Homélie de Mgr Laurent Ulrich - Messe à Saint-Germain l’Auxerrois

Dimanche 11 décembre 2022 - Saint-Germain l’Auxerrois (1er)

La joie d’être dans l’attente

– dimanche de Gaudete, 3e semaine de l’Avent — Année A

- Is 35, 1-6a.10 ; Ps 145 (146), 7, 8, 9ab.10a ; Jc 5, 7-10 ; Mt 11, 2-11
D’après transcription

Le prophète Isaïe qui annonce toujours la lumière et le bonheur pour ceux qui écoutent sa parole, nous inquiète quand même cette fois-ci. Parce qu’il manifeste qu’on peut avoir peur, qu’on peut avoir peur de l’avenir, que l’on peut être un peu désemparé devant ce qui va arriver, même quand l’avenir c’est le jour du Seigneur, le jour, est-il dit par le prophète, de la vengeance, de la revanche de Dieu. Le fait que Dieu vienne à nous peut créer chez nous, même chez les croyants, une certaine peur de ce qui va arriver, du jugement que Dieu pourrait porter sur nous. Une angoisse devant les moments difficiles à vivre qui est souvent symbolisée et ramassée dans la peur de la mort. Quelqu’un me confiait, il y a très peu de temps, qu’il avait peur de la souffrance finale et de la mort. On peut avoir peur, mais aller au-devant de ce qui vient est pour nous source de paix – du moins le croyons-nous fortement. Et le prophète Isaïe nous invite à, justement, ne pas avoir peur. Il dit : « Dites aux gens qui s’affolent : ne craignez pas, le Seigneur vient. » Et voilà la bonne nouvelle que nous entendons aujourd’hui, la venue du Seigneur, l’avenir qui nous est préparé, quel qu’il soit, est pour nous source de joie, est pour nous source de paix.

L’évangéliste, ce soir, nous dit aussi que Jésus est interrogé sur ce qui vient. Il est interrogé par Jean le Baptiste, et le Baptiste se demande : « Es-tu celui qui doit venir ou devons-nous en attendre un autre ? ». Et, pour le Baptiste, la question rejoint celle d’Isaïe, est-ce que nous devons avoir peur ou bien est-ce que nous pouvons être encouragés ? La réponse de Jésus est très claire : « Les aveugles voient, les boiteux marchent, les sourds entendent, et la Bonne Nouvelle est annoncée aux pauvres. » C’est ce que dit Isaïe aussi. Et donc Jésus, très fortement, prend la suite du prophète et dit : ce qui se passe en ce moment, ce que vous voyez - et il évoque les guérisons dont lui-même est l’auteur auprès des gens malades, des infirmes, des gens portant des handicap–. Jésus dit clairement, à la suite d’Isaïe : c’est bien le jour du Seigneur qui arrive puisque je fais toute chose nouvelle, puisque je redonne courage à ceux qui en manquent, puisque je redonne vie à ceux qui étaient mis de côté. Voilà la source de la paix et de la joie, il y a des signes, des signes véritables, que nous pouvons regarder.

Il est possible d’avoir peur de l’avenir, c’est une réaction normale, humaine, psychologiquement compréhensible, mais il nous est dit qu’il faut accueillir cette peur comme un signe, un signe de ce qui se passe d’important et de nouveau. Et ce qui se passe d’important et de nouveau c’est en effet que tous ceux qui sont dans la peine sont remis debout face à un avenir qui est beau pour eux.

Aujourd’hui nous le voyons cet avenir, nous voyons ces signes que le Seigneur nous envoie. Quand je me rends compte que, ici-même à Paris, et dans tant d’autres endroits, il y a tant d’initiatives magnifiques pour redonner du courage à des gens qui l’ont perdu, pour redonner vie à des gens qui se savent conduits presque à la mort, de redonner la possibilité d’être intégré à la vie sociale alors qu’on croyait être mis de côté, marginalisé, pas accueilli. Il y a tant d’initiatives dans cette église-ci pour que des hommes et des femmes retrouvent courage. Je vois que ces initiatives se renouvellent en permanence, elles s’agrandissent. Depuis qu’Hiver Solidaire a été créé ici dans le Diocèse de Paris, le nombre des paroisses qui veulent répondre à cet appel d’accueil des gens de la rue pendant l’hiver augmente d’année en année, le nombre des personnes accueillies aussi, le nombre des bénévoles qui s’y dévouent aussi. Les gestes de bienveillance, d’amour fraternel, ne sont pas réduits à peu de chose, et ils montrent que le jour du Seigneur se présente, et ils montrent que la conversion des cœurs se fait, et ils montrent que l’attention grandit les uns pour les autres. C’est un signe de revitalisation, c’est un signe qui ne trompe pas.

Quand je vois aussi, au milieu des malheurs du monde et des malheurs de l’Église, que tant d’hommes et de femmes, arrivés à l’âge adulte, se tournent vers le Seigneur, demandent le baptême, demandent la confirmation, je me dis que, là aussi, il y a un signe magnifique.

Alors, ce soir, le message c’est que la joie qui nous habite, elle est dans l’attente du jour du Seigneur. Au milieu de ce temps de l’Avent, l’Église a toujours voulu célébrer la joie dans ce troisième dimanche. La joie qui est, non pas de posséder dès maintenant le Seigneur et d’être en sa présence, mais la joie d’être dans l’attente. Et nous sommes alors invités à regarder ce qui se passe et à comprendre que des gestes, qui paraissent minimes, des signes qui paraissent tout petits, sont les signes du retournement que le Seigneur prépare dans le cœur des hommes.

Gardons cette confiance très forte à notre cœur. Remplissons notre cœur de la joie de l’attente du Seigneur, et soyons-en simplement témoins autour de nous. C’est ce que le Seigneur nous demande en ce soir.

+ Laurent Ulrich, archevêque de Paris

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