Allocution de Mgr Laurent Ulrich - Soirée hommage au Cardinal Jean-Marie Lustiger

Jeudi 10 octobre 2024 - Collège des Bernardins (5e)

Dévoilement de la plaque donnant au Grand Auditorium le nom d’Aron Jean-Marie Lustiger.

Chers amis,

Cette soirée proposée en hommage au Cardinal Lustiger se place naturellement sous le signe de la fidélité. La fidélité à nos convictions, bien évidemment ; la fidélité à notre mission ; la fidélité envers ceux qui nous précèdent et continuent de nous inspirer. Parler du Collège des Bernardins, travailler à lui faire donner sa pleine mesure, c’est déjà une manière d’être fidèle à Mgr Lustiger à travers une œuvre qui traduit grandement sa pensée et la portée de son action. Les Bernardins sont un témoignage éloquent, à travers une collégialité que nous avons souhaité dynamiser, dans la pluralité de leurs recherches, et par tous les fils du dialogue qui s’y tissent. Ils illustrent en effet le caractère prophétique de la pensée d’un homme qui a su s’ouvrir à l’Esprit, en se reconnaissant profondément héritier, en se découvrant l’audace d’un bâtisseur.

Héritier, on a pu croire que Mgr Lustiger l’était doublement, comme fils du judaïsme et du christianisme. Mais, jusque dans son ultime passage, il nous a rappelé, comme aussi les Pères du Concile Vatican II, comment notre christianité « se nourrit de la racine de l’olivier franc ». [1] Cette filiation unique, il nous faut l’accueillir ; il nous faut l’honorer ; il nous faut la cultiver. Toute filiation fait de chacun de nous des fils ou des filles, des frères et des sœurs. Et pour que ce lien demeure, malgré le goût de la rupture qui marque chaque époque, et particulièrement la nôtre, il doit être toujours entretenu. Or, il ne l’est jamais aussi bien que dans la réflexion qui précède le dialogue, dans le dialogue qui conduit à la vérité, et dans la vérité qui, par la charité, est gage de paix. Je salue particulièrement les représentants de la communauté juive qui nous honorent de leur présence et leur exprime toute notre proximité, notamment face à toutes les violences actuelles.

Dévoiler une plaque honorant la mémoire et l’action du Cardinal Lustiger nous fait donc nous reconnaître nous-mêmes héritiers et redevables de son action. Y adjoindre la présentation d’un ouvrage qui scrute cette « impossible substitution » qu’il a incarnée, nous donne, me semble-t-il, de nous inscrire directement dans la suite de son œuvre et d’y contribuer. Nous ne saurions trop féliciter, à cet égard, le R.P. Jean-Miguel Garrigues d’y avoir consacré un ouvrage, et à l’Académie française d’avoir su le distinguer en l’élisant au Prix Lustiger pour cette année.

Ainsi il n’est de meilleure façon d’être fidèle que de savoir poursuivre l’œuvre accomplie, en montrant comment l’esprit peut faire vivre la lettre. Le Collège des Bernardins s’y emploie, comme nous l’a rappelé son directeur, et je l’en remercie. Il s’y emploie et nous voulons même qu’il se déploie dans ce vaste et indispensable champ du dialogue, en donnant la pleine mesure d’une intuition qui lui reste comme une feuille de route : « être un lieu de rencontre entre l’annonce de la foi et la réflexion des hommes sur notre société. »

Il n’y a nulle nostalgie dans cet hommage qui nous réunit ce soir, mais une profonde reconnaissance qui nous oblige, une mémoire que nous voulons tenir en alerte. Il y aura désormais, pour cela, le nom d’un homme et son parcours, rappelés et proposés à tous ceux qu’accueillera ce grand auditorium des Bernardins. Un nom qui est lui-même un parcours ; un parcours fidèle à ce nom ; ce nom qu’il a voulu voir figurer intégralement sur son épitaphe en la cathédrale Notre-Dame ; ce nom que, naturellement, nous avons voulu donner à cet auditorium, sans y rien ajouter ni retrancher. C’est, en somme, pour qu’un lieu de dialogue porte désormais le nom d’un homme de dialogue. Souhaitons donc que cet auditorium continue à s’inscrire, au sein de ce collège et au cœur de son action, pour continuer à bâtir dans la fidélité à ce que nous devons à Aron Jean Marie Lustiger.

+Laurent ULRICH,
archevêque de Paris


Texte de la plaque

Aron Jean-Marie Lustiger
(1926-2007)
Archevêque de Paris
 
Né à Paris de parents juifs d’origine polonaise, Aron Jean-Marie Lustiger reçoit le baptême à l’âge de 14 ans. Ordonné prêtre en 1954, il est successivement aumônier de la Sorbonne, curé de la paroisse Sainte-Jeanne de Chantal à Paris, évêque d’Orléans, puis archevêque de Paris en 1981. Il est créé cardinal par le pape Jean-Paul II en 1983.
 
En 2001, le cardinal Lustiger lance le projet de restauration du Collège des Bernardins, afin de lui donner une nouvelle mission : être un lieu de rencontre entre l’annonce de la foi et la réflexion des hommes sur notre société.

[1Nostra Aetate, 4.

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