Homélie de Mgr Laurent Ulrich - Messe du Frat dans le sanctuaire Notre-Dame de Lourdes
Mercredi 26 avril 2023 - Sanctuaire Notre-Dame de Lourdes (64)
Dépasser la peur.
– 3e Semaine du Temps Pascal – Année A
- Ac 8,1b-8 ; Ps 65 1-3a, 4-5, 6-7a ; Jn 6,35-40
D’après transcription
De quoi avaient-ils peur les premiers chrétiens, ceux qui étaient à Jérusalem, les membres de la première communauté chrétienne ? Bien sûr ils avaient peur de la persécution, ils avaient peur qu’on les fasse tous mourir. Et donc il y en a l’un ou l’autre, comme Étienne, qui a été lapidé et que l’on a fait disparaître de cette communauté chrétienne. Et il y a d’autres qui ont quitté Jérusalem. Est-ce qu’ils avaient vraiment peur ? Peut-être. Est-ce qu’ils craignaient que disparaissent ce petit groupe et cette foi nouvelle, en Jésus, qui les touchait ? Peut-être. De quoi Paul - Saul comme on l’appelle encore dans la première lecture - avait-il peur ? Probablement avait-il peur que ce nouveau petit groupe des disciples de Jésus vienne révolutionner de façon trop forte la foi qui était en lui, la foi juive qui était en lui. Il avait certainement peur, il avait probablement compris qu’il y avait là un ferment, une force, qui allait peut-être empêcher la foi juive de persister. Et alors qu’est-ce que l’on voit après ? Que s’est-il passé ? Ils ont peur les uns et les autres, ils ont peur les uns des autres. Mais que s’est-il passé ?
Premièrement, ceux qui ont quitté Jérusalem, les voilà qu’on les retrouve ailleurs, dans le pays voisin, Samarie, dans un endroit que les Juifs n’aiment pas, et dans un endroit où on n’aime pas beaucoup les Juifs. Et voilà qu’avec l’un d’entre eux, Philippe, ils vont commencer à annoncer la Parole de Dieu. Cela veut dire que ce petit groupe là, le voilà qu’il commence à se déplacer, et à n’avoir plus peur d’annoncer la foi ailleurs. Que se passe-t-il avec quelques autres qui sont restés à Jérusalem ? Ils ensevelissent le corps d’Étienne, premier martyr. Ils n’ont pas eu peur, ceux-là, de prendre le corps de ce premier témoin, de le porter en terre, et ainsi de montrer qu’il y avait dans leur foi quelque chose de si fort, ils croyaient qu’à Étienne était promise la résurrection, et en prenant soin de son corps ils manifestaient que, comme pour Jésus, la résurrection allait arriver pour lui aussi.
Et puis vous connaissez aussi la suite de l’histoire de Saul devenu Paul. Lui il ne part pas seulement en Samarie, il a été un jour complétement transformé, et grâce à lui, grâce à son ministère, la foi au Christ vivant, ressuscité, va pouvoir se transmettre dans tout le bassin méditerranéen. Et dans le monde entier elle sera portée jusqu’à aujourd’hui pour nous.
Alors avec ces témoignages que nous venons d’entendre dans le récit des Actes des Apôtres à l’instant, avec les témoignages que vous avez entendus depuis que vous êtes ici au Frat - et je pense particulièrement aux cinq témoignages que nous avons entendus hier, des personnes qui disent qu’elles ont affronté avec Jésus la peur, la peur naturelle qui existe en chaque homme devant des moments difficiles, devant des étapes compliquées de la vie, devant des obstacles très forts, qui empêchent de vivre, qui empêchent parfois de réaliser ce que l’on voudrait - avec ces témoignages que nous avons entendus, nous pouvons comprendre que la peur n’est pas interdite. La peur fait partie de ces sentiments qui habitent les hommes et qui les préviennent d’une difficulté, d’un danger, d’un obstacle, mais cela n’est pas pour rester devant l’obstacle, c’est pour le traverser. La peur signale que les obstacles dans l’existence sont faits pour être traversés. Et nous savons, nous, que nous ne les traversons pas tout seuls. Non seulement parce que nous sommes nombreux, mais parce que nous avons la certitude qu’il y a un compagnon de route. Chaque jour nous avons la joie, la grâce, de savoir que nous sommes sans cesse accompagnés, surtout accompagnés par celui qui dit : la volonté de celui qui m’a envoyé c’est que je ne perde aucun de ceux qu’il m’a donnés. Et c’est nous qui sommes ceux que le Père lui a donnés, pas simplement les disciples d’autrefois. Jésus nous dit : ce que le Père veut c’est que je ne perde aucun de ceux qu’il m’a confiés. Disons-le autrement : et que je les ressuscite au dernier jour. J’avais envie de dire : que je les ressuscite chaque jour jusqu’au dernier jour où ils seront enfin dans la lumière de Dieu. Chaque jour, que nous nous laissions habituer, parce que le Christ nous le dit, à être des ressuscités qui n’ont pas peur des obstacles de l’existence, que chaque jour nous nous habituions à être un jour dans la lumière de Dieu. Que chaque jour nous sachions qu’avec lui nous pouvons : là où il y a du doute, mettre de la foi ; là où il y a de l’obscurité, mettre de la lumière ; là où il y a de la haine, mettre de la fraternité, là où il y a de l’offense, mettre du pardon. Vous avez reconnu-là cette prière qu’on attribue à saint François d’Assise, jamais il n’aurait pu dire une chose pareille s’il n’avait pas été habité par cette certitude que le Christ était son compagnon de tous les jours, qu’il est ressuscité pour que nous ressuscitions nous aussi, et que chaque jour nous nous habituions, non pas à ne pas avoir peur mais à franchir les obstacles et le mur de la peur pour être avec lui de ceux qui apportent de la lumière et de la paix.
Que le Seigneur soit avec vous tous chaque jour.
Que vous soyez certains qu’il est avec vous et qu’il vous fait goûter non pas la peur mais le dépassement de la peur, pour vivre dans la paix chaque jour.
+Laurent Ulrich, archevêque de Paris