Homélie de Mgr Laurent Ulrich - Messe de la Sainte Trinité à Saint-François de Molitor

Dimanche 4 juin 2023 - Saint-François de Molitor (16e)

 Sainte Trinité — Année A

- Ex 34, 4b-6.8-9 ; Dn 3, 52, 53, 54, 55, 56 ; 2 Co 13, 11-13 ; Jn 3, 16-18
D’après transcription

L’évangile de ce jour de fête commence de façon étonnante, on ne sait pas qui parle. C’est évidemment Jésus, après la rencontre, ou dans le cours de la rencontre de Jésus avec Nicodème, au chapitre 3 de saint Jean. Mais cette parole, qui est à la fois discours, à la fois commentaire de tout ce qui s’est passé entre Jésus et Nicodème dans les versets précédents, cette parole que nous entendons résonne très fort à nos oreilles. « Dieu a tellement aimé le monde qu’il a donné son Fils unique, afin que quiconque croit en lui ne se perde pas, mais obtienne la vie éternelle. » On devrait évidemment avoir cette phrase de Jésus toujours en tête, on devrait la connaitre par cœur. Mais on devrait se souvenir que c’est cela qui fonde la vie que nous menons, la vie que nous avons reçue, la vie qui nous mène jusqu’auprès de Dieu tout au long de notre existence, depuis notre naissance et notre baptême - notre nouvelle naissance – jusqu’à la vie éternelle.

Cette formule ouverte et généreuse, elle institue le peuple de ceux qui croient, le peuple de ceux qui témoignent qu’ils sont sauvés et que le monde est fait pour être sauvé. Nous ne sommes pas sauvés du mal, de la mort et du péché, nous ne sommes pas sauvés de cela, de tout cela qui constitue la trame de nos existences. Nous n’en sommes pas sauvés par quelques gestes magiques, nous n’en sommes pas sauvés par l’appartenance à un clan, nous n’en sommes pas sauvés par des rites, mais d’abord par le regard d’amour de Dieu sur ce monde et sur les hommes et les femmes qui le peuplent, sur l’humanité tout entière et sur la création tout entière, appelée à être ainsi transformée dans son amour. L’amour de Dieu est sans frontière, il dépasse les peuples, il dépasse les habitudes, il dépasse les croyances et il s’offre à tout Homme, quelle que soit son origine, quelle que soit sa personnalité, quel que soit même le chemin religieux qu’il fait, Dieu se donne à tous, dans une relation tout à fait mystérieuse. Le mot de mystère est utilisé ici à dessein, il ne signifie pas une obscurité à laquelle nous ne comprenons rien, mais au contraire une lumière qui nous enveloppe et qui dit notre vocation, qui dit l’appel que nous avons reçu, qui dit la possibilité que tout homme a de répondre à cet appel. C’est une grâce infinie qui nous est offerte. C’est dans cet amour qui lie le Père et le Fils que nous vivons. C’est à l’intérieur même de cet amour que nous sommes appelés, transformés, et réjouis tout au long de notre existence, quoi qu’il en soit des circonstances qui la traversent. Nous entendons cet appel comme un appel permanent à resituer toute notre vie dans un amour qui nous attend, qui nous appelle, qui ne cesse de nous faire grandir et qui nourrit notre espérance.

Et ainsi nous voilà introduits non seulement dans notre vie quotidienne mais dans notre liturgie. Ainsi que le dit la deuxième lecture, comme je l’ai signalé en ouverture de cette célébration, que la grâce du Seigneur Jésus-Christ, l’amour de Dieu, et la communion du Saint-Esprit soient avec vous tous. Nous avons raison de revenir aussi, sans cesse, à cette forme même de l’annonce évangélique. Nous comprenons alors que non seulement chacun d’entre nous, personnellement, dans sa vie quotidienne, est appelé et peut répondre par les gestes d’amour qu’il donne et qui témoignent de l’amour qu’il a reçu. Mais nous comprenons que l’amour du Père, et du Fils et de l’Esprit Saint est la source de la vie de l’Église. Nous comprenons que l’amour trinitaire, l’amour du Père et du Fils dans l’Esprit est à l’origine. Je veux dire non pas simplement à l’origine il y a 2000 ans, mais à l’origine tous les jours de l’amour qui traverse l’Église. L’Église, certes, est une institution qui – comme toute institution humaine – a ses faiblesses, ses fragilités, et est traversée du péché, du mal, du péché de ses membres, de ses ministres, mais elle est d’abord, et pour toujours, le signe - et elle le demeure - de cet amour du Père, et du Fils et de l’Esprit qui est un amour fidèle. C’est parce que l’Église est portée par l’amour du Père, et du Fils et de l’Esprit qu’elle demeure, jour après jour, signe de cet amour initial, de cet amour permanent, de cet amour éternel qui traverse nos vies.

Alors nous pouvons aussi rendre grâce, non seulement pour la vie de chacun d’entre nous, pour la capacité que chacun d’entre nous a de répondre à cet amour par les gestes d’amour et de fraternité dont il est capable. Mais nous découvrons et nous sommes très touchés d’être choisis pour être, à travers notre participation à la vie de l’Église, des témoins de tout ce qui nous enveloppe, de toute la lumière qui habite l’Église et qui fait que le Christ rayonne à travers elle.

C’est une histoire très longue qui nous a été offerte depuis les débuts, dont témoigne la première lecture, tirée du Livre de l’Exode, lequel raconte l’itinérance du premier peuple de Dieu, du premier peuple qui s’est senti appelé. Cette itinérance elle était guidée, déjà, par la certitude d’un amour durable et même éternel. Elle est dite par Moïse qui conduit le peuple et qui rapporte ces paroles du Seigneur lui-même : « Le Seigneur, le Seigneur, Dieu tendre et miséricordieux, lent à la colère, plein d’amour et de vérité. » Ce mot « lent à la colère » peut nous gêner pour décrire Dieu comme s’il était capable de colère, et nous comprenons que c’est son amour permanent qui peut être touché quand il n’y est pas répondu. Alors nous accueillons ce « lent à la colère » qui est autrement décrit par « tendre et miséricordieux », « plein d’amour et de vérité ». La vérité est ce qui nous entoure, c’est ce qui fait que nous sommes comblés. La vérité c’est cela même, l’amour qui touche tout homme, qui est adressé à tout homme, et dont nous sommes simplement les témoins, parce que nous sommes membres de l’Église, une et sainte, c’est-à-dire marquée par cet appel et cette vocation.

C’est dans l’amour que nous sommes vivants, c’est dans l’amour que l’Église demeure le témoin du Père et du Fils et de l’Esprit, c’est dans l’amour que nous sommes conduits jour après jour, et c’est dans l’amour que nos liturgies sont en permanence plongées. Voilà pourquoi, à travers tous les siècles, et à travers les façons que l’Église a eues de célébrer l’eucharistie, nous sommes toujours enveloppés, conduits et portés jusqu’à l’incandescence d’un amour qui nous rejoint et nous transforme.

Nous rendons grâce à Dieu de tout ce qu’il nous fait connaitre et du chemin qu’il nous ouvre pour aller de lui, dont nous venons, jusqu’à lui. Nous sommes remplis de joie, comme nous demande de l’être saint Paul.

+Laurent Ulrich, archevêque de Paris

Homélies

Homélies