Homélie de Mgr Laurent Ulrich - Messe à Saint-Philippe du Roule
Dimanche 4 décembre 2022 - Saint-Philippe du Roule (8e)
– 2e Dimanche de l’Avent – Année A
- Is 11,1-10 ; Ps 71,1-2.7-8.12-13.17 ; Rm 15,4-9 ; Mt 3,1-12
D’après transcription
Celui qui nous est annoncé aujourd’hui, dans la première lecture, c’est l’Esprit, l’Esprit de Dieu qui vient habiter toute chose et qui vient habiter le cœur des hommes. Ce n’est pas d’abord le nom du Christ que nous entendons dans cette première lecture, mais le nom de l’Esprit, que nous reconnaissons présent dans le Christ Jésus, bien sûr. Mais nous nous arrêtons aujourd’hui sur ce que fait cet Esprit de Dieu dans le monde où nous sommes et dans le cœur des hommes. Nous comprenons que cet Esprit, comme il est dit dans le livre d’Isaïe, il est rempli « de sagesse et de discernement, de conseil et de force, de connaissance et de crainte du Seigneur », le mot « crainte » ne signifiant pas une crainte peureuse mais un respect amoureux de Dieu. A peu de chose près, cette formule que je viens de lire est celle que nous lisons, que j’ai dite hier soir, dans la prière pour les confirmés. La prière de confirmation des chrétiens contient ces six mots que je viens de dire, auxquels on rajoute l’Esprit d’adoration filiale.
Donc ces mots-là désignent l’œuvre de l’Esprit dans le monde, l’œuvre de l’Esprit dans le cœur des hommes. Et nous reconnaissons que c’est cet Esprit-là, Esprit de Dieu, qui est aussi l’Esprit du Fils que nous attendons. Et que fait-il avec cette sagesse et ce discernement, avec ce conseil et cette force, avec cette connaissance et ce respect du Seigneur ? Que fait-il ? Il fait toute chose nouvelle. Il fait d’abord un monde dans lequel on respecte les plus petits. Il est dit : « il jugera les petits avec justice, avec droiture, il se prononcera en faveur des humbles du pays. » L’Esprit de Dieu est d’abord un Esprit qui tient compte, le mieux possible, de ceux qui sont les plus fragiles dans l’humanité. Et, en même temps, cet Esprit de Dieu fait un monde nouveau, une création renouvelée, dans laquelle le loup et l’agneau, le lion et le veau sont capables de cohabiter et de se laisser diriger par un petit garçon. Un monde, donc, pacifié, où les relations entre les forts et les faibles sont des relations d’entraide, de respect mutuel, y compris dans la création animale, pas simplement chez les hommes. Belle image de ce que le Seigneur prépare.
Surgit peut-être dans votre esprit une question : est-ce que le monde écologiquement propre que nous essayons de préparer dans l’avenir, est déjà ce monde de Dieu ? D’une certaine façon nous pouvons espérer qu’il le soit. Mais nous le traitons souvent en pensant que nos inventions technologiques seront capables de réparer les maux que les générations précédentes et la nôtre ont fait à cette terre, et il n’est pas sûr que nous corrigions tout à fait, d’un moment à un autre, d’une génération à une autre, ce mal qui a été entrepris. Et en même temps, nous espérons que ce qui se passe là dit déjà quelque chose.
Il manque cependant de croire, de penser que le monde nouveau que Dieu prépare, est un monde dans lequel, d’abord, on fait attention aux plus humbles, aux plus petits ; un monde dans lequel on est capable de respecter la vie naissante ; un monde dans lequel on est capable de respecter la vie mourante et les angoisses à l’approche de la mort, dans un accompagnement fraternel qui va essayer de faire vivre jusqu’au bout ; un monde dans lequel les pauvres et les humbles sont l’objet de toutes nos attentions ; un monde dans lequel les peuples en guerre demandent aussi et notre prière et notre aide pour que cesse l’esprit de domination et de guerre qui habite tellement les générations. Ce monde-là, c’est le monde des hommes que Dieu veut voir réconciliés par son Esprit qui produit ainsi cette justice et cette paix. Et qui est capable, alors, de transformer aussi la terre, parce qu’il respecte les petits et les pauvres, de produire du respect pour le monde qui nous environne, parce qu’il est l’œuvre de Dieu et parce qu’il est le monde dans lequel Dieu veut que nous vivions.
Alors, bien sûr que les efforts de l’écologie que nous soutenons de notre façon de vivre, sont nécessaires, mais dans l’attente du Sauveur nous savons aussi que notre manière de nous comporter les uns à l’égard des autres, avec justice et droiture, fait partie de ce renouvellement du monde.
C’est la grande formule que le Pape François a utilisée dans sa grande encyclique de 2015, sur la protection de la nature : « tout est lié », a-t-il dit. Et c’est bien ce que cela veut dire : le respect des humbles et le respect de la terre vont ensemble et ils sont l’œuvre de Dieu. Et c’est ce que nous attendons, et c’est ce que nous essayons de construire par notre attitude humble, simple, faire en sorte de vivre nous-mêmes simplement, pour que tous puissent simplement vivre.
Le philosophe Bruno Latour - quelques jours avant de mourir au début du mois de septembre de cette année - avait préparé un livre qui vient de paraître et qui s’intitule Qui perd la terre, perd son âme. Et il indique que la grande nouveauté de la réflexion chrétienne sur ce sujet, c’est justement le « tout est lié » du pape François, et que c’est le vrai renouvellement qui doit être attendu. Nous attendons le Sauveur de l’Humanité, nous attendons qu’il nous convertisse nous-mêmes, et qu’il nous permette de vivre simplement pour que chacun puisse simplement vivre.
Que le Seigneur nous prépare à sa venue de cette façon. Que le Seigneur nous ouvre le cœur et nous laisse nous transformer. C’est la prière que nous faisons pour nous-mêmes, communautés chrétiennes, mais aussi pour toute l’Église et pour tous nos frères sur toute la terre.
+Laurent Ulrich, archevêque de Paris