Homélie de Mgr Laurent Ulrich - Messe d’action de grâce pour les 30 ans de la fondation de la paroisse Sainte-Colette des Buttes-Chaumont

Dimanche 5 février 2023 - Sainte-Colette des Buttes-Chaumont (19e)

– 5e Dimanche du Temps Ordinaire – Année A

- Is 58,7-10 ; Ps 111,1.4-9 ; 1 Co 2,1-5 ; Mt 5,13-16
D’après transcription

C’est une joie de me trouver parmi vous pour fêter sainte Colette et pour fêter les 30 ans de cette paroisse. Et à cette occasion, nous entendons des lectures qui nous ouvrent bien le cœur. D’abord tirée du livre d’Isaïe, faisant allusion à des événements qui se passent six siècles avant Jésus, à un moment où le peuple de Dieu est en train de rentrer à Jérusalem, après un demi-siècle d’exil, d’exil forcé, d’exil politique forcé. Ils sont en train de rentrer, ou certains sont déjà rentrés, et le prophète, de la part de Dieu, leur dit : c’est bien d’être rentrés chez vous, c’est bien d’avoir retrouvé la maison, c’est bien d’avoir envie de retrouver le temple et de le reconstruire, le Temple où vous venez honorer le Seigneur, mais cela ne suffit pas. Il ne suffit pas d’être heureux d’un petit bonheur, d’être rentré chez soi. N’oubliez pas de qui vous venez, d’où vous venez, c’est Dieu qui vous a ramenés ici, et donc vous êtes faits pour rendre gloire à Dieu de ce qu’il a fait pour vous. Et pour rendre gloire à Dieu, vous êtes fait pour vous occuper des autres. Ne soyez pas simplement tout heureux d’être chez vous, ne vous enfermez pas sur votre chez vous, soyez ouverts à tous ceux qui ont besoin de vous. Ceux qui n’ont pas à manger, ceux dont les habits ne sont plus que des haillons, ceux qui n’ont pas d’abri pour dormir, ceux qui sont encore dans une forme d’esclavage, soyez attentifs à tous. Et c’est comme cela que vous remercierez Dieu du bienfait qu’il vous a fait d’être sortis de l’exil, d’être rentrés à la maison et de pouvoir de nouveau louer Dieu à Jérusalem. Voilà comment vous ferez.

Beaucoup plus longtemps après, après Jésus même, saint Paul, écrivant à l’une des premières communautés qu’il a fondées, leur dit : dans mon cœur il y a eu une découverte formidable, la découverte de Jésus sur la route de Damas - on connaît cette histoire. Et depuis le moment où j’ai rencontré le Christ, je n’ai plus qu’une seule envie, animée par l’Esprit de Dieu. Ce n’est pas moi qui le fait, c’est Dieu, et son Esprit, qui le fait à travers moi : c’est de faire connaitre la grâce que j’ai reçue d’être croyant. Le bonheur que j’ai d’être disciple de Jésus, cela n’est pas moi, dit-il, qui le sait ; ce n’est pas parce que je serais un écrivain très habile ou un orateur excellent, je n’ai pas fait des grands raisonnements, des grandes déductions pour vous impressionner ; je vous ai simplement livré le fond de mon cœur. Et le fond de mon cœur est habité désormais par Jésus, vivant dans le cœur des hommes, vivant au milieu des hommes, vivant avec nous, ressuscité et témoignant d’une puissance extraordinaire qui change la vie. Voilà ce que j’ai découvert avec Jésus. Et voilà ce que je veux partager. Désormais, je suis fait pour partager la foi.

Quand il s’agissait du langage d’Isaïe c’était « fait attention aux autres, subvient aux besoins de tous ceux qui comptent sur toi » et ce n’était pas simplement un langage qui s’adresse à chacun de nous personnellement mais c’était un langage qui s’adressait au peuple de Dieu tout entier, à une communauté chrétienne tout entière, pour nous aujourd’hui. Et saint Paul, c’est la transmission d’un bien spirituel. Isaïe c’était un bien matériel et saint Paul c’est un bien spirituel. Et dans les deux cas, il s’agit de témoigner de la force de Dieu dans la vie des hommes, et c’est très beau. Et c’est un grand moment de pouvoir être témoin de Dieu dans la vie des hommes, à travers le service. Le service matériel que l’on peut rendre à ceux qui sont dans le besoin, ou à travers le témoignage de la foi dans le Christ vivant et ressuscité qui habite le cœur des croyants, notre cœur à nous. Ce que nous avons compris, découvert, grâce à la foi en Jésus vivant, nous avons le désir le plus profond de le montrer.

Alors c’est comme cela que nous pouvons comprendre les phrases d’évangile que nous venons d’entendre. Vous êtes le sel de la terre, vous êtes la lumière du monde, vous êtes comme une ville située sur une montagne et que l’on voit bien, et dont on se dit qu’elle est le but de notre voyage. Dans ce langage de Jésus à l’égard de ses disciples, il n’y a pas de risque de péché d’orgueil pour nous. Ce n’est pas nous qui sommes des lumières, non, on n’est pas des lumières, on est des gens ordinaires, des gens simples, on est des gens habités simplement par le désir et le bonheur d’être touchés par Dieu. L’honneur et le bonheur d’être touchés par Dieu, touchés par son amour, c’est cela que veut dire Jésus. Vous êtes faits pour les autres et vous êtes faits pour Dieu. C’est cela que veut dire : vous êtes le sel, vous êtes la lumière, vous êtes comme une ville. Votre vie désormais, touchée par le Seigneur Jésus, est une vie faite pour Dieu et une vie faite pour les autres. C’est comme cela que nous le comprenons, c’est comme cela que nous essayons de le vivre.

Alors, parfois, il faut se laisser interpeller par ce qui n’est pas nous, par ce qui vient de l’extérieur, le témoignage qui est donné par d’autres. Vous avez peut-être vu, car cela circule sur les réseaux sociaux, cela se promène sur nos ordinateurs et nos téléphones, ce sketch de Gad Elmaleh qui dit : vous les catholiques, je vous admire, vous avez une foi magnifique, vous avez dans le cœur un trésor incroyable, et ce que je ne comprends pas c’est que vous soyez si timides pour le dire. Vous êtes toujours un peu gênés, vous n’osez pas dire que vous êtes croyants, que vous êtes porteurs de la foi magnifique qui vous est confiée.

Il faut prendre cela, bien sûr, avec un grain de sel, comme on dit. C’est-à-dire que c’est une critique qui nous est adressée mais que nous pouvons écouter, que nous pouvons entendre comme un vrai témoignage de quelqu’un qui chemine dans la foi, dans la vérité, qui cherche le Seigneur, et qui nous dit : si vous l’avez vraiment découvert, cela doit se voir.

Dans notre diocèse de Paris, en ce moment, c’est le temps de l’hiver et de l’Hiver Solidaire. Beaucoup de paroisses, qui le peuvent, qui ont des locaux, et qui ont du monde pour le faire, accueillent pendant tout l’hiver des personnes qui sont habituellement à la rue. Et depuis 15 ans - on va fêter cela la semaine prochaine - il y a donc ce bel effort des paroisses qui, de plus en plus nombreuses, offrent ce service de l’accueil. Et cela correspond à ce qu’Isaïe dit au peuple de Dieu : faites attention à ceux qui ont besoin, qui sont dans le besoin. C’est une manière de transmettre la vitalité qui nous vient du Seigneur, c’est une manière de la transmettre, faire attention aux besoins. Je vois dans cette paroisse qu’on est très attentifs à cela.

Dans d’autres paroisses on est très attentifs, et je le vois parce que je suis en train de lire des lettres qui viennent d’adultes qui demandent le baptême. Et dans un certain nombre de paroisses, il y a des personnes qui se préparent au baptême, étant adultes, et qui sont accueillies, encouragées, aidées par le témoignage de chrétiens. Et le témoignage de chrétiens est d’autant plus sollicité qu’il est interrogé par des gens qui cherchent. Et enfin, dans cette paroisse-ci Sainte-Colette, sainte Colette reste pour vous un exemple et qui dépasse largement votre paroisse. Dans ce lieu, cette géographie, ce coin de Paris - qui est marqué par saint François d’Assise, à quelques rues d’ici, sainte Claire - et sainte Colette parce qu’elle est de tradition franciscaine - deux ou trois paroisses sont marquées par ce désir de chanter la louange de Dieu. Sainte Colette a passé sa vie à vouloir, en réformant l’ordre des Clarisses. Parce que l’histoire est toujours ainsi : il y a de belles créations et puis parfois, un siècle ou deux après, cela devient un peu plus oublié et donc il faut ressusciter. Sainte Colette a été de ces personnages qui ont fait revivre la belle intuition franciscaine et des Clarisses en réformant l’ordre des Clarisses et en fondant je ne sais combien de monastères, dont une grande partie dans ma région d’origine, en Bourgogne et en Franche-Comté. Et elle continue de faire du bien. On continue de la prier comme nous venons de le voir. Des personnes dans le besoin s’adressent à elle avec la certitude qu’elle transmet à Dieu la prière que vous lui adressez.

Que notre foi à nous soit toujours ressuscitée, et que nous ayons bien conscience que grâce au trésor qui est dans nos cœurs, nous pouvons vivre pour les autres et pour Dieu.

Que le Seigneur, lui-même, nous en donne la force. Que son Esprit nous assiste. Que les beaux témoignages qui nous sont donnés nous encouragent. Que sainte Colette ne cesse de prier pour nous et pour tout le peuple de Dieu.

+Laurent ULRICH, archevêque de Paris

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