Homélie de Mgr Laurent Ulrich - Messe et bénédiction de la chapelle Notre-Dame de l’Espérance du collège Bossuet-Notre-Dame

Mardi 27 mai 2025 - Collège Bossuet-Notre-Dame (10e)

– 6e Semaine du Temps Pascal — Année C

- Ac 16, 22-34 ; Ps 137 (138) 1-2a, 2bc-3, 7c-8 ; Jn 16, 5-11

Dans l’évangile que nous venons d’entendre, nous comprenons que c’est le moment où Jésus annonce qu’il ne va plus être visible aux yeux des hommes. Et c’est évidemment ce que nous allons célébrer, après-demain, dans la fête de l’Ascension. Le Seigneur promet que l’Esprit de Dieu va venir sur nous pour nous permettre de continuer ce que lui, Jésus, a fait, et de vivre assurés de ce que nous vivons, assurés dans notre foi, même si nous ne le voyons plus. C’est-à-dire que nous allons le découvrir à travers des signes, nous allons être certains de sa présence à travers des moments de notre existence et à travers un certain nombre de moyens qu’il nous donne. Ces moyens qu’il nous donne, c’est évidemment ce que nous venons d’entendre et que nous partageons souvent, qui nous permet de comprendre que sa parole n’était pas simplement faite pour des gens de son époque, mais aussi pour être transmise de génération en génération et pour être transmise partout dans le monde. Non sans les difficultés, non sans les épreuves de l’existence, et voilà pourquoi il nous envoie aussi l’Esprit Saint, que nous recevons à travers les sacrements : à travers l’eucharistie que nous allons célébrer sur cet autel que je vais bénir dans quelques instants ; à travers le sacrement du baptême que nous n’avons peut-être pas tous reçu, mais qui est fait pour être donné et qui l’a été généreusement, notamment à beaucoup d’enfants, au cours cette année déjà, et beaucoup d’adultes à la nuit de Pâques ; à travers les autres sacrements qui sont faits pour être pour nous des signes forts de la présence du Christ et de la présence de l’Esprit du Christ en nous.

Car, de fait, il faut affronter des choses difficiles dans la vie des chrétiens et, nous l’avons vu dans la première lecture, dès les débuts de l’histoire de l’Église il y a des persécutions. Elles ont duré dans l’Empire romain pendant un certain temps, jusqu’au début du IVe siècle. Et puis l’histoire de l’Église nous apprend qu’il y a eu des persécutions bien au-delà de l’Empire romain, que ces persécutions continuent d’exister dans un certain nombre de pays du monde et qu’il est même difficile aux chrétiens que nous sommes, dans le pays où nous sommes, de dire et de montrer notre foi dans un certain nombre de circonstances. Cela nous est rendu effectivement difficile. Mais il se trouve, dans le passage des Actes des Apôtres que nous venons de lire, et dans un certain nombre de ceux que nous avons lus depuis Pâques dans la liturgie, des moments qui sont donnés, qui sont vécus par des chrétiens, avec force et même avec joie, avec le sentiment d’être habités par une lumière qui fait du bien à tous, pas simplement à ceux qui sont déjà croyants. On le voit très particulièrement, dans le passage que nous avons entendu, quand le gardien de prison va se suicider parce qu’il se dit : « Ça y est, les prisonniers que je dois garder sont en train de s’échapper ! » Et Paul dit : « Mais non nous n’allons pas nous échapper ! Nous sommes-là, n’aie pas peur, et si tu veux croire en Jésus, il te donnera au fond de toi-même une paix que, peut-être, tu n’imaginais pas jusqu’à présent. Tu vivais dans la peur et notamment la peur de perdre ton emploi, peut-être d’être condamné à mort parce que tu avais laissé partir les prisonniers que tu devais garder, alors tu étais prêt à te suicider ? Eh bien, non, je te le dis, tu peux faire confiance au Christ Jésus qui va changer ton existence. Je t’invite à garder l’espérance dans cette vie. » Et on voit que cet homme, ainsi que ses proches qui sont avec lui, vont demander le baptême - cela se fait un peu vite, il n’y a pas de longues années de préparation - et surtout manifester leur joie.

Je crois que c’est très important d’entendre cela, parce que, dans le pays où nous sommes, nous ne sommes pas persécutés violemment, bien sûr, mais nous sentons que c’est parfois difficile, et notamment dans la mission même de l’Enseignement catholique et des établissements catholiques d’enseignement. Il y a de la difficulté à être sûr qu’il est bon et juste d’être des témoins de la foi dans le monde d’aujourd’hui, y compris à l’intérieur d’un établissement comme le vôtre, et c’est une grande assurance qui nous est offerte par les lectures que nous venons d’entendre, par la vie de l’Église et par la vie dans les sacrements. Nous sommes faits pour entendre ceci.

Dans un établissement catholique d’enseignement, aujourd’hui, il est clair que nous avons vocation à accueillir les personnes quelles qu’elles soient, quand elles demandent à venir et qu’elles savent qu’elles sont dans un établissement catholique. Nous les accueillons et vous les accueillez, même si les jeunes ne sont pas baptisés, même si la pratique chrétienne de ceux qui se présentent n’est pas assurée, parce que vous vous dites que l’Évangile est fait pour tous. Nous nous disons que l’Évangile est fait pour tous : l’Évangile est fait pour être annoncé.

Bien sûr, ceux qui ne le veulent pas ne l’accueillent pas. Ceux qui disent : « Je ne suis pas croyant mais je veux venir ici » sont libres de venir et ils sont accueillis, ils peuvent continuer ce chemin en respectant le nôtre, en vivant quelque chose de profond ici, et c’est ce qu’ils cherchent.

Dans l’Enseignement catholique nous voulons aussi nous souvenir des raisons pour lesquelles les établissements catholiques existent. Et effectivement, à travers leur fondation, parfois très ancienne ou, souvent dans notre pays, au XIXe siècle, ce sont à la fois des prêtres, des religieux, des religieuses, parfois des laïcs, qui ont voulu soutenir l’éducation dans le pays d’une façon générale, qui ont voulu aider dans des quartiers souvent pauvres, qui ont voulu permettre à des personnes d’accéder à une vie meilleure par la belle éducation qu’on leur offre. Cela nous ne pouvons pas l’oublier : le désir des fondateurs de l’Enseignement catholique à quelque chose de très profond et il reste inscrit dans les établissements auxquels vous appartenez, dans cet établissement-ci et dans d’autres. Mais, à l’intérieur de cette liberté d’accueillir tout le monde, en se souvenant de ce que les fondateurs ont désiré, vous n’oubliez pas que, dans un établissement catholique d’enseignement, il est possible d’annoncer l’Évangile : à travers l’existence d’une chapelle comme celle-ci, à travers une façon éducative de parler, il est possible de dire ce que nous croyons, et que nous le croyons vraiment, profondément, de sorte que personne ne peut nous empêcher de le dire. C’est autorisé dans le monde où nous sommes, dans la société française, dans les accords par lesquels l’Enseignement catholique est reconnu : il est possible de tenir ce langage en respectant ceux qui ne le veulent pas, en respectant ceux qui ne sont pas chrétiens, ceux qui sont éventuellement d’une autre religion ou qui n’en n’ont pas du tout. Nous ne pouvons pas être empêchés de dire que nous croyons.

Et puis, dans un établissement catholique d’enseignement, nous sommes capables d’offrir la possibilité à ceux qui veulent vivre leur foi à l’intérieur de l’établissement de se rassembler, de prier, sans gêner ceux qui ne croient pas, d’écouter la Parole de Dieu, de recevoir les sacrements, de célébrer la joie d’être croyant. Le texte des Actes des Apôtres, que nous avons lu à l’instant, termine en effet par ceci : « Puis il fit monter chez lui Paul et Silas, il fit préparer la table et, avec toute sa maison, il laissa déborder sa joie de croire en Dieu. » Quand je lis « la joie de croire » je suis toujours très heureux parce que c’est ma devise, ma devise d’évêque au milieu de vous. Et je suis toujours heureux de vivre cela, vivre la foi, vivre l’attachement à Jésus, vivre l’attachement aux pratiques chrétiennes de l’écoute de la Parole de Dieu, de l’écoute des autres, de la prière et de la vie sacramentelle. Je suis toujours heureux de me dire : « Cela peut se partager, être chrétien, être croyant, c’est quelque chose que nous avons le désir de partager sans obliger qui que ce soit. Ce que je vis me fait vivre en profondeur quelque chose de fort et de beau et j’ai envie de le faire connaître. » Voilà ce que nous vivons à l’instant.

Dans un instant, je vais bénir cet autel où on va mettre une relique du corps de Carlos Acutis, un jeune que le pape Léon XIV va canoniser d’ici quelques semaines. Il est déjà bienheureux et nous avons beaucoup de chance de pouvoir faire référence à ce jeune qui était si attaché à la prière, à l’écoute de la Parole de Dieu, à la pratique des sacrements et au témoignage de sa foi avec beaucoup de simplicité et beaucoup d’authenticité.

Gardons tout cela dans le cœur et disons-nous qu’avec cette chapelle Notre-Dame de l’Espérance, nous vivons quelque chose de beau dont nous témoignons au jour le jour et nous en sommes heureux et joyeux.

+Laurent Ulrich, archevêque de Paris

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