Homélie de Mgr Laurent Ulrich - Messe à Saint-Germain l’Auxerrois

Dimanche 11 septembre 2022 - Saint-Germain l’Auxerrois (1er)

"La joie de Dieu"

– 24e dimanche du temps ordinaire – Année C
- Ex 32,7-11.13-14 ; Ps 50, 3-4.12-13.17.19 ; 1 Tm 1,12-17 ; Lc 15,1-32

Qu’il est beau ce texte de l’Exode que nous venons d’entendre en première lecture. Nous avons vu, là, qu’en effet Dieu est fâché, Dieu est en colère contre son peuple qu’il a pourtant sorti de l’esclavage, et il aurait espéré que son peuple lui soit tout à fait reconnaissant bien sûr ! Mais voilà que ce peuple a choisi de céder à d’autres esclavages, des esclavages de dieux anciens. On peut traduire aujourd’hui : des esclavages de toutes sortes, de ces choses sur lesquelles nous fondons peut-être notre vie, par exemple les succès technologiques, ou les besoins économiques satisfaits, et nous croyons que c’est cela qui nous mène à la vie que Dieu cherche pour nous.

Moïse est un familier de Dieu : quand je dis un familier de Dieu je veux dire quelqu’un qui se rend souvent aux rendez-vous que le Seigneur lui fixe, un homme de prière, un homme qui se tourne vers le Seigneur pour comprendre ce qu’il lui demande. Ce familier de Dieu sait qu’il y a en Dieu plus que la colère, autre chose que la colère, il y a en Dieu bien plus que la fâcherie, le désir de se venger : il y a le désir de faire miséricorde, il y a le désir de faire connaître la bonté qui est la sienne, il y a le désir de faire connaître à ce peuple qu’il l’aime et qu’il a envie de son salut, il n’a pas envie d’abord de le punir. Moïse a compris cela parce qu’il est un familier de Dieu, et qu’il est entré un peu dans le mystère du cœur de Dieu qui aime, et il lui rappelle. Il lui dit : tu ne vas pas punir. Et Dieu cède à Moïse, et il lui dit en effet : je ne vais pas punir.

Moïse, vous le savez, est - pour nous chrétiens - une préfiguration du Seigneur Jésus. C’est-à-dire qu’il montre comment on peut se comporter avec Dieu. Bien sûr Jésus est beaucoup plus, il n’est pas simplement un familier de Dieu, il est son Fils unique, son Fils chéri, et Jésus est en relation constante avec son Père. L’évangéliste Luc note souvent la prière de Jésus : Jésus s’éloigne pour prier, pour être en relation avec son Père et entrer, bien plus qu’il est possible pour nous, dans le cœur de son Père. Et Jésus sait comme Moïse, et mieux que Moïse, qu’il est venu lui, Jésus, pour faire bénéficier par le don de sa vie, par sa Parole, par ses gestes, par ses actes, pour faire profiter à travers sa vie, sa mort et sa résurrection, le Peuple de Dieu de la miséricorde de Dieu. Aussi bien, quand il se sent attaqué par les pharisiens et leurs scribes, comme dit l’évangéliste, parce qu’on lui dit : tu fréquentes des gens de mauvaise vie, les publicains, c’est-à-dire les corrompus, et les pécheurs, comme il est dit dans l’évangile - et c’est chacun de nous probablement – des pécheurs c’est-à-dire ceux qui renient l’amour de Dieu, il leur raconte ces trois histoires que nous venons d’entendre. Pour leur dire : Dieu est toujours en mouvement pour aller vous chercher, Dieu est toujours prêt à sortir de lui-même, à sortir de chez Lui pour venir chez nous, chez vous, et vous faire revenir à Lui, vous faire profiter de sa miséricorde, de son pardon, de sa bonté, de son désir que nous partagions sa vie avec Lui.

Et voilà pourquoi il raconte comment Dieu, comme un père, comme une mère, comme une femme, comme un berger, est capable de sortir pour aller rechercher la brebis perdue, pour aller rechercher la pièce d’argent perdue, égarée sous un tapis ou sous un meuble dans une demeure un peu obscure et pauvre, comment il est capable de sortir à la rencontre de ce fils qui l’avait quitté, qui avait quitté son amour et qui revient, comment il est capable aussi de sortir pour aller à la rencontre du deuxième fils, le fils aîné : « il sortit pour l’implorer de rentrer ». Dieu ne cesse pas de sortir pour aller à la recherche de chacun d’entre nous, pour aller à la recherche de ceux qui sont loin, de ceux qui se sont égarés dans les chemins de la vie, de ceux qui n’ont jamais entendu parler de Lui, tout simplement pour augmenter sa joie à Lui, et la nôtre.

Comme prêtre, comme évêque, je peux témoigner de la joie qui m’habite quand je rencontre quelqu’un, quand je découvre quelqu’un, quand je lis une lettre de quelqu’un, qui me dit : je m’étais égaré sur les chemins de la vie, j’avais oublié que j’étais aimé, je ne savais pas comprendre les signes que Dieu me faisait depuis si longtemps, mais voilà qu’à telle occasion, à tel moment de ma vie, à cause de telle circonstance, j’ai compris que j’étais aimé et je viens vers Lui, et je viens vous le dire à vous parce que vous êtes prêtre, parce que vous êtes évêque. Je peux dire la grande joie que c’est pour moi, la grande joie que c’est pour n’importe qui d’entre vous, peut-être, de voir quelqu’un s’approcher du Christ.

Ah je voudrais bien que chacun d’entre nous nous soyons toujours désireux de la joie de Dieu, que nous soyons toujours désireux de ce que le Pape appelle « la joie de l’évangile », parce que c’est une joie d’être avec le Seigneur, c’est une joie de voir qu’il y a un chemin et qu’il mène quelque part, c’est une joie de savoir qu’on est aimé et de savoir que quelqu’un a découvert qu’il est aimé. Que nous soyons laïcs, que nous soyons en mission, que nous soyons diacres, prêtres ou évêques, ah que je voudrais que nous soyons tous hantés par le désir de partager la joie de Dieu, la joie de ceux qui reviennent vers Lui. Non pas pour faire du nombre, non pas pour qu’on dise : il y a du monde dans nos églises. Mais d’abord pour qu’on dise : heureusement il y a des hommes et des femmes qui trouvent le chemin du Seigneur, qui trouvent l’accomplissement de leur vie, la joie qui est la leur est celle de Dieu lui-même.

+Laurent Ulrich, archevêque de Paris.

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