Homélie de Mgr Laurent Ulrich - Messe à Sainte-Geneviève des Grandes Carrières
Dimanche 18 décembre 2022 - Sainte-Geneviève des Grandes Carrières (18e)
Dieu sauve.
– 4e dimanche de l’Avent – Année A
- Is 7,10-16 ; Ps 23,1-6 ; Rm 1,1-7 ; Mt 1,18-24
D’après transcription
Qu’est-ce que nous apprenons de l’action de l’Esprit Saint dans l’évangile que nous venons d’entendre ? Trois fois son nom est prononcé au cours de cet évangile. Nous savons, nous comprenons que l’Esprit Saint avait tourné le cœur de la Vierge Marie depuis sa naissance - nous avons fêté l’Immaculée Conception - tout entier vers Dieu. L’Esprit de Dieu était avec elle, et elle était tout entière tournée vers Dieu, corps et âme. On peut dire que, grâce à l’Esprit Saint, elle faisait corps avec Dieu d’une certaine façon et elle recevait tout de Lui, y compris cet enfant qu’elle attendait. Mais voilà que nous entendons aussi que l’Esprit Saint agit dans le cœur de Joseph. Nous voyons qu’il réagit d’abord comme un homme, un homme avec son honneur et l’honneur de sa future épouse ; un homme qui réfléchit, un homme qui pense avec son intelligence, sa connaissance de la Loi de Dieu. Et puis voilà que l’Esprit agit dans son cœur à lui aussi, pour qu’il fasse ce que Dieu attend de lui, c’est-à-dire être celui qui accueillerait dans sa famille le Fils de Dieu.
Voilà l’Esprit qui agit dans un cœur humain, celui de la Vierge Marie, celui de Joseph, avec des façons d’être différentes, il n’agit pas pour tous de la même façon mais il agit dans le cœur des hommes et les ouvre au projet de Dieu. C’est ce que nous pouvons demander pour nous-mêmes, d’être peu à peu, de plus en plus, envahis par l’Esprit de Dieu pour que nous fassions ce que Dieu attend de nous, ce que Dieu désire que nous fassions pour faire comprendre, pour faire connaître, pour vivre davantage en nous-mêmes, et en être témoin, du mystère de Dieu présent au milieu des hommes. C’est une nouvelle extraordinaire dont nous sommes bénéficiaires et que nous sommes chargés d’annoncer et de faire vivre à travers notre existence de tous les jours. Montrer, par notre vie, par notre témoignage de vie, par notre parole parfois, que Dieu est proche de chacun des hommes.
Parce que cela continue dans les textes que nous avons entendus, nous pouvons continuer de méditer en entendant les noms qui sont donnés à Jésus. D’abord le nom d’Emmanuel, Dieu avec nous. Il y a tellement de gens, à travers l’histoire et encore aujourd’hui bien sûr, qui pensent que s’il y a un Dieu il n’est pas tellement ami des hommes. S’il y a un Dieu, le mal qui sévit dans le monde ne devrait pas exister, et par conséquent Dieu est plutôt contre nous, contre les hommes.
Il y a aussi beaucoup de gens, et de plus en plus, dans notre société, qui pensent que Dieu est soit inexistant, soit inutile, qu’Il ne sert à rien, qu’Il n’est pas vraiment une aide pour les hommes, et que croire en Lui n’apporte rien à leur vie. Et bien nous nous croyons, au contraire, que Dieu n’est pas contre les hommes, que Dieu n’est pas indifférent aux hommes. Nous croyons qu’Il est là, qu’Il porte quelque chose en eux, qu’Il est fait pour vivre avec nous, qu’Il a choisi d’être présent au cœur de nos existences. Dans le monde d’aujourd’hui, ce témoignage a besoin d’être donné. Nous nous rendons bien compte que tout le monde ne le croit pas, mais nous aurions bien tort de cesser de donner ce témoignage de Dieu, qui se donne à tout homme, de Dieu qui se rend proche dans l’enfant que nous attendons et que nous accueillerons samedi ou dimanche prochain dans la crèche.
Dieu avec nous, cela n’est pas une histoire ancienne, c’est une histoire d’aujourd’hui, et beaucoup de nos contemporains attendent probablement que nous leur donnions le témoignage de cela.
Et puis il y a un autre nom qui est donné au Fils de Dieu, c’est le nom de Jésus, dont l’Évangile nous explique qu’il signifie : Dieu sauve. Peut-être que nous avions un peu perdu le sens de ce mot : Dieu sauve. Qu’est-ce que c’est que le Salut que Dieu nous apporte ? Et il me semble que depuis peu de temps, dans les situations bien difficiles que nous avons vécues et que nous continuons de vivre - je pense à la situation de la pandémie, je pense aux guerres qui reviennent, je pense aux souffrances diverses qui agitent la vie des hommes, je pense aux maux qui traversent la vie de l’Église - nous avons redécouvert, peut-être avec plus de force, de quoi nous pourrions être sauvés, qu’est-ce que ce serait que d’être sauvé, de recevoir le Salut de Dieu ? Nous comprenons que, dans le monde d’aujourd’hui, nous avons probablement besoin d’être sauvés de l’enfermement sur nous-mêmes. Nous vivons souvent, dans le monde d’aujourd’hui, chacun sur sa petite planète, avec de la difficulté à créer des liens avec ceux qui nous entourent, des liens de fraternité. Nous avons besoin d’être sauvés de la fermeture sur nous-mêmes. Je ne dis pas cela pour chacun d’entre nous puisque nous faisons effort en venant à l’église de nous rapprocher les uns des autres, mais c’est un besoin très fort dans notre société, dans notre monde. Et notre témoignage de foi compte pour essayer de rétablir, le plus possible, de ces relations qui manquent et qui rendent la vie de l’humanité si fragile parce qu’elles ne cherchent pas la cohésion.
Nous avons certainement besoin d’être délivrés, d’être sauvés de la puissance de l’argent qui est un Dieu dans le monde d’aujourd’hui, peut-être plus que jamais. Beaucoup continuent de le chercher avec âpreté, et beaucoup en manquent. Il est pourtant fait, cet argent, pour créer de la relation et permettre des échanges. Voilà la puissance de l’argent qui est un dieu et qui pourrit les relations dans l’humanité. Nous avons certainement besoin d’en être sauvés et nous le demandons au Seigneur.
Nous avons certainement aussi besoin d’être sauvés de l’esprit de domination qui crée la guerre. La guerre n’est pas seulement en Ukraine, la guerre n’est pas seulement dans différentes parties du monde, et nous savons bien qu’il y a tant d’oppositions, de violence de toutes sortes, qui agitent notre monde que nous avons besoin de demander au Seigneur, avec insistance, d’être sauvés de l’esprit de domination, non pas l’esprit de domination des autres, mais déjà le nôtre. Nous avons besoin d’être ouverts au désir de servir davantage. Et puis, probablement, nous avons besoin d’être ouverts plus encore à Dieu lui-même - l’oubli de Dieu, dont le désir le plus fort est que notre cœur soit ouvert à Lui - pour être ouvert aux autres, c’est un besoin fort. Nous sentons bien, sans vouloir contraindre qui que ce soit à croire en Dieu, qu’une société qui oublie à ce point le Seigneur, qui oublie à ce point le don de la vie, qui oublie à ce point le Créateur, est une société qui peu à peu s’enferme, est une société qui peu à peu oublie la fraternité. Si nous cherchons à être frères c’est parce que nous croyons que nous avons un Père commun qui nous a envoyé son Fils, notre frère aîné.
Que le Seigneur nous permette de redécouvrir combien le Salut nous l’attendons, et combien le monde dans lequel nous sommes attend que le témoignage, par notre foi, de ce Salut attendu soit donné. Que le Seigneur nous vienne en aide.
+Laurent Ulrich, archevêque de Paris