Homélie de Mgr Laurent Ulrich - Messe d’installation de Mgr Olivier Ribadeau Dumas, recteur-archiprêtre de Notre-Dame de Paris, à Saint-Germain l’Auxerrois

Dimanche 4 septembre 2022 - Saint-Germain l’Auxerrois (1er)

– 23e dimanche du temps ordinaire – Année C

- Sg 9,13-18 ; Ps 89,3-6.12-14.17 ; Phm 9b-10.12-17 ; Lc 14,25-33

La sagesse dont nous avons entendu parler dans la première lecture, le Livre de la Sagesse, la sagesse biblique n’est pas l’équivalent d’une prudence de jugement dans l’action, dans la décision, elle n’est pas non plus l’équivalent de la sagesse des Grecs qui est une réflexion rationnelle menée sur le monde pour en connaître les mystères. Elle est un don que Dieu fait largement aux hommes, pour qu’ils puissent comprendre que ce monde dans lequel ils vivent, la création au milieu de laquelle ils se trouvent, les créatures qu’ils sont eux-mêmes, sont des dons de Lui, sont des dons qui sont faits par Lui aux hommes pour qu’ils vivent dans l’amour que contient cette sagesse. Elle est appelée aussi l’Esprit-Saint, elle est aussi identifiée à la Parole même de Dieu, le Christ Vivant.

C’est un don auquel les hommes répondent avec sagesse par amour, et cela transforme leur existence tout entière. Aussi bien, nous pouvons comprendre la parole mystérieuse, difficile, de l’évangile d’aujourd’hui, la parole que le Seigneur Jésus adresse à la foule qui le suit. Parmi la foule, et dans le développement de l’histoire terrestre de Jésus, il y en a certains qui se destinent à suivre Jésus, à être ses disciples. Certains choisiront non seulement d’écouter la parole mais de la garder pour eux-mêmes et de vouloir être transformés par elle. Et Jésus les prévient, dans la parole d’amour qu’il leur adresse. Il leur dit ceci : il y a dans la vie humaine des attachements, des affections de manière générale, y compris des attachements familiaux, qui ne sont pas faits pour être mauvais mais qui peuvent enfermer les personnes sur elles-mêmes, les empêcher d’être ouvertes à tous, les refermer sur leur famille, sur leur clan, sur leurs intérêts. Si tu veux être mon disciple, dit Jésus, fais attention à ces affections qui t’empêcheront d’avoir les yeux ouverts sur le don de Dieu qui est fait aussi aux autres.

Jésus prévient aussi que les biens matériels, qui sont nécessaires pour vivre - la propriété, ce que nous possédons - dans un mauvais usage peuvent nous posséder, nous enfermer, nous rendre égoïstes, incapables de partager ces biens qui sont nôtres. Ces biens se justifient comme nôtres pour que nous en ayons l’usage, mais, comme le dit l’Église dans sa doctrine sociale, pour qu’ils soient au bénéfice de tous.

Et encore, il peut y avoir une estime de soi qui est nécessaire pour vivre, qui est bonne et dont chacun pense et sent qu’elle lui est nécessaire pour tenir sa place dans le monde, dans la société, au milieu des autres. Cette estime de soi, elle peut conduire aussi à un orgueil, une vanité, qui enferme chacun sur lui-même et qui l’empêche de laisser les autres tenir leur place dans la vie de la société, tenir leurs responsabilités, tenir simplement leur rôle pour que la société soit harmonieuse, heureuse, juste et belle.

Aussi bien Jésus dit : si tu veux me suivre, fais attention à ces liens familiaux qui risquent de t’empêcher de t’ouvrir à tous ; si tu veux me suivre, fais attention aux possessions que tu as qui peuvent te refermer sur toi-même ; si tu veux me suivre, fais attention à ce que l’estime de soi nécessaire ne tourne pas à l’orgueil ni à la vanité qui t’empêcheront de voir l’œuvre de Dieu chez les autres.

Voilà cet appel que Jésus fait en disant : si tu ne me préfères pas à tout cela, tu ne me suivras pas vraiment. Parce que suivre le Christ c’est en effet être capable de renoncer à des attachements, de renoncer à des possessions, de renoncer à l’orgueil et à la vanité, parce que cela détourne de l’amour universel que le Christ est venu enseigner par sa parole et par sa vie.

Nous avons un bel exemple de cette invitation dans la deuxième lecture. Si tu veux être mon disciple - c’est Paul qui s’adresse à son ami Philémon, un chrétien comme lui (peut-être un chrétien grâce à lui). Paul s’adresse à lui au sujet de son esclave Onésime, qui lui est pourtant bien utile. Probablement il a dû dépouiller son maître Philémon de quelques biens, et il s’est enfui, il a fugué et il est allé se réfugier chez Paul, auquel, peut-être, tout repentant, il a avoué sa faute et auquel « il a rendu grand service », dit l’apôtre lui-même. Ce qui est beau c’est que Paul fait appel à Philémon, le chrétien, et lui dit : si tu veux être en communion avec moi, - c’est-à-dire : si tu veux être disciple de Jésus - ; je te renvoie ton esclave. Il est devenu chrétien à mon contact, je l’ai enseigné, il est donc devenu ton frère. Alors ne t’enferme pas sur les biens qu’il t’a pris, ne te ferme pas sur le fait que tu pourrais considérer cet Onésime toujours comme ton esclave et ta propriété. Accueille-le, si tu veux ! Et Paul est comme Jésus qui dit toujours : « si tu veux être mon disciple ». Accueille-le « si tu veux » comme ton frère. De telle sorte que nous entendons cet appel aujourd’hui.

Le Seigneur nous dit : vous qui êtes dans les communautés chrétiennes, vous qui entendez cette parole et qui désirez la prendre au sérieux, faites en sorte que quelque chose change dans votre vie et que vous ne soyez enfermés ni sur vos attachements personnels, ni sur vos biens et vos possessions personnels, ni sur votre estime de vous-même jusqu’à l’orgueil et à la vanité, les querelles d’ego qui existent tellement dans nos sociétés. Si nous voulons être disciples, si nous voulons être porteurs de la parole de Jésus, si nous voulons être facteurs de paix et d’unité à la manière de Jésus, alors sachons nous défaire de tous ces liens qui nous empêchent d’être au service de la vraie parole que nous venons d’entendre, d’être au service de la vraie communion à laquelle nous sommes appelés, d’être au service de la paix et de la fraternité pour laquelle le Seigneur Jésus a donné sa vie.

+Laurent Ulrich, archevêque de Paris


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