« Entendre cette souffrance en sortant du mythe de l’autodétermination »
Paris Notre-Dame du 7 juillet 2022
Journaliste société travaillant pour Famille Chrétienne après être passée par Paris Notre-Dame, Pauline Quillon vient de sortir un livre sur la dysphorie de genre chez les enfants [1]. Une enquête fouillée, tout en finesse, qui décrypte un phénomène de société grandissant pour aider le grand public – et notamment les parents – à comprendre ses enjeux médicaux, psychologiques et sociétaux. Rencontre.
Paris Notre-Dame – Comment vous est venue l’idée de ce livre ?
Pauline Quillon – En tant que journaliste société et famille, j’ai découvert qu’il y avait énormément de jeunes qui s’identifiaient comme transgenres. C’est-à-dire qu’ils s’identifient comme filles ou garçons en contradiction avec leur sexe anatomique. J’ai commencé à creuser. Ayant beaucoup d’enseignants autour de moi – Pauline Quillon est agrégée de français et a enseigné quelques années, NDLR – je me suis rendu compte qu’au collège et lycée, la plupart des enseignants ont dans une de leurs classes au moins un enfant qui se dit appartenir au sexe opposé. Ce n’était pas le cas il y a cinq ans. Désormais, la dysphorie de genre est un fait admis, presque banal. Les enfants baignent dans cette culture. Contrairement à ce que l’on peut penser, ce phénomène concerne Monsieur et Madame tout le monde. Pour autant, la réponse à cette question de la transidentité revendiquée par l’enfant semble n’aller que dans un sens : celui de l’affirmation. Mais si on peut changer de sexe sans interroger la démarche, qu’est-ce qu’alors la différence sexuelle ? Comment former à l’affectivité ? Que dire aux jeunes, notamment dans l’enseignement catholique ? Et quels sont les traitements médicaux que proposent les médecins à ces enfants ? Existe-t-il des effets secondaires ? Et si oui, quels sont-ils ?
P. N.-D. – Votre travail s’attache à raconter, de façon factuelle, le protocole médical proposé à ces enfants. Pourquoi ce choix ?
P. Q. – Il faut commencer par expliquer le phénomène, donner d’abord les outils pour comprendre de quoi il s’agit. Les enfants, et les parents, sont aujourd’hui informés sur ce genre de questions mais par des biais militants. Il est important qu’ils sachent que ces positions militantes ne sont pas défendues par l’ensemble des personnes transgenres. Important qu’ils sachent à quoi ils s’engagent. Les risques auxquels sont confrontés ces enfants sont réels. Les bloqueurs de puberté ont un impact sur leur fertilité, les hormones doivent être prises durant toute leur vie et ont des effets indésirables réels ; les opérations sont irréversibles.
P. N.-D. – Quel est l’enjeu ?
P. Q. – Ces personnes souffrent, mais pas seulement du regard que la société porte sur elles. Elles souffrent parce qu’elles sont nées dans un corps qui ne leur ressemble pas et traversent un cheminement médical et hormonal très violent, confrontées à des problématiques très dures sur le plan affectif. L’enjeu est d’entendre cette souffrance mais en sortant du mythe qu’il est possible de s’autodéterminer. Je donne ici quelques pistes, mais c’est un travail qui doit se poursuivre. Les années à venir vont poser de grandes questions à l’enseignement catholique. Il ne sera bientôt plus possible de dire que l’identité sexuelle est donnée, et non pas en construction. Comment, dans ce contexte, maintenir l’enseignement de l’anthropologie chrétienne ? Il est urgent de se saisir de ces questions ; urgent également de former les personnes en charge de l’éducation affective et sexuelle. Il faut arrêter un enseignement un peu « fleur-bleue » et intégrer les questions de la puberté difficile, de la recherche sexuelle. La dysphorie de genre porte en elle une haine du corps reçu. Il est urgent de comprendre l’origine de cette haine et de redire la bonne nouvelle qu’est le corps humain.
Propos recueillis par Isabelle Demangeat @LaZaab
[1] Enquête sur la dysphorie du genre. Bien comprendre pour aider vraiment les enfants
Pauline Quillon,
éd. Mame, 2022,
160 p., 15,90 €.
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