Allocution du cardinal Kurt Kock
Paris – 27 February 2011
Mesdames et Messieurs,
J’ai le très grand plaisir de vous accueillir et de vous souhaiter la bienvenue à cette 21e rencontre du Comité de liaison juif-catholique (en anglais International Catholic Jewish Liaison Committee = ILC) qui débute aujourd’hui à Paris. Je salue très chaleureusement tous les membres juifs et catholiques du Comité ainsi que nos invités, en particulier les représentants de l’accueillante Ville de Paris, les autorités du gouvernement français, les représentants de la Communauté juive de France, le Grand Rabbin de France Gilles Bernheim et le Président du Conseil représentatif des Instituions juives de France (CRIF), M. Richard Prasquier. Enfin, je salue fraternellement Son Éminence le Cardinal André Vingt-Trois, Archevêque de Paris et Président de la Conférence des Évêques de France, ainsi que les représentants de l’Église catholique en France. J’aimerais exprimer tout particulièrement ma sincère gratitude à Son Éminence pour avoir mis à la disposition de cette rencontre le Collège des Bernardins où le Pape Benoît XVI s’est adressé aux principaux représentants du monde de la culture en France. En cette circonstance, j’aimerais également rappeler la mémoire du vénéré Cardinal Lustiger, acteur de premier plan dans le dialogue avec le monde juif, qui du Ciel, nous en sommes certains, nous accompagne dans nos efforts. Je remercie enfin toutes les personnes juives et catholiques qui ont travaillé à l’organisation de cette conférence en offrant leur soutien efficace et en y consacrant avec générosité beaucoup de leur temps durant ces derniers mois et ces dernières semaines.
Cette 21e rencontre a lieu après quarante années de dialogue entre le Comité juif international pour les consultations interreligieuses (en anglais International Jewish Committee on Interreligious Consultations = IJCIC) et la Commission pour les relations religieuses avec le Judaïsme du Saint-Siège. Alors que nous célébrons cet anniversaire, nous pouvons contempler avec satisfaction les efforts accomplis et les résultats auxquels nous sommes parvenus ensemble depuis la première rencontre de l’ILC en 1971 qui s’est tenue également à Paris. Nous retrouver aujourd’hui dans la capitale française nous donne l’occasion de réfléchir à nos racines communes, de célébrer l’origine commune de notre collaboration dans le dialogue et de demander au Tout-Puissant d’en bénir les futures étapes et de faire grandir notre amitié et notre confiance mutuelle au cours des années à venir.
Quarante ans de dialogue officiel peuvent sembler bien peu si l’on compare cette durée à la longue histoire du peuple juif et au passé millénaire de l’Église catholique. Mais ce qui a eu lieu durant cette période peut vraiment être considéré comme un immense miracle fruit de l’action de l’Esprit Saint car « l’espérance ne trompe pas, car l’amour de Dieu a été répandu dans nos cœurs par l’Esprit Saint qui nous a été donné » (Rm 5, 5). Dans l’histoire du salut, le peuple élu d’Israël entre en terre promise après quarante ans d’errance dans le désert. Je ne sais si l’on peut comparer la brève histoire du dialogue juif-catholique avec la traversée du désert ou encore cette rencontre à la terre promise. Quoi qu’il en soit, je suis particulièrement heureux d’être parmi vous en cette joyeuse circonstance, cette assemblée de l’ILC étant la première à laquelle j’assiste en tant que Président de notre Commission pour les relations religieuses avec le Judaïsme du Saint-Siège. Quarante ans est un laps de temps significatif car le nombre quatre peut évoquer pour nous les quatre points cardinaux et par conséquent représenter métaphoriquement le monde entier. De fait, les participants ici réunis proviennent de tous les coins du monde et de différentes cultures où sont présentes des communautés catholiques et juives. Nous réfléchirons tout au long de ces journées d’étude à ces quarante années de dialogue riches de signification et à la manière de poursuivre le chemin vers de futurs objectifs. Quarante ans de dialogue : réflexion et perspectives futures, ainsi a été intitulée notre rencontre. En effet, ce n’est qu’en réfléchissant sur le passé que nous pouvons comprendre le présent et nous projeter vers l’avenir.
Pendant ces quarante années qui ont suivi la grande innovation qu’a représenté la déclaration Nostra Aetate (n° 4) du Concile Vatican II, promulguée il y a trente-six ans, une mutation irréversible s’est produite dans nos relations, et ceci non seulement à notre avantage réciproque mais aussi, et de manière importante, au profit de tous ceux qui sont engagés dans le dialogue interreligieux. Il me semble qu’au cours de ces quarante années, nombre de préjugés et d’inimitiés ont été surmontés, que la réconciliation et la coopération se sont accrues et que les relations d’amitié personnelles se sont enrichies. C’est avec profonde gratitude que nous nous souvenons de tous ceux qui se sont engagés dans cet important dialogue, de tous ceux qui continuent à œuvrer en ce sens et dont l’aspiration est de renforcer la confiance et le respect mutuels. Mais nous nous sentons avant tout débiteurs envers l’Éternel qui a accompagné nos efforts et nous a donné la patience et la force de suivre le chemin inauguré par Nostra aetate (n° 4). « Si le Seigneur ne bâtit pas la maison, c’est en vain que les maçons se donnent du mal » (Ps 127, 1).
Pour la poursuite de cette aventure commune, comme dans les quarante dernières années, Nostra aetate (n° 4) demeure le document qui nous lie les uns aux autres, la Magna Charta de notre dialogue, et dans nos efforts à venir, il restera la boussole qui nous guidera vers de nouveaux objectifs. Notre dialogue avec le monde juif n’est pas un luxe, une option que nous pouvons abandonner, il est constitutif de notre identité chrétienne. C’est pourquoi nous avons l’obligation, le devoir intime de poursuivre le dialogue avec le peuple juif.
When Pope Benedict XVI visited the synagogue of Rome on 17 January last year, he clearly referred to Nostra aetate (no.4). He affirmed : “The teaching of the Second Vatican Council has represented for Catholics a clear landmark to which constant reference is made in our attitude and our relations with the Jewish people, marking a new and significant stage. The Council gave a strong impetus to our irrevocable commitment to pursue the path of dialogue, fraternity and friendship, a journey which has been deepened and developed in the last forty years, through important steps and significant gestures. … I too, in the course of my Pontificate, have wanted to demonstrate my closeness to and my affection for the people of the Covenant. I cherish in my heart each moment of the pilgrimage that I had the joy of making to the Holy Land … , along with the memories of numerous meetings with Jewish Communities and Organisations, in particular my visits to the Synagogues of Cologne and New York” (n. 2). The Holy Father not only visited the Holy Land in May 2009 but also three synagogues during his Pontificate. Never before has a Pope been to more synagogues than Benedict XVI. This is a clear sign that the relationship with the Jewish people is dear to his heart and that he has always been and continues to be ready to undertake steps that demonstrate his intention to nurture this relationship.
Among our future common tasks I wish to mention especially the field of education, which is of great importance. The future of our dialogue is dependent on the formation of the younger generations, which must be taught the history of Jewish–Catholic dialogue and the progress it has made in the last decades. Therefore we have invited a small group of twelve young Jewish and Catholic people, known as the ‘Emerging Leadership Delegation’, which has already met some days before our conference and which is now invited to actively participate in our meeting. I am happy that you are with us. You, young friends, are not only the future but also the present advocates of the Catholic–Jewish dialogue and some day you will take responsibility for continuing the work we started some decades ago.
Jews and Christians have – as we read in Nostra aetate (no.4) – a great common spiritual patrimony. With our shared patrimony we have a common responsibility to work together for the good of humankind, refuting anti–Semitism and anti–Catholic and anti–Christian attitudes, as well as all kinds of discrimination, to work for justice and solidarity, reconciliation and peace. In the last months our attention has been drawn to the persecution and killing of Christians in the Middle East. Statistically it is clear : on a worldwide level Christians have become the most persecuted group. They need special protection and the solidarity of religious leaders of all religions in the world. Religious freedom and human rights should be granted fully to everybody in every country. Jews and Christians can raise their voice together for the protection of those who are persecuted for religious reasons, wherever they live and whatever they confess regarding their own faith traditions. It should be our task to give clear and public signs of solidarity and to pray for our brothers and sisters in these difficult situations.
In this sense, it is my hope that our meeting here in Paris may be a constructive towards deepening Jewish–Christian friendship. May it give a witness to the world of mutual understanding and mutual respect even in our diversity. I wish all of us a fruitful and rewarding meeting. Thank you for your kind attention.