un moment particulièrement émouvant dans le contexte dramatique actuel.
Des liens spécifiques
Elzbieta Amsler, catholique et présidente du groupe de l’Amitié judéo-chrétienne de Versailles, est émue par cette soirée : « J’ai toujours rêvé de ce jour. C’est un couronnement de toutes les années de travail du dialogue judéo-chrétien. » Jean-François Bensahel, président de l’Union libérale israélite de France, relève que la Déclaration pour le Jubilé, dont il est l’un des auteurs, « célèbre » notamment les « liens spécifiques » qui unissent juifs et chrétiens. « Avec quels autres croyants partageons-nous autant ? », lance-t-il. Quant au P. Thierry Vernet, responsable du Service des relations avec le judaïsme du diocèse de Paris, il rappelle, comme d’autres, l’importance du « dialogue au niveau des communautés locales ». À ce niveau-là, il reste encore des ponts à construire. • Céline Marcon
– Lire la Déclaration en ligne
[1] Jean-François Bensahel, Philippe Haddad, Rivon Krygier, Raphy Marciano et Franklin Rausky.